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Référence : Agnaou c. Service des poursuites pénales du Canada et. al., 2019 TPFD 3

Dossier : T-2017-01

Rendue à Ottawa (Ontario)
Date : Le 13 novembre 2019

 

Affaire concernant une demande du Commissaire à l’intégrité du secteur public présentée au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs Canada

 

ENTRE :

YACINE AGNAOU
plaignant

-et-

LE COMMISSAIRE À L’INTÉGRITÉ DU SECTEUR PUBLIC DU CANADA

-et-

SERVICE DES POURSUITES PÉNALES DU CANADA
employeur

-et-

ANDRÉ A. MORIN, BRIAN SAUNDERS, GEORGES DOLHAI ET DENIS DESHARNAIS
défendeurs à titre individuel


 

 


DÉCISION SUR LE FOND AMENDÉE

 


DÉCISION AU MÉRITE

I.  Introduction

[1]  Le 2 août 2017, le Commissaire à l’intégrité du secteur public du Canada (le Commissaire) transmet au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (le Tribunal) un Avis de demande d’instruction en vertu de l’alinéa 20.4(1)b) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, LC 2005, ch 46 [la Loi] et de la règle 5 des Règles de pratique du Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, DORS/2011-170 [les Règles].

[2]  Cet Avis répond au jugement de la Cour Fédérale dans Agnaou c Procureur général du Canada, 2017 CF 338 [Agnaou 2017 CF 338], ayant notamment ordonné au Commissaire de demander au Tribunal d’instruire la plainte de Me Agnaou et de décider si des représailles ont été exercées contre lui. Ainsi, dans son Avis, le Commissaire demande au Tribunal de décider si des représailles, telles que définies au paragraphe 2(1) de la Loi, ont été exercées contre Me Yacine Agnaou, le plaignant. Le cas échéant, le Commissaire demande au Tribunal d’ordonner la prise de mesures de réparation à l’égard du plaignant et la prise de sanctions disciplinaires.

[3]  Le Commissaire indique avoir tenu compte de l’alinéa 20.4(3)d) de la Loi, et qu’il est dans l’intérêt public de présenter son Avis au Tribunal compte tenu des circonstances particulières relatives à la plainte, y compris le jugement précité dans Agnaou 2017 CF 338. Par ailleurs, compte tenu des circonstances exposées ci-après, et tel que nous le verrons plus loin, le Commissaire ne soutient pas tous les arguments de Me Agnaou dans la présente affaire.

[4]  Le 20 avril 2018, lors d’une conférence préparatoire, le Tribunal acquiesce à la demande des parties et scinde l’instance en deux. Le Tribunal doit donc d’abord déterminer si des représailles ont été exercées contre Me Agnaou et se prononcer ensuite, si nécessaire, sur les questions en lien avec la prise de mesures de réparation et de sanctions disciplinaires. La présente décision traite du premier de ces deux volets.

[5]  En bref, et pour les motifs exposés ci-après, le Tribunal conclut que Me Agnaou n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, certains des éléments prévus à la Loi aux fins de conclure que des représailles ont été exercées contre lui. En effet, Me Agnaou n’a pas prouvé qu’il a fait une divulgation protégée en vertu de l’article 12 de la Loi en avril 2009, ni que la mesure a été prise à son endroit pour le motif qu’il a divulgué. Ainsi, le Tribunal rejettera la plainte.

II.  Contexte

[6]  Les faits de cette affaire se déroulent sur plusieurs années et il parait utile d’en relater certains brièvement afin de comprendre les arguments soulevés par les parties. Je les exposerai en segment avec l’objectif d’en faciliter la lecture et la compréhension.

A.  Évènements 2008-2009

[7]  Me Agnaou est avocat et membre du Barreau du Québec. À compter de 2003, il œuvre comme procureur fédéral au sein de l’Équipe des crimes économiques du Service fédéral des poursuites et, à compter de 2006, au sein du bureau régional du Québec (BRQ) du Service des poursuites pénales du Canada (SPPC) nouvellement créé.

[8]  En janvier 2006, l’Agence du revenu du Canada (ARC) remet un rapport d’enquête au Service fédéral des poursuites recommandant de poursuivre une compagnie (A) ayant fait défaut de répondre à ses demandes péremptoires de renseignements. Le 24 janvier 2006, le dossier (Dossier A) est assigné à Me Agnaou qui doit déterminer s’il s’avère nécessaire d’intenter des poursuites pénales.

[9]  Me Agnaou penche rapidement en faveur d’intenter des poursuites contre la compagnie A. Par ailleurs, vers le mois de septembre 2007, le bureau de la sous-procureure adjointe, portefeuille des services du droit fiscal du ministère de la justice aurait exprimé une certaine réticence au dépôt d’accusations dans le Dossier A et aurait fait part de ses réticences à la Division générale des appels de l’ARC. Il appert qu’une divergence d’opinions concernant le dépôt d’accusations existe au sein même de l’ARC (pièce P-5). 

[10]  Le 4 novembre 2008, Me Carolyn Farr, l’une de trois procureures fédérales en chef adjointes au BRQ et superviseure de Me Agnaou, ainsi que Me Bernard Mandeville, avocat général au BRQ, estiment qu’il est prématuré d’intenter des poursuites, notamment puisque la Division générale des appels de l’ARC est saisie de l’avis d’opposition logé par la compagnie A à l’encontre de ses nouvelles cotisations.

[11]  Parallèlement, à l’automne 2008, les relations entre Me Agnaou et certains gestionnaires du SPPC commencent à se dégrader. Au titre des sources de frictions, citons par exemple des préoccupations sur sa charge de travail, sur les demandes de compte rendu mensuel, sur son état de santé puisqu’il se dit fatigué, sur son programme de développement, particulièrement en lien avec son implication dans un dossier impliquant un procès devant jury, sur sa participation à une réunion de formation en septembre 2008 et sur son comportement en milieu de travail.

[12]  Ainsi, au début de décembre, Me Agnaou saisit directement Me André A. Morin, procureur fédéral en chef au BRQ, de l’impasse à laquelle il en est arrivé avec les procureurs en chef adjointes à la suite des décisions qu’elles ont prises, collégialement, depuis le mois de septembre 2008. Me Agnaou demande néanmoins à Me Morin de relever de Me Sylvie Boileau, l’une des procureures fédérales en chef adjointe au BRQ, et ce dernier acquiesce. Le 7 janvier 2009, dans un courriel qu’il transmet à Me Chantal Proulx, directrice adjointe par intérim des poursuites pénales à l’administration centrale du SPPC, Me Agnaou indique déjà être à un tournant de son cheminement professionnel et que les perspectives lui permettant de gérer au mieux ce tournant n’existent plus au BRQ (pièce P-162).

[13]  En prévision de leur rencontre prévue le 27 janvier 2009, Me Boileau demande à Me Agnaou de lui apporter le Dossier A, et elle en discute avec lui lors de cette rencontre. Me Agnaou en déduit que Me Boileau est déjà influencée par les autres membres de la gestion et que le BRQ a alors comme mission de s’assurer qu’aucune poursuite ne soit engagée, peu importe la teneur de ses recommandations. Un désaccord se dessine donc entre eux quant à la gestion du Dossier A.

[14]  Le ou vers le 10 février 2009, Me Agnaou confirme sa recommandation que des poursuites devraient être intentées contre la compagnie A. Cependant, Mes Boileau, Farr et Mandeville ne partagent pas son avis. Le Comité des avocats généraux, composé d’un avocat général principal, Me Michel F Denis, et de cinq avocats généraux, est saisi d’une demande de recommandation sur le Dossier A. Le 9 mars 2009, le Comité se réunit et recommande de ne pas intenter de poursuites (pièce P-7). Me Agnaou n’est pas informé que le Dossier A est à l’ordre du jour de la réunion du Comité et il n’est pas invité à la discussion. 

[15]  Le 23 mars 2009, Me Boileau rencontre Me Agnaou, tel que confirmé dans le document que Me Agnaou dépose auprès du Commissaire en octobre 2011. Me Agnaou y confirme notamment que l’objectif était de discuter de sa participation dans le dossier impliquant le procès devant jury et que Me Boileau lui a alors reproché d’avoir manqué à ses directives et d’envoyer des courriels qui enveniment leur relation de travail (pièce P-66 à la p. 14).

[16]  A l’audience, Me Boileau relate avoir alors eu peur de Me Agnaou et avoir, dès la fin de cette rencontre, soulevé des questions en lien avec la sécurité et la santé de Me Agnaou auprès de Me Morin. Me Boileau affirme que Me Agnaou aurait eu un comportement intimidant envers elle, lui aurait indiqué être fatigué et aurait tenu des propos à l’effet qu’ils ne se reverraient plus et qu’ils étaient tous contre lui. Compte tenu des préoccupations de Me Boileau, Me Morin contacte les responsables de la sécurité à Ottawa.

[17]  Le 24 mars 2009, Me Agnaou rencontre Mes Boileau, Farr et Denis. Il reçoit alors la note de Me Morin consignant la décision de ne pas intenter de poursuites dans le Dossier A et demandant à Me Agnaou de fermer le dossier (pièce P-7).

[18]  Le même jour, Me Agnaou demande à Me Morin de reconsidérer sa décision et le 1er avril 2009, il lui transmet une note de service de 44 pages pour soutenir sa recommandation de poursuite (pièce P-12), référant alors à des annexes qu’il omet cependant de joindre à ladite note de service. Le 1er avril 2009, Me Morin confirme à Me Agnaou que sa décision en lien avec le Dossier A demeure inchangée (pièce P-11).  

[19]  Toujours le 1er avril 2009, après avoir reçu la confirmation précitée de Me Morin, Me Agnaou transmet le courriel ci-dessous à Me Boileau, sa supérieure hiérarchique (pièce P‑13) :

« Par ailleurs, comme je vous l'ai annoncé, je ne peux, en mon âme et conscience ne pas soumettre cette affaire au Directeur des poursuites pénales. Il est patent que la gestion du BRQ avait dès l'automne 2008 (si ce n'est pas dès l'intervention du ministère de la Justice en septembre 2007) pris la décision de trouver un moyen pour fermer le dossier. Les arguments avancés à la rencontre du 4 novembre 2008, du 24 février 2009 et dans le procès-verbal du 9 mars 2009 sont quasiment identiques.

Je prétends que la consultation du Comité des avocats généraux était destinée à "crédibiliser" une décision prise à l'extérieur du processus régulier prévu au Chap 15 du Guide du SFP. Je prétends également que la rencontre d'aujourd'hui n'a jamais eu pour but de permettre au Procureur en chef de reconsidérer sa décision qui a vraisemblablement été discutée par la gestion du BRQ, et ce, avant la réception de la dernière mouture du rapport de poursuite (janvier 2009). Ces forums n'ont pas été mis en place pour débattre de façon véritable des faits de cette affaire. D'ailleurs, les erreurs factuelles dans le procès-verbal du Comité des avocats généraux et la méconnaissance du rapport de poursuite que j'ai relevée chez les membres de la gestion du BRQ disent tout sur les raisons de son intervention dans le présent dossier.

Ainsi, pourrais-tu, s'il te plaît, m'indiquer comment soumettre ce cas à l'attention du Directeur des poursuites pénales. Je pourrais transmettre à la personne-ressource que vous m'indiquerez mon exposé des faits ci-joint, ses annexes (que André n'a pas lues avant de confirmer sa décision) ainsi que le rapport de poursuite complet. »

[20]  Le 2 avril 2009, informé que l’ARC avait été avisée de la décision de Me Morin, Me Agnaou transmet un autre courriel à Me Boileau, plaçant Mes Morin et Farr en copie (pièce P-59) :

« Compte tenu que les intervenants externes ont déjà été avisés de la décision de notre Procureur en chef, je ne peux que réévaluer le caractère opportun de mes démarches visant à faire vaLoir au Directeur des poursuites pénales que cette décision a été prise contrairement aux politiques de notre organisation et qu’elle dessert l’intérêt public.

Je vais, les prochaines semaines, me concentrer sur mes dossiers actifs et réfléchirai sur les suites à donner à cette grave affaire. Mes décisions seront définies par mes responsabilités de procureur de la Couronne telles qu’elles sont précisées dans nos Lois et nos politiques. Le cas échéant, notre Procureur en chef sera informé par les autorités compétentes. »

[21]  Ce sont ces deux courriels que Me Agnaou identifiera, en janvier 2013, comme des divulgations protégées en vertu de l’article 12 de la Loi.

[22]  Le 3 avril 2009, Me Morin somme Me Agnaou de prendre congé et de consulter son médecin aux fins de confirmer que sa santé lui permet de travailler (pièce P-18). Le 4 avril 2009, Me Agnaou transmet un autre courriel à Me Morin, dans lequel il allègue que la gestion du BRQ n’a pas respecté le processus régulier prévu au chapitre 15 du Guide du Service fédéral des poursuites, indique son intention de communiquer les 86 annexes qu’il avait omis de joindre à son courriel précédent, afin que Me Morin réévalue de nouveau sa décision, et réitère sa demande de soumettre le Dossier A à l’appréciation du Directeur des poursuites pénales, Me Brian Saunders (pièce P-18).

[23]  En contre-interrogatoire devant le Tribunal, Me Agnaou indique que le ou vers le 7 avril 2009, il prend connaissance de la Loi et en discute avec Me Bernard Lanthier, comme d’une option possible.

[24]  Le ou vers le 3 avril 2009 Me Agnaou demande l’assistance de son représentant syndical en la personne de Me Alain Gareau. Ainsi, en réaction aux décisions prises par ses gestionnaires, Me Agnaou, assisté de Me Gareau, dépose trois griefs, quatre plaintes de harcèlement psychologique et une plainte en vertu de l’article 127.1 du Code canadien du travail, LRC (1985), ch L-2 [Code canadien du travail]. Me Gareau, lors de son témoignage devant le Tribunal, indique ne pas se souvenir d’avoir fait référence à la Loi ou à un quelconque acte illégal dans le cadre du Dossier A (transcriptions, volume 3, p. 882).

[25]  Le 19 mai 2009, Me Agnaou obtient un document de son médecin, le 26 mai 2009, le médecin de Santé Canada confirme que Me Agnaou est apte au travail et le 2 juin, ce dernier revient donc au travail.

[26]  Par ailleurs, en mai et en juin 2009, Me Agnaou contacte le Commissariat à l’intégrité du secteur public (le Commissariat) d’abord sous le couvert de l’anonymat et ensuite en dévoilant son identité (pièce s P-186, P-197). Dans sa première communication avec le Commissariat, Me Agnaou s’informe sur ce qui pourrait constituer un cas grave de mauvaise gestion et sur le fonctionnement du Commissariat. Lors de sa deuxième communication, Me Agnaou relate les faits reliés au Dossier A et indique au Commissariat qu’il songe à déposer une divulgation d’acte répréhensible officielle.

[27]  Durant la même période, Me Agnaou conteste le résultat de concours pour le poste de superviseur des mandataires, laissé vacant par Me Boileau, et pour deux postes de niveau LA-3A au ministère de la Justice. Plus précisément, le 9 février 2009, il dépose une plainte auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique en lien avec le poste de superviseur des mandataires et l’audience de ce litige est fixée pour le mois de juin 2009.

[28]  Vers la fin de 2008, Me Agnaou participe également à un concours visant à établir un bassin de candidats qualifiés pour des postes LA-2B au sein du SPPC, et le 3 juillet 2009, il se qualifie dans ce bassin (pièce P-198).

B.  Juin 2009 : Protocole d’entente

[29]  Au mois de juin 2009, le Tribunal de la dotation de la fonction publique doit entendre la contestation de Me Agnaou en lien avec la dotation au poste de superviseur des mandataires, mais l’audience sur le mérite est précédée par une séance de médiation. Mes Agnaou et Morin, ayant conclu que le lien de confiance entre le premier et le BRQ est érodé, acceptent de profiter du processus de médiation précité pour négocier une entente afin de mettre fin au litige. Les négociations aboutissent à une entente, et le 26 juin 2009, Me Agnaou et Me George Dolhai, directeur adjoint du SPPC, signent le Protocole d’entente (pièce D-223).

[30]  Le Protocole d’entente contient une section relative à l’employeur, une autre relative à l’employé et une troisième relative aux parties. Ainsi, l’employeur accorde notamment à Me Agnaou des congés, rémunérés et « sans solde avec compensation », jusqu’au 4 janvier 2012, soit pour une période de quelques 30 mois, suivis d’une priorité d’un an. L’employé, entre autres, accepte les avantages en règlement final et complet de toutes ses plaintes, s’engage à ne pas retourner au Service ”, pendant ou à la fin du congé, y inclut pendant la période que durera sa priorité à la Commission de la fonction publique, et retire sa plainte du 9 février 2009 et toutes les plaintes et griefs énumérés à l’annexe 1 du protocole d’entente. Je note que selon le texte du Protocole d’entente, le « Service » réfère, sans ambigüité, au SPPC.

C.  Octobre 2011 : Divulgation au Commissaire

[31]  Le 13 octobre 2011, Me Agnaou transmet à M. Mario Dion, alors Commissaire, une lettre de 36 pages (pièce P-66) à laquelle il joint un Formulaire de divulgation d’actes répréhensibles et 86 annexes.

[32]  Dans son Formulaire de divulgation, Me Agnaou indique entre autres que l’acte répréhensible qui a été commis en est un de « cas grave de mauvaise gestion dans le secteur public », tel que prévu à l’alinéa 8(c) de la Loi, et il réfère le lecteur à la lettre précitée de 36 pages et aux 86 annexes. En réponse à la question à cet effet dans le Formulaire, Me Agnaou indique avoir signalé l’acte répréhensible présumé à un superviseur ou à un collègue, mais il ne fournit pas les informations demandées et réfère plutôt de nouveau aux allégations de sa lettre de 36 pages et aux 86 annexes (pièce P-202 à la p. 6). Toujours dans son Formulaire, Me Agnaou indique avoir signalé l’acte répréhensible au Commissariat le 25 mai 2009.

[33]  Dans sa lettre d’allégations, Me Agnaou donne un aperçu du cas grave de mauvaise gestion et il identifie trois gestionnaires du BRQ, dont Me Morin, comme les exécutants des actes répréhensibles allégués, tout en soulignant qu’ils n’en sont probablement pas les principaux commanditaires.

[34]  Me Agnaou ne reproduit pas les courriels du 1 et 2 avril 2009 dans sa lettre d’allégations, mais il réfère au premier au paragraphe 54 et il cite des passages du second au paragraphe 55. Cependant, ni le Formulaire de divulgation, ni la lettre d’allégations de 36 pages ne réfèrent à ces deux courriels comme étant des divulgations d’acte répréhensibles. Selon le témoignage de Me Agnaou et selon les décisions de la Cour d’appel fédérale et de la Cour fédérale, ce n’est qu’en janvier 2013, en réponse aux questions d’un analyste du Commissariat, dans le cadre de sa plainte de représailles que Me Agnaou signale que ces courriels des 1er et 2 avril 2009 peuvent constituer une divulgation interne (volume 19 des transcriptions à la p. 5316; Agnaou c Canada (Procureur général), 2015 CAF 29 au para 14 [Agnaou 2015 CAF 29]; Agnaou c Canada (Procureur général), 2014 CF 87 au para 12 [Agnaou 2014 CF 87]).

[35]  M. Dion se récuse rapidement du dossier de divulgation de Me Agnaou puisqu’il connait certains des intimés, notamment Me Saunders, le Directeur du SPPC. Le 6 septembre 2012, c’est donc M. Joe Friday, le Sous-Commissaire, qui rend sa décision de ne pas enquêter sur la divulgation de Me Agnaou (pièce P-205). Le Sous-Commissaire fonde son refus d’enquêter sur les alinéas 24(1)(e) et (f) de la Loi, concluant que les faits visés par la divulgation résultent de la mise en application d’un processus décisionnel équilibré et informé qui ne suggère pas qu’un acte répréhensible ait pu être commis. Le Sous-Commissaire rejette l’allégation de Me Agnaou selon laquelle les actions et décisions prises par la gestion représentent un cas grave de mauvaise gestion car elles contreviennent au principe de l’égalité de tous devant la Loi.

[36]  Il parait utile de souligner ici d’emblée que l’article 24 de la Loi prévoit que le Commissaire peut refuser de donner suite à une divulgation ou de commencer ou poursuivre une enquête s’il estime, entre autres, que les faits visés par la divulgation ou l’enquête résultent de la mise en application d’un processus décisionnel équilibré et informé ou que cela est opportun pour tout autre motif justifié (alinéas 24(1)e) et f) de la Loi).

[37]  Le paragraphe 27(1) de la Loi prévoit, quant à lui, que c’est au moment de commencer une enquête que le Commissaire informe l’administrateur général concerné de la tenue de l’enquête et qu’il lui fait connaître l’objet de la divulgation en cause. S’il n’y a pas d’enquête, comme c’est le cas en l’espèce, le Commissaire n’informe donc pas l’administrateur général concerné de l’existence d’une divulgation.

[38]  Le 1er octobre 2012, Me Agnaou demande le contrôle judiciaire de la décision du Sous‑Commissaire de ne pas enquêter sa divulgation d’acte répréhensible, rendant ainsi publique sa divulgation d’octobre 2011 auprès du Commissaire.

[39]  Le 27 janvier 2014, la Cour fédérale rejette la demande de contrôle judiciaire. La Cour note en particulier que ce qui « sort clairement des faits et prétentions du demandeur est une différence d’opinions honnêtes entre un employé et son superviseur » et « [qu’en] fin de compte, ses supérieurs, qui sont plus expérimentés en matière de poursuites criminelles, ayant eu également des points de vue des collègues du demandeur, ont pris la décision de ne pas poursuivre, mettant en application un processus décisionnel équilibré et informé. Ce type de décision tombe directement dans le champ d’expertise et d’autorité de ces gens » (Agnaou c Canada (Procureur général), 2014 CF 86 au para 35 [Agnaou 2014 CF 86]).

[40]  Le 2 février 2015, la Cour d’appel fédérale rejette l’appel de Me Agnaou. Elle note au passage que le texte de l’article 24 de la Loi diffère de celui de l’article 41 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC (1985), ch H-6, puisqu’il accorde une discrétion plus grande au Commissaire pour décider ou non d’enquêter suite à une divulgation. Ultimement, la Cour d’appel conclut que le juge de première instance pouvait conclure que la décision du Commissaire est raisonnable vu l’existence d’une différence honnête d’opinion et la conclusion de ne pas faire enquête aux termes de l’alinéa 24(1)e) fait partie des issues possibles (Agnaou c Canada (Procureur général), 2015 CAF 30 au para 75 [Agnaou 2015 CAF 30]).  

[41]  La Cour d’appel fédérale confirme donc que la position du Sous-Commissaire de recourir à l’alinéa 24(1)e) de la Loi pour refuser d’enquêter était raisonnable et que le Sous-Commissaire a raisonnablement conclu que les faits visé par la divulgation, soit la décision ne pas poursuivre dans le Dossier A, ne constituent pas un acte répréhensible.

[42]  Aucune de ces décisions ne mentionne l’existence d’une divulgation interne ayant précédée la divulgation au Commissaire du mois d’octobre 2011.

D.  Les deux postes LA-2B de l’administration centrale du SPPC

[43]  Il faut prendre ici une pause dans le récit de Me Agnaou pour souligner que deux des avocates du bureau de l’administration centrale du SPPC s’affairent à faire reconnaitre le fait que leurs tâches correspondent à celles du niveau LA-2B plutôt qu’à celles du niveau LA-2A dans lequel elles sont classées. Il s’agit de Mes Laura Pitcairn et Sherri Davis-Barron qui, en juillet 2009, se qualifient toutes les deux dans le bassin précité LA-2B, celui dans lequel Me Agnaou s’est également qualifié (pièce P-84).

[44]  La preuve révèle qu’en 2002, Me Pitcairn entre au Bureau fédéral des poursuites, qu’en 2006, elle le quitte pour le Service canadien du renseignement de sécurité et qu’en septembre 2009, elle revient aux poursuites pénales, maintenant le SPPC. Dès le retour de Me Pitcairn en 2009, Me Dolhai lui indique que, puisqu’elle s’est qualifiée dans un bassin de niveau LA-2B, il pourrait la promouvoir à ce niveau « down the road » (volume 6 des transcriptions, p. 1539). Me Davis-Barron, quant à elle, débute au Bureau des poursuites fédérales en 2002.

[45]  La preuve documentaire et testimoniale révèle que, depuis au moins le printemps 2011, Mes Pitcairn et Davis-Barron pressent Me Dolhai, leur supérieur, de faire reconnaitre que les tâches associées à leurs postes sont de niveau LA-2B (pièces P-86 et P-90) plutôt que de niveau LA-2A. En fait, devant le Tribunal, Me Pitcairn a confirmé qu’elle questionnait Me Dolhai à ce sujet depuis septembre 2009.

[46]  En mai 2011, le bassin de candidats LA-2B précité est prolongé (pièce P-85). La pression exercée par les deux avocates pour faire reconnaitre leur poste au niveau LA-2B s’intensifie au début de l’année 2012 alors qu’elles refusent toutes deux de signer la description de poste générique qui leur est soumise, au motif que cette description ne correspond pas aux tâches qu’elles accomplissent (pièce P-89 et P-99). En mars 2012, Me Dolhai soumet une demande au comité des finances de l’organisation aux fins d’approuver un budget correspondant essentiellement à la différence entre deux postes LA-2B et deux postes LA-2A qui seront éliminés (pièce R-232). La preuve révèle que Me Dolhai planifiait ainsi accéder aux demandes des deux avocates en les nommant dans les deux postes LA-2B nouvellement créés à partir du bassin créé en 2009; en juin 2012, les intentions de nominations sont d’ailleurs affichées (pièce P-215 et P-216).

[47]  En réponse à ce processus de nominations, la Commission de la fonction publique (CFP) réfère une personne en priorité, qui choisit cependant de ne pas poursuivre le processus. Par ailleurs, le 18 juin 2012, Me Agnaou s’auto-réfère (pièce P-123), ce qui entraine un changement dans le type de procédure retenu par la gestion. La preuve révèle que Mes Dolhai, Morin et Saunders ont alors été surpris d’apprendre que Me Agnaou s’était auto-référé, compte tenu des termes du Protocole d’entente, mais qu’ils ont néanmoins reconnu que le droit de priorité, dans le cadre d’un processus de nomination, devait être respecté. Le processus de nomination à partir du bassin est alors abandonné et un processus de reclassification est initié.

[48]  Le 20 juillet 2012, Me Agnaou signale son opposition à ce changement du processus compétitif à un processus de reclassification (pièce P-106) et il saisit la CFP pour que celle-ci fasse respecter son droit de priorité. Entre-temps, en juillet 2012, les personnes responsables du processus de reclassification évaluent les postes de Mes Pitcairn et Davis-Barron, et en septembre 2012, concluent que les tâches des deux avocates correspondent effectivement au niveau LA-2B (pièce R-94 aux pp 3–5, 43–45). Le processus se termine, en décembre 2012, par la confirmation que les deux postes sont reclassifiés au niveau LA-2B (pièce P-93).

[49]  Pendant la période de juin 2012 à septembre 2012, Me Morin occupe le poste de directeur adjoint des poursuites pénales par intérim à l’administration centrale à Ottawa. M. Denis Desharnais est, depuis mars 2012, directeur des ressources humaines du SPPC, Me Saunders est toujours le Directeur du SPPC et Me Dolhai est toujours directeur adjoint du SPPC.

[50]  Le 31 août 2012, Me Agnaou adresse une lettre à Me Saunders et lui demande ses commentaires sur les raisons qui poussent le SPPC à procéder par une reclassification plutôt que par des nominations (pièce P-123). Par lettre datée du 6 septembre 2012, Me Saunders indique à Me Agnaou que M. Desharnais répondra à sa lettre (pièce P-106 à la p. 21).

[51]  Par lettre datée du 10 septembre 2012, soit quelques jours après la décision de Me Friday de ne pas enquêter sur la divulgation de Me Agnaou, M. Desharnais répond à Me Agnaou. M. Desharnais l’informe que la reclassification des postes a été considérée plus appropriée et il reconnait son droit de priorité. M Desharnais précise qu’il n’est pas nécessaire de prendre en considération les droits de priorité dans le cas d’une reclassification et que le droit de priorité de Me Agnaou n’est pas touché (pièce P-106 à la p 22).

[52]  Cette lettre du 10 septembre 2012 constitue la mesure alléguée par Me Agnaou dans le cadre de sa plainte de représailles.

E.  Certains évènements qui ont suivi la lettre du 10 septembre 2012

[53]  Le 17 septembre 2012, Me Agnaou écrit à la présidente de la CFP pour signaler ce qu’il présente comme  l’usurpation  de son droit d’obtenir l’un des poste LA-2B et pour lui  demander justice avant de solliciter les instances judiciaires  (pièce P-157). Le 19 octobre 2012, la vice-présidente de la Direction générale des politiques de la CFP répond à Me Agnaou et lui signale que la décision de procéder à une reclassification plutôt qu’à des nominations relève de l’autorité du SPPC, et non de la CFP, que la CFP a néanmoins discuté avec le SPPC et s’est assurée que la décision n’a pas été prise dans le but d’éviter de nommer un bénéficiaire de priorité (pièce P-28).

[54]  Le même jour, Me Agnaou répond à la vice-présidente et demande la tenue d’une enquête (pièce P-159). Le 31 décembre 2012, M. Guillaume Fontaine de la Direction générale des enquêtes de la CFP confirme à Me Agnaou que la CFP n’est pas compétente pour enquêter dans des processus de nomination interne, à moins qu’il ne s’agisse de fraude ou d’influence politique et répète que la décision de procéder à une reclassification appartient à l’employeur (pièce P-142).

[55]  Dans l’intervalle, le 8 décembre 2012, Me Agnaou écrit à M. Desharnais et s’enquiert de la possibilité pour le SPPC de protéger ses avantages liés à un départ en attendant la décision de la CFP ainsi que l’aboutissement des procédures judiciaires éventuelles (pièces P-29 et P-135). Le 24 décembre 2012, M. Desharnais lui répond que le SPPC n’a pas le pouvoir d’accéder à sa demande de prolonger son droit de priorité et le 4 janvier 2013, le droit de priorité de Me Agnaou expire (pièce P-30).

[56]  Il appert de la preuve testimoniale que Me Agnaou n’a pas contesté la décision du SPPC de procéder par reclassification, ni les décisions de la CFP, ni celle de M. Desharnais de ne pas donner suite à sa demande en lien avec les avantages liés à un départ et à l’expiration de son droit de priorité.

III.  Plainte de représailles

[57]  Le 7 janvier 2013, Me Agnaou dépose une plainte en matière de représailles auprès du Commissariat.

[58]  Dans le Formulaire de plainte qu’il signe le 5 janvier 2013, Me Agnaou décrit la mesure prise contre lui et qui constitue les représailles comme étant l’usurpation de l’emploi auquel il avait un droit clair (page 3 du Formulaire, question (c) (1)) et il confirme que les représailles ont été exercées contre lui le 10 septembre 2012, soit à la date de la lettre de M. Desharnais faisant état de la décision finale du SPPC de procéder à une reclassification des deux postes LA-2B plutôt qu’à des nominations à partir du bassin (pièce e P-210).

[59]  Me Agnaou indique aussi, notamment : « J’avais pour ma part très rapidement compris que les dirigeants du SPPC rechercheront par tous les moyens à m’empêcher d’occuper une fonction dans « leur » organisation en raison de ma divulgation du cas du dossier [A] (c.f. votre dossier PSIC-2011-D-1422) » (pièce P-210 à la p 3). À la page 8 du même Formulaire, Me Agnaou confirme avoir fait une divulgation protégée en référant uniquement au dossier du Commissariat PSIC-2011-D-1422 lequel correspond à la divulgation au Commissaire du mois d’octobre 2011 (voir pièce P-205).

[60]  Me Agnaou indique les quatre défendeurs individuels au titre des personnes responsables des représailles. Le SPPC est partie aux procédures devant le Tribunal en tant qu’employeur de Me Agnaou à l’époque où les représailles alléguées ont été exercées (alinéa 21.5(2)c) de la Loi).

[61]  Le 12 février 2013, le Sous-Commissaire refuse de statuer sur la plainte de représailles de Me Agnaou, la jugeant irrecevable en vertu de l’alinéa 19.3(1)c) de la Loi pour le motif qu’elle déborde de sa compétence (pièce P-211). Le Sous-Commissaire conclut, essentiellement, que (1) il se peut que les reclassifications puissent constituer une mesure au sens de la Loi; (2) le libellé du courriel du 2 avril 2009 ne saurait constituer une divulgation interne au sens de la Loi; et (3) l’administrateur général concerné n’a jamais été informé en lien avec la divulgation auprès du Commissariat, compte tenu du paragraphe 27(1) de la Loi et Me Agnaou n’a pas démontré comment ses gestionnaires auraient pu en avoir connaissance.  

[62]  Le 11 mars 2013, Me Agnaou demande le contrôle judiciaire de la décision du Sous‑Commissaire (pièce D-226).

[63]  Le 27 janvier 2014, la Cour fédérale rejette la demande de contrôle judiciaire de Me Agnaou à l’encontre de cette deuxième décision du Sous-Commissaire. La Cour souligne que l’analyste responsable du dossier de la plainte a demandé à Me Agnaou de lui indiquer où la preuve de la divulgation (interne) pourrait être trouvée dans ses matériaux et que c’est à ce moment, en janvier 2013, que Me Agnaou réfère pour la première fois aux courriels du 1er et le 2 avril 2009 comme des divulgations en vertu de l’article 12 de la Loi. Ultimement, la Cour conclut qu’il ne s’agissait pas là d’une divulgation protégée (Agnaou 2014 CF 87).

[64]  Le 2 février 2015, la Cour d’appel fédérale accueille l’appel de Me Agnaou et déclare la plainte en matière de représailles recevable (Agnaou 2015 CAF 29). En lien avec la divulgation en vertu de l’article 12 de la Loi, Mme la juge Gauthier souligne, elle aussi, que Me Agnaou a, le 21 janvier 2013 et en réponse à la lettre de l’analyste du Commissariat, précisé qu’il faut consulter les paragraphes 54 et 55 de son mémoire d’allégations de 36 pages ainsi que les annexes 42 et 43 en lien avec les courriels du 1er et du 2 avril 2009 qui, selon lui, pouvaient constituer une divulgation en vertu de l’article 12 de la Loi (Agnaou 2015 CAF 29 au para 14). En lien avec la divulgation protégée du 13 octobre 2011 au Commissariat, Mme la juge Gauthier souligne au passage qu’elle était confidentielle et, « puisque le Commissaire avait décidé de ne pas enquêter, le Commissariat n’a pas avisé le SPPC de cette divulgation » (Agnaou 2015 CAF 29 au para 11).

[65]  Mme la juge Gauthier distingue le traitement d’une divulgation d’actes répréhensibles tel qu’abordé dans Agnaou 2015 CAF 30 de celui d’une plainte en matière de représailles, au sujet duquel elle conclut que « comme c’est le cas en vertu de l’article 41 de la LCDP, seuls les cas évidents et manifestes doivent être rejetés sommairement parce qu’irrecevables » (Agnaou 2015 CAF 29 au para 57). La question devant la Cour d’appel était donc « de savoir si le [Sous-Commissaire] pouvait raisonnablement conclure qu’il est évident et manifeste que les courriels mentionnés par l’appelant ne pouvaient constituer une divulgation interne au sens de l’article 12 » et Mme la juge Gauthier conclut que ce n’est pas le cas (Agnaou 2015 CAF 29 aux para 69, 89).

[66]  Ainsi, nous pouvons retenir de cette décision de la Cour d’appel, notamment, (1) qu’il faut accorder la protection de la Loi en matière de représailles à un fonctionnaire qui a communiqué de l’information sur ce qu’il croyait de bonne foi être un acte répréhensible et que le fait que l’acte divulgué soit ou ne soit pas, in fine, jugé un acte répréhensible n’est pas pertinent dans le traitement d’une plainte de représailles (Agnaou 2015 CAF 29 aux para 73 et 74); (2) une personne n’a pas à invoquer la Loi, ou à mentionner la définition d’actes répréhensibles, l’article 12 de la Loi, le Commissaire, ou quelque autre organisme, pour que l’on puisse conclure qu’elle a fait une divulgation interne (Agnaou 2015 CAF 29 aux para 75 et 76); et (3) le courriel du 2 avril « confirme que selon l’appelant, ce qu’il décrivait dans son courriel du 1er avril était bien un cas grave de mauvaise gestion » (Agnaou 2015 CAF 29 aux para 78, 83–88 ).

[67]  La Cour d’appel fédérale renvoie le dossier au Commissaire afin qu’il en traite de la façon jugée appropriée. Le 9 avril 2015, le Commissaire entame une enquête en lien avec la plainte de représailles de Me Agnaou et en avise Me Morin (Pièce D-227). L’enquêteur du Commissariat rencontre alors Mes Morin et Roussel.

[68]  Le 9 novembre 2015, à la suite de l’enquête, le Commissaire détermine qu’il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que des représailles ont été exercées à l’encontre de Me Agnaou et il rejette la plainte en vertu de l’article 20.5 de la Loi. Le Commissaire indique, essentiellement, que le Protocole d’entente conclu en juin 2009 est un élément crucial afin de déterminer s’il existe un lien potentiel entre la divulgation alléguée et les mesures de représailles alléguées et que, vu les termes dudit Protocole d’entente, il n’a aucun motif raisonnable de croire que la non-nomination de Me Agnaou au poste convoité est en lien avec sa divulgation alléguée. Le 9 décembre 2015, Me Agnaou dépose une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de cette nouvelle décision du Commissaire de rejeter sa plainte de représailles.  

[69]  Le 31 mars 2017, la Cour fédérale accueille la demande de contrôle judiciaire de Me Agnaou et, entre autres, ordonne au Commissaire de demander, en vertu du paragraphe 20.4(1) de la Loi, au Tribunal d’instruire la plainte de représailles de Me Agnaou et de décider si des représailles ont été exercées à son égard (Agnaou c Canada (Procureur général), 2017 CF 338 [Agnaou 2017 CF 338]). Plus précisément, la Cour conclut qu’il n’était pas du ressort du Commissaire de déterminer s’il existe un lien entre la divulgation alléguée et la non-nomination de Me Agnaou au poste de LA-2B, cette détermination appartenant à la juridiction du Tribunal.

[70]  C’est dans ce contexte que l’Avis de demande d’instruction du Commissaire a été transmis au Tribunal. Ainsi, 19 jours d’audience ont été consacrés à l’audition de la présente affaire. Le Tribunal a entendu le témoignage de Me Agnaou et des 21 témoins qu’il a assignés, et celui des sept (7) témoins assignés par les défendeurs, incluant les quatre (4) défendeurs à titre individuel.

IV.  Compétence du tribunal

[71]  Me Agnaou a soutenu, lors de l’audience, qu’il convenait d’élargir le champ d’intervention du Tribunal au-delà de ce qui est énoncé dans l’Avis de demande d’instruction du Commissaire. Je lui ai alors confirmé que le Tribunal ne peut considérer des éléments qui ne sont pas énoncés dans cet Avis. Ma position s’appuie sur les principes énoncés par le Tribunal dans El-Helou c Service administratif des tribunaux judiciaires, 2011 TPFD 1 (El-Helou no 1). Le Tribunal, composé de trois membres, a alors confirmé que l’Avis de demande du Commissaire constitue l’acte introductif d’instance, que le Tribunal tire sa compétence de l’Avis présentée par le Commissaire sous le paragraphe 20.4(1) de la Loi et que le Tribunal ne peut se pencher sur des allégations qui ne font pas partie de cet Avis.  

[72]  Ainsi, tel que je l’ai décidé lors de l’audience, seuls les courriels des 1er et 2 avril 2009 peuvent être examinés à titre de divulgation interne en vertu de l’article 12 de la Loi, et seule la communication au Commissaire du 13 octobre 2011 peut être examinée à titre de divulgation externe en vertu de l’article 13 de la Loi. La mesure alléguée est la reclassification des deux postes LA-2B dans le but d’éviter de nommer Me Agnaou à l’un de ces postes – malgré le fait qu’il détenait une priorité de nomination (Avis de demande d’instruction aux para 14–18) et les décisions ultérieures de la CFP ou du SPPC ne sont donc pas en jeu à ce titre.

V.  Fardeau et norme de preuve

[73]  Dans le cadre d’une plainte de représailles, la Cour fédérale et le Tribunal ont déjà établi qu’il appartient au plaignant de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que (1) il a fait une divulgation protégée au sens de la Loi; (2) il a été visé par l’une des mesures énumérées dans la définition de « représailles » de l’article 2 de la Loi; et (3) que la mesure a été prise à son endroit pour le motif qu’il a divulgué, ce qui constitue des représailles (Agnaou 2017 CF 338 au para 7; Dunn c Affaires autochtones et du Nord Canada et Lecompte, 2017 TPFD 3 au para 66 [Dunn]; El-Helou 4 aux para 34, 47–49). Ces éléments découlent directement de la définition de représailles prévue à l’article 2 de la Loi qui prévoit :

représailles L’une ou l’autre des mesures ci-après prises à l’encontre d’un fonctionnaire pour le motif qu’il a fait une divulgation protégée ou pour le motif qu’il a collaboré de bonne foi à une enquête menée sur une divulgation ou commencée au titre de l’article 33 :

a) toute sanction disciplinaire;
b) la rétrogradation du fonctionnaire;
c) son licenciement et, s’agissant d’un membre de la Gendarmerie royale du Canada, son renvoi ou congédiement;
d) toute mesure portant atteinte à son emploi ou à ses conditions de travail;
e) toute menace à cet égard. (
reprisal)

[74]  Me Agnaou n’a soulevé aucun argument au contraire dans son exposé de précisions ou dans son exposé de précisions amendé et il a même, lors de l’audience, confirmé qu’un plaignant a le fardeau de prouver, par prépondérance des probabilités, les trois composantes ci-haut mentionnées (transcriptions, volume 2, p. 485; volume 5, p. 1314; volume 18, p. 4924). Arrivé presqu’au terme de la présentation de sa preuve, Me Agnaou a signalé son intention de présenter une contre preuve, (transcriptions volume 13 page 3657), mais n’y a pas donné suite, choisissant plutôt de demander au Tribunal l’autorisation d’ajouter à son exposé de précisions afin de soutenir qu’un cadre juridique particulier devait s’appliquer, différent de celui déjà établit par la jurisprudence. Ainsi, par courriel daté du 22 juin 2019, presqu’au terme de la présentation de la preuve des défendeurs, soit après 15 jours d’audience et au terme de près de 20 mois dédiés à la gestion de l’instance et à la préparation de l’audience, Me Agnaou a soumis que le cadre juridique jusqu’alors suivi par les parties et le Tribunal était erroné. Les défendeurs se sont opposés à la demande de Me Agnaou d’ajouter une position, la jugeant tardive.

[75]  Me Agnaou a soutenu, essentiellement, que le fardeau imposé au plaignant est trop onéreux. Me Agnaou a initialement référé au cadre juridique prévu par les articles 14 et 15 de la Loi canadienne des droits de la personne pour ensuite s’en éloigner et suggérer une 3e option selon laquelle il suffirait pour un plaignant de démontrer, par prépondérance de probabilités, l’existence de « subtiles odeurs de représailles » afin de renverser le fardeau sur le défendeur qui deviendrait chargé de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les trois éléments constitutifs des représailles ne sont pas rencontrés. Selon Me Agnaou, ce cadre juridique permettrait au Tribunal d’équilibrer le débalancement important relatif à l’information disponible au plaignant en matière de plaintes de représailles. À cet égard, Me Agnaou a soutenu que le Tribunal n’est pas lié par la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle le fardeau est celui du plaignant selon la norme de la prépondérance des probabilités (Dunn aux para 58, 66), vu les conclusions de la Cour d’appel fédérale dans Dunn c Canada (Procureur général), 2018 CAF 210, au paragraphe 7. Au surplus, lors de sa réplique, Me Agnaou a ajouté que si l’on adopte la position qu’un lien de causalité entre la mesure et la divulgation doit exister, le régime de protection des fonctionnaires divulgateurs est voué à l’échec.

[76]  Tel que je l’ai souligné lors de l’audience, je ne souscris pas à la proposition de Me Agnaou et confirme que le plaignant, et le Commissaire lorsque ce dernier prend position en faveur du plaignant, a le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, les trois éléments constitutifs des représailles précités.

[77]  La Cour suprême du Canada dans sa décision FH c McDougall, (2008) 3 RCS 41, confirme qu’il n’y a qu’une norme de preuve dans les procédures civiles, celle de la prépondérance des probabilités. La norme de preuve requise devant le Tribunal est donc aussi celle de la prépondérance des probabilités, tel que l’a d’ailleurs confirmé la Cour fédérale dans Agnaou 2017 CF 338.

[78]  M. le juge Annis a confirmé, dans Dunn, que le Commissaire, lorsqu’il partage la position du plaignant, a le fardeau de prouver les trois éléments constitutifs des représailles selon la prépondérance des probabilités. Le cadre juridique établit par le Tribunal n’a pas été contesté devant la Cour d’appel Fédérale qui a confirmé la décision Dunn (Dunn c Canada (Procureur) 2018 FCA 210) et tant le fardeau que la norme de la preuve ont déjà été établis.

[79]  Me Agnaou n’a soumis aucune autorité ou argument qui inciterait ou permettrait au Tribunal de s’éloigner de la jurisprudence établie sur la question.

VI.  Remarques préliminaires en lien avec l’audience

A.  Assignations à témoigner 

[80]  Me Agnaou a parfois oublié de déposer des éléments en preuve par le biais du témoin approprié. Je crois avoir fait preuve de flexibilité, en ligne avec l’article 2 des Règles, et lui ai permis de pallier à ses oublis lorsque la situation le permettait et en autant que le principe d’équité procédurale était respecté.

[81]  Lors de l’audience, Me Agnaou n’a déposé en preuve que deux des assignations à témoigner qu’il a transmises ou fait transmettre à ses témoins, ayant admis avoir oublié de déposer les autres en preuve au moment opportun. Une fois la présentation de la preuve terminée, il a demandé au Tribunal l’autorisation de déposer la copie de ces assignations. Le procureur de Me Morin s’est objecté, soutenant ne pas pouvoir contre-interroger les témoins à ce sujet et soulignant aussi que Me Agnaou n’avait pas la preuve de la date à laquelle les assignations avaient été signifiées à chaque témoin. Ainsi, vue l’équité procédurale due à chaque partie, le Tribunal accueille l’objection et n’autorise pas la production tardive de ces assignations en preuve. 

 

 

B.  Déroulement de l’audience

[82]  Me Agnaou a réprouvé, à plusieurs reprises, le fait que ses témoins ne se souvenaient pas de son dossier ou de certains faits, et il a insinué que ces oublis auraient été calculés ou arrangés par, ou au profit, des défendeurs. À cet égard, il importe de souligner que Me Agnaou ignorait le contenu du témoignage que livrerait chacun des témoins qu’il a assignés, ne les ayant jamais rencontrés an amont de leur assignation ou de l’audience. À cet égard, Me Agnaou a d’abord indiqué au Tribunal ne pas avoir eu accès à ses témoins (transcriptions, volume 1, p.59; volume 3, p. 612), mais il a subséquemment indiqué au Tribunal que sa pratique consistait plutôt en fait à ne jamais rencontrer ou préparer ses témoins au préalable, afin d’obtenir leur témoignage « à chaud » dans le but de trouver la vérité (transcriptions, volume 8, p. 2416). Me Agnaou n’a présenté aucune demande pour faire déclarer ses témoins opposés ou hostiles et aucune ordonnance n’a été prononcée à cet effet. J’ai néanmoins accordé à Me Agnaou une marge de manœuvre appréciable au niveau de ses interrogatoires en chef, afin de lui permettre, pour reprendre son expression, de faire sa preuve.

[83]  Durant l’audience, Me Agnaou a confirmé que les allégations qu’il a formulées à l’égard des intimés aux différentes étapes du processus précédant l’audition de sa plainte ne reposaient que sur une preuve circonstancielle qu’il cherchait à étoffer par les témoignages durant l’audience (transcriptions, volume 5, pp. 1233, 1239). Lors de l’audience, Me Agnaou a reconnu ne pas avoir possédé toute la preuve requise pour établir ses allégations en amont de l’audience, imputant cette situation au fait que le Commissariat n’a pas mené d’enquête avant l’instruction devant le Tribunal (transcriptions, volume 6, pp. 1768–1770). Il a notamment demandé au Tribunal, en cours d’instance, d’ordonner aux défendeurs de divulguer des documents additionnels et de reconnaitre que l’assignation à témoigner contenant une demande dite « duces tecum » oblige le témoin à chercher des documents qui ne sont plus sous son contrôle, sa garde ou en sa possession. J’ai rendu les décisions en lien avec ces demandes, oralement, le 6 juin et le 19 juin 2019.    

[84]  Il convient de noter à cet égard les propos de monsieur le juge Stratas dans Lukács v Swoop Inc., 2019 FCA 145, disponible en anglais seulement, reprenant le principe selon lequel un demandeur ne peut se présenter à l’audience dans le but de procéder à une chasse à l’aveuglette.

[85]  Au surplus, et en dépit des décisions interlocutoires rendues par la soussignée sur la pertinence de certains éléments de preuve, Me Agnaou a insisté pour consacrer un temps considérable à l’examen détaillé d’éléments a priori non pertinents, tels que les détails de la gestion du Dossier A, les événements ayant conduit à son exclusion temporaire du milieu de travail et des évènements postérieurs à la mesure alléguée de septembre 2012.

[86]  Il convient aussi de noter que (1) la décision de reclassifier les deux postes, de même que les décisions de la CFP n’ont pas été contestées et constituent, pour le Tribunal, des décisions légales; et (2) la CAF a, dans sa décision Agnaou 2015 CAF 30, statué qu’il était raisonnable de conclure que le processus suivi dans le Dossier A résultait d’un processus décisionnel équilibré et informé et qu’il ne s’agissait pas d’un acte répréhensible.

 

C.  Plaidoiries

[87]  Tout au long de l’audience, les défendeurs se sont objectés à certaines lignes de questions de Me Agnaou et à certains passages de son témoignage sur la base de la non pertinence. J’ai d’ailleurs souligné à Me Agnaou les mêmes préoccupations, mais ai reçu de sa part, à plusieurs reprises, l’assurance qu’il m’expliquerait cette pertinence au stade des plaidoiries et qu’un lien serait tiré entre les différents éléments qu’il présentait (voir à titre d’exemples, les pages 1372, 1454,1503 des transcriptions).

[88]  Cependant, tel ne fut pas le cas puisqu’au stade des plaidoiries, Me Agnaou a indiqué de ne pas avoir les moyens de faire la synthèse de la preuve pour le Tribunal en indiquant que la preuve est très riche, que le travail est extrêmement ardu et demande de la précision. Me Agnaou a donc alors annoncé ne pas avoir le niveau de préparation requis pour guider le Tribunal vers les éléments de preuve pertinents et qu’il se fierait plutôt sur le Tribunal pour relever tous les éléments nécessaires et pertinents à son dossier à travers les transcriptions (transcriptions, volume 18, pp. 4906–4907). Lors de sa plaidoirie, Me Agnaou a donc répété ses allégations contre les défendeurs, et a en fait, demandé au Tribunal de chercher et d’identifier les éléments de preuve pertinents susceptibles de soutenir ses allégations. Or, même si le Tribunal prend connaissance de toute la preuve, il ne lui appartient pas d’identifier, parmi la preuve déposée, les éléments qui appuieraient les allégations de Me Agnaou (AC c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1452 au para 6; OLE Real Estate Inc c Shanmugam et al., 2016 ONSC 6483 au para 2).  Ceci laisse le Tribunal avec des représentions incomplètes ou inexistantes.

VII.  Preuve des éléments constitutifs des représailles

A.  Divulgation protégée

(1)  Introduction

[89]  Tel que nous l’avons vu plus haut, la protection de la Loi est accordée à un fonctionnaire qui a fait une « divulgation protégée », définie, pour les fins de la présente instance, à l’article 2(a) de la Loi comme une divulgation qui est faite de bonne foi par un fonctionnaire en vertu de la présente Loi. Les divulgations en jeu sont celles prévues aux articles 12 et 13 de la Loi.

[90]  L’article 12 prévoit la possibilité de faire une divulgation au supérieur hiérarchique ou à l’agent supérieur (divulgation interne) et il énonce que :

(12) Le fonctionnaire peut faire une divulgation en communiquant à son supérieur hiérarchique ou à l’agent supérieur désigné par l’administrateur général de l’élément du secteur public dont il fait partie tout renseignement qui, selon lui, peut démontrer qu’un acte répréhensible a été commis ou est sur le point de l’être, ou qu’il lui a été demandé de commettre un tel acte.

[91]  L’article 13 prévoit la possibilité de faire une divulgation au Commissaire (divulgation externe) et il énonce que :

13 (1) Le fonctionnaire peut faire une divulgation en communiquant au Commissaire tout renseignement visé à l’article 12.

[92]  Le Tribunal souscrit à la position des parties que la communication de Me Agnaou au Commissaire le 13 octobre 2011 constitue bien une divulgation protégée en vertu de l’article 13 de la Loi.

[93]  Cependant, les défendeurs contestent la qualification des courriels des 1er et 2 avril 2009 comme une divulgation protégée en vertu de l’article 12 et le Tribunal doit donc analyser la preuve à cet égard.

(2)  Position des parties

[94]  Me Agnaou n’offre aucun argument dans son exposé de précisions et dans son exposé de précisions amendé quant à la divulgation interne. Il se limite à y confirmer que la seule question en litige consiste à déterminer s’il existe un lien entre la mesure reprochée et soit la divulgation interne de 2009, soit la divulgation effectuée auprès du Commissariat en 2011. Me Agnaou n’a donc présenté aucun argument pour soutenir que ses courriels du 1er et 2 avril 2009 constituent bien une divulgation protégée en vertu de l’article 12 de la Loi. Il reproche d’ailleurs aux défendeurs de ne pas avoir admis que les courriels en question constituent une divulgation protégée en vertu de la Loi (transcriptions, volume 5, p. 1370; volume 8, pp. 2416-2417).

[95]  À l’audience, Me Agnaou soulève néanmoins deux points pour soutenir qu’il a fait une divulgation protégée les 1 et 2 avril 2009, soit (1) Me Boileau et Me Morin ne pouvaient pas « ne pas savoir » que les courriels du 1er et 2 avril constituaient une divulgation en vertu de la Loi; et (2) la qualification d’un message à titre de divulgation en vertu  de l’article 12 de la Loi ne doit être évaluée que de la perspective de la personne qui l’invoque et il avait l’intention de divulguer un acte qu’il croyait de bonne foi répréhensible.

[96]  En lien avec le premier point, Me Agnaou a insisté pour déposer en preuve les détails de la gestion du Dossier A, lesquels devaient démontrer que Mes Morin et Boileau ne pouvaient pas « ne pas savoir » que les deux courriels constituaient une divulgation en vertu de la Loi. Répondant aux objections des défendeurs et aux doutes du Tribunal quant à la pertinence de revoir tous les détails du Dossier A, Me Agnaou a annoncé que les explications nécessaires seraient offertes lors de sa plaidoirie, ce qui n’a pas été le cas.

[97]  En lien avec le deuxième élément, Me Agnaou soumet qu’il faut examiner les courriels uniquement de sa perspective (transcriptions, volume 4, p. 982; volume 18, pp. 4944-4945), laissant entendre que son intention, au moment de transmettre ces deux courriels, était de divulguer un acte qu’il croyait de bonne foi être répréhensible et soutenant que ce qu’il communiquait à ses supérieurs immédiats pouvait démontrer l’existence d’un acte répréhensible (transcriptions, volume 18, p. 4998).

[98]  Dans son exposé des précisions, le Commissaire soutient que les courriels du 1er et 2 avril 2009 peuvent constituer une divulgation d’un cas grave de mauvaise gestion (au para 42). À l’audience, le Commissaire a ajouté, en réponse à Me Agnaou, qu’il doit être objectivement raisonnable de percevoir l’acte répréhensible tel que défini par l’article 8 de la Loi dans la divulgation alléguée afin que celle-ci puisse répondre à la définition de divulgation. À son avis, il ne s’agit pas seulement que le divulgateur ait une croyance subjective de l’acte répréhensible, mais il doit y avoir un élément objectif lié à l’article 8 de la Loi, que les supérieurs hiérarchiques qui reçoivent la divulgation croient qu’il puisse effectivement s’agir d’une divulgation (transcriptions, volume 18, pp. 5071-5076). À cet effet, le Commissaire a souligné les propos de la Cour fédérale, repris par la Cour d’appel fédérale, à l’effet qu’il ne s’agissait véritablement que d’une différence d’opinion à propos du Dossier A (Agnaou 2015 CAF 30 aux para 72, 73).

[99]  Me Morin plaide que la décision de ne pas déposer de poursuites dans le Dossier A ne peut être qualifiée d’acte répréhensible au sens de la Loi et qu’elle ne constitue pas un cas grave de mauvaise gestion (Krieger c Law Society of Alberta, [2002] 3 RCS 372 aux para 31, 42, 48). De plus, à l’audience, il soutient qu’il doit exister un critère objectif contextualisé à la définition d’acte répréhensible et que la décision d’intenter des poursuites ou non ne constitue pas un cas de gestion et ne remplit pas le critère objectif. Selon lui, pour qu’il puisse s’agir d’une divulgation, il doit être évident pour la personne recevant celle-ci que la communication fait référence, dans le contexte, à un acte répréhensible quelconque (transcriptions, volume 19, pp. 5175-5176; 5196). D’ailleurs, selon Me Morin, l’objet des courriels des 1er et 2 avril 2009 n’était pas de faire une divulgation, mais d’annoncer une suite, notamment la soumission du Dossier A au Directeur des poursuites pénales. Me Morin ajoute que, si Me Agnaou avait réellement voulu procéder à une divulgation, il aurait écrit au coordonnateur de la protection des divulgateurs du SPPC. À son avis, et il rappelle également le témoignage de d’autres témoins, le courriel du 2 avril 2009 laissait plutôt présager un grief à l’encontre de la décision de ne pas intenter de poursuites dans le Dossier A.

[100]  Dans son exposé des précisions, Me Morin plaide d’abord que les courriels des 1er et 2 avril 2009 ne constituent pas des divulgations protégées au sens de la Loi, car ils n’étaient pas adressés à un supérieur hiérarchique ni à un agent supérieur, mais a abandonné cet argument à l’audience. 

[101]  Les autres intimés soutiennent que les courriels des 1er et 2 avril 2009 ne constituent pas une divulgation protégée au sens de la Loi, puisque Me Agnaou n’avait pas encore pris la décision de faire une divulgation à ce moment, décision qu’il a prise au plus tôt en mai ou juin 2009, lorsqu’il contacte le Commissariat pour la première fois. À l’audience, ils ont également plaidé que le contenu de la divulgation doit rencontrer, à sa face même, la définition d’acte répréhensible à l’article 8 de la Loi, rejoignant ainsi la position du Commissariat à cet égard. Ce qui n’est pas le cas des courriels. De plus, ils soutiennent qu’il est pertinent pour le Tribunal de considérer la perception de la personne qui reçoit les courriels. À tout évènement, ils soulignent que Me Agnaou lui-même n’avait pas l’intention de procéder à une divulgation à ce moment, tel qu’indiqué par le dernier paragraphe du courriel du 2 avril 2009, selon lequel Me Agnaou allait « réfléchir » et par le témoignage de Me Gareau.

(3)  Discussion 

[102]  Dans sa décision El-Helou 1, monsieur le juge Martineau a rappelé que la Loi a été établie en réponse à l’évolution constante de la jurisprudence relativement aux actes répréhensibles, au devoir de loyauté d’un employé et à sa liberté d’expression. Ainsi, la Loi a été adoptée en vue d’offrir un havre permettant aux employés de la fonction publique de divulguer des comportements allant à l’encontre de l’intérêt public et en vue d’accroître la confiance en l’intégrité des fonctionnaires (voir le préambule de la Loi). Madame la juge Gauthier l’a aussi souligné dans Agnaou CAF 29 (para 60). De plus, je suis consciente, tel que monsieur le juge Martineau l’a mentionné dans El-Helou 1, que la Loi doit recevoir une interprétation large et libérale afin de remplir ces objectifs.

[103]  Il parait cependant impossible pour le Tribunal d’analyser la preuve de façon éclairée et d’offrir une définition de la divulgation selon l’article 12 de la Loi qui trouverait une application générale bénéfique au régime de divulgation, considérant les circonstances de la présente affaire et l’absence de représentations à cet égard de Me Agnaou. Par conséquent, les conclusions auxquelles j’en arrive dans la présente affaire sont attachées aux faits précis de ce dossier ainsi qu’à la preuve et aux représentations qui ont été présentées au Tribunal.

[104]  Le mot « divulgation » n’est pas défini dans la Loi. Toutefois, le Petit Robert le définit comme l’action de divulguer qui est de « Porter à la connaissance du public (ce qui était connu de quelques-uns). – dévoiler, ébruiter, proclamer, publier, répandre, révéler (cf. mettre au grand jour; crier sur les toits).  Quant au Dictionnaire Larousse, il définit « divulgation » comme l’ « Action de divulguer, de rendre publique une information : La divulgation d'un code secret ». Et il définit « divulguer » comme « Répandre dans le public une information d'abord considérée comme secrète, confidentielle ; répandre un bruit ; dévoiler, révéler : Divulguer le nom d'un suspect ». Au surplus, selon le contexte dans lequel la Loi a été promulguée et l’objectif énoncé dans son préambule, il parait juste de souligner que l’objectif d’une divulgation est, pour le fonctionnaire, de dénoncer un acte qui porte atteinte à l’intégrité de la fonction publique, de révéler, de lancer l’alerte. Le divulgateur est d’ailleurs connu, dans le langage populaire comme un « lanceur d’alerte ».

[105]  Le texte même de l’article 12 de la Loi, prévoit certains éléments. Ainsi, la divulgation doit avoir été faite à un supérieur hiérarchique ou à l’agent supérieur désigné. En l’instance, il n’est pas contesté que Mes Boileau et Morin étaient bien supérieurs hiérarchiques de Me Agnaou les 1 et 2 avril 2009. 

[106]  Ensuite, je suis d’avis que la divulgation doit communiquer tout renseignement susceptible de démontrer objectivement qu’un acte répréhensible a été commis ou est sur le point de l’être. À cet effet, l’article 8 prévoit les catégories d’actes répréhensibles visés dont (c) les cas graves de mauvaise gestion dans le secteur public. Me Agnaou indique, dans ces courriels, que la position du SPPC de ne pas poursuivre est contraire à ses propres politiques et à l’intérêt public et la Cour d’appel Fédérale dans la décision Agnaou 2015 CAF 29 aux para 78, 83–88 a déterminé que les références de Me Agnaou peuvent référer à un cas grave de mauvaise gestion. J’accepte donc que le critère objectif auquel les défendeurs ont fait référence est satisfait.

[107]  Les parties n’ont pas expliqué pourquoi il est nécessaire que le récipiendaire et/ou le plaignant sache qu’une divulgation a été transmise, outre pour établir le lien prévu par le législateur. À tout évènement, même en prenant ces critères pour acquis, sans décider de leur justesse, la preuve déposée à l’audience démontre plutôt que (1) Mes Boileau et Morin ignoraient que les courriels constituaient une divulgation en vertu de la Loi, et qu’ils croyaient plutôt que Me Agnaou signalait son intention de continuer le débat à l’interne et de prouver son point; et (2) Me Agnaou n’avait pas lui-même à ce moment l’intention de divulguer un acte répréhensible en vertu de la Loi.

[108]  En effet, en dépit de ses promesses à cet égard, Me Agnaou n’a pas expliqué comment ou pourquoi les courriels pouvaient être considérés comme étant une divulgation à ses supérieurs hiérarchiques. Il a laissé entendre qu’il n’en pourrait être autrement puisque le Dossier A était le seul enjeu entre lui et sa gestion, mais n’a pas précisé quels éléments de preuve soutiennent cet argument et comment, même si c’était le cas, ce fait démontrerait, entre autres, que Mes Boileau et Morin ne pouvaient pas « ne pas savoir » qu’il s’agissait d’une divulgation.  La preuve crédible révèle plutôt que :

  • Mes Boileau et Morin n’ont pas considéré ses courriels comme une divulgation, mais comme l’expression d’un profond désaccord et un désir de Me Agnaou de soumettre sa position concernant le Dossier A à l’attention du Directeur des poursuites pénales;
  • Lorsque Me Agnaou a signalé qu’il penserait aux suites à donner à cette grave affaire, Mes Boileau et Morin ont affirmé s’être attendu plutôt à recevoir un grief (transcriptions, volume 1, pp. 66–67; volume 14, pp. 4237-4238);
  • D’ailleurs, pour Me Morin la référence à une grave affaire signifiait qu’il y avait deux points de vue différents sur le Dossier A (transcriptions, volume 14, p. 4238) puisque le Dossier A ne constituait pas, pour lui, une grave affaire s’agissant plutôt simplement d’un dossier d’infraction sommaire;
  • Les relations entre Me Agnaou et ses gestionnaires étaient tendues depuis plusieurs mois et le désaccord sur le Dossier A n’était pas la seule source de tension. D’ailleurs selon Me Agnaou lui-même, d’autres sujets discordants ont été abordés à la réunion du 23 mars 2009 entre Me Agnaou et Me Boileau, à peine plus d’une semaine avant les 1er et 2 avril (pièce 66 paragraphe 36);
  • Me Agnaou contestait souvent les décisions dont il faisait l’objet et il était légitime pour Mes Boileau et Morin de supposer qu’il s’agissait, ici encore, de l’expression, par Me Agnaou, de son profond désaccord avec la décision de Me Morin;
  • Me Agnaou ne soulevait aucun des éléments non pertinents du Guide des poursuites pénales; s’il avait soulevé de tels éléments, cela aurait pu « sonner une cloche » (pièce P‑164; transcriptions, volume 17, pp. 4600-4603);
  • L’intervention de la portion civile de l’ARC et du Ministère de la justice était normale et rien n’indique que leur position n’était pas légitime, ne sonnant aucune cloche non plus (pièce P-5, transcriptions, volume 14, p.4137);
  • Mes Saunders, Dolhai, Boileau, Proulx, Denis et Morin ont tous affirmé que des désaccords entre les procureurs et la gestion relativement au dépôt d’accusations dans leur domaine n’étaient pas inhabituels, et que la décision discrétionnaire finale repose sur la gestion (transcriptions, volume 4, pp. 990-991; volume 11, p. 3136; volume 13, pp. 3873, 3880-3881; volume 14, p.4100).

[109]  Ensuite, même si je retenais l’argument de Me Agnaou que seule sa perspective compte aux fins de décider s’il a fait une divulgation en vertu de la Loi en transmettant ses courriels des 1er et 2 avril, il n’a malheureusement pas prouvé qu’il est plus probable qu’improbable qu’il ait lui-même voulu divulguer en vertu de la Loi. 

[110]  Selon la preuve, l’élément de dénonciation, de révélation ou de lancer l’alerte auquel j’ai référé plus haut est absent. Je rejoins à cet égard Me Morin, lorsqu’il conclut que si Me Agnaou avait voulu lancer l’alerte, il aurait transmis son message au coordonnateur de la protection des divulgateurs au sein du SPPC, une tierce partie, et non pas exclusivement aux personnes mêmes qu’il allègue avoir voulu dénoncer. Il est difficile de conclure que Me Agnaou ait voulu divulguer, soit lancer l’alerte, révéler des informations ou dénoncer des gestes, en transmettant deux messages précisément aux personnes à qui il reproche les gestes posés.

[111]  Il semble plus probable, selon la preuve, que par ces courriels, Me Agnaou ait voulu de nouveau insister pour signaler son désaccord, pour signaler qu’il réfléchissait, pour soumettre le dossier à l’attention du Directeur des poursuites pénales et pour convaincre ses supérieurs de se rallier à son point de vue.  En effet, selon la preuve déposée:

  • Le texte même du courriel du 1er avril demande à ce que le dossier soit soumis au Directeur des poursuites pénales;
  • Me Agnaou lui-même, au paragraphe 54 de son mémoire d’allégations de 36 pages, au paragraphe 54, en référence au courriel du 1er avril 2009, confirme qu’il demandait des indications pour soumettre le cas au Directeur des poursuites pénales;
  • Ni Me Agnaou, ni son conseiller syndical Me Gareau n’ont évoqué la divulgation dans leurs discussions alors même qu’ils s’apprêtaient à initier plusieurs recours distincts durant cette période. Me Agnaou a d’ailleurs témoigné qu’il voulait continuer le débat à l’interne et que son courriel du 1er avril 2009 était dans le seul but de soumettre le Dossier A à l’appréciation du Directeur des poursuites pénales et « la décision sera ce qu’elle sera » (transcriptions, volume 5, p. 1482). Me Agnaou avait également discuté avec Me Gareau, son représentant syndical, de la possibilité de procéder par « moot court » afin de faire valoir son point de vue (transcriptions, volume 12, p.3399).D’ailleurs, dans un courriel du 4 avril 2009 envoyé à Me Morin, Me Agnaou confirme qu’il demande des indications sur la procédure à suivre pour soumettre le Dossier A à l’appréciation du Directeur des poursuites pénales (pièce P-18);
  • Me Agnaou a affirmé n’avoir parlé du recours auprès du Commissariat pour la première fois qu’après le 2 avril 2009 et qu’il a alors noté à Me Lanthier que « ça serait une avenue » (transcriptions, volume 12, pp. 3391–3392).Il confirme d’ailleurs que, à la réception du courriel informatif sur le Commissariat, envoyé aux employés du SPPC en février 2009, il n’avait pas alors étudié la Loi et qu’il n’avait fait le lien entre la Loi et sa propre situation pour la première fois que lors de ses discussions avec Me Lanthier, après le 2 avril (transcriptions, volume 13, pp. 3730 – 3732);
  • Me Agnaou n’a signalé à personne, avant le mois de janvier 2013, soit quatre ans plus tard, que les courriels des 1er et 2 avril 2009 constituaient une divulgation en vertu de la Loi.Il n’y a aucune preuve qu’il ait fait mention de ces courriels comme d’une divulgation lors de ses communications avec le Commissariat en mai et juin 2009, lors des négociations du Protocole d’entente, dans le mémoire d’allégations de 36 pages qu’il a adressé au Commissaire en octobre 2011 ou dans sa plainte de représailles en janvier 2013. D’ailleurs, dans sa plainte, il ne réfère au contraire qu’à une divulgation, soit celle au Commissaire du mois d’octobre 2011;
  • Son courriel indique qu’il va réfléchir aux suite à donner.

[112]  Ainsi, Me Agnaou n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, avoir fait une divulgation en vertu de l’article 12 de la Loi et bénéficier, à cet égard, de la protection que la Loi accorde à un fonctionnaire qui a fait une divulgation protégée interne.

[113]  Ceci étant dit, et puisque je peux avoir tort à cet égard, j’examinerai néanmoins les arguments de Me Agnaou quant à la preuve de l’existence d’un lien entre la mesure de septembre 2012 et les courriels des 1er et 2 avril 2009 comme si ces derniers constituaient une divulgation protégée en vertu de la Loi.

B.  Mesure

(1)  Position des parties

[114]  La mesure est décrite dans le Formulaire de plainte que Me Agnaou a déposé auprès du Commissariat le 7 janvier 2013. À l’audience, Me Agnaou a souligné que la mesure est le fait de ne pas avoir donné droit à sa priorité et, par conséquent, de lui avoir volé un emploi (transcriptions, volume 18, pp. 5022–5024). Il précise que les quatre défendeurs individuels ont chacun exécuté la mesure, mais à des degrés différents. Enfin, il a confirmé que la gravité ou l’illégalité de la mesure n’a pas d’impact sur sa qualification selon la Loi.

[115]  Le Commissaire est également d’avis que l’allégation de la conduite des intimés, c’est-à-dire, la décision de reclassifier les deux postes dans le but d’éviter de nommer Me Agnaou dans un des postes, peut constituer une mesure portant atteinte à l’emploi ou à ses conditions de travail (exposé des précisions du Commissaire, p.10). Il souligne, à cet effet, qu’en septembre 2012, Me Agnaou était toujours un fonctionnaire en vertu de l’article 42 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch 22 (Loi sur l’emploi). Néanmoins, à l’audience, le Commissaire a souligné que le protocole d’entente fait en sorte qu’il n’y a pas eu de mesure, puisque Me Agnaou s’est comporté pendant plusieurs années comme si le protocole était valide.

[116]  Me Morin soutient, dans son exposé et à l’audience, qu’il n’a pris aucune mesure à l’endroit de Me Agnaou et qu’il n’existe aucune preuve pouvant le relier à l’exercice d’une mesure contre Me Agnaou. Me Morin fait remarquer que son implication ne peut être qualifiée de participation à l’exercice d’une mesure et qu’elle se limite à (1) avoir conseillé à Me Dolhai de s’assurer que les droits de Me Agnaou soient respectés; (2) avoir été placé en copie conforme sur les courriels en lien avec la reclassification en septembre 2012, alors qu’il n’a jamais été partie à ces échanges en juillet-août 2012; et (3) avoir confirmé que les lettres préparées par Me Saunders et M. Desharnais en septembre 2012 étaient excellentes. Me Morin ajoute, à l’audience et subsidiairement, qu’il n’y a pas de mesure puisque Me Agnaou n’a subi aucune perte, son droit de priorité lui permettait de poser sa candidature dans d’autres ministères de la fonction publique.

[117]  Les autres intimés plaident, dans leur exposé des précisions, que Me Agnaou n’a pas été victime d’une mesure en vertu de la Loi, puisqu’il n’était plus un employé du SPPC. À l’audience, ils ont précisé qu’il n’y a pas eu d’atteinte à l’emploi de Me Agnaou, puisque l’esprit et le but du protocole d’entente était de mettre fin à son emploi au sein du SPPC et qu’il n’y reviendrait pas. Ils ajoutent qu’il n’y a eu aucune atteinte à son droit de priorité, puisque les priorités n’ont pas à être considérées dans le cadre d’une reclassification.

(2)  Discussion

[118]  Les mesures sont énumérées dans la définition du terme représailles de l’article 2 de la Loi qui réfère aux mesures prises à l’encontre d’un fonctionnaire. L’alinéa d) indique que toute mesure portant atteinte à l’emploi ou aux conditions de travail du fonctionnaire peut constituer des représailles. Il s’agit donc de déterminer si Me Agnaou était toujours un fonctionnaire au moment opportun et si l’abandon du processus de nomination pour la reclassification des deux postes constitue une mesure portant atteinte à l’emploi ou aux conditions de travail de Me Agnaou.

[119]  Selon le Protocole d’entente signé par Me Agnaou et le SPPC le 26 juin 2009, Me Agnaou détenait toujours, en septembre 2012, un droit de priorité.

[120]  Or, l’alinéa 41(1) de la Loi sur l’emploi confirme la priorité accordée aux fonctionnaires qui sont remplacés pendant leur congé, tandis que l’article 42 de cette même Loi confirme que ce fonctionnaire ne perd son statut de fonctionnaire qu’à l’expiration du délai accordé; c’est-à-dire à l’expiration de l’année qui suit la fin du congé, lorsque la priorité prend fin.

[121]  La preuve révèle que la priorité de Me Agnaou a pris fin le 4 janvier 2013 (pièce P-115, p.1), date à laquelle il a donc perdu sa qualité de fonctionnaire selon l’article 42 de la Loi sur l’emploi. Me Agnaou détenait donc toujours le statut de fonctionnaire au mois de septembre 2012.

[122]  Me Agnaou indique que la mesure prise à son encontre est d’avoir ignoré sa priorité et procédé à une reclassification des postes plutôt qu’à sa nomination. Plus précisément, il allègue que les intimés lui ont usurpé un emploi qui lui revenait de plein droit. Le Tribunal doit déterminer s’il s’agit là d’une mesure portant atteinte à son emploi ou à ses conditions de travail prévu à l’alinéa d) de la définition de représailles.

[123]  Ce terme n’est pas défini dans la Loi, mais en appliquant l’interprétation large et libérale qu’il convient de lui donner ; « toute mesure portant atteinte à son emploi ou à ses conditions de travail », peut inclure la reclassification de deux postes après que Me Agnaou eu fait valoir sa priorité, cela a eu un impact sur son emploi et constitue une mesure portant atteinte à son emploi au terme de l’alinéa d) de la définition de l’article 2 de la Loi.

 

[124]  Ceci étant dit, la preuve révèle que Me Morin n’a pas participé à l’exécution de la mesure. Son intervention est extrêmement limitée et je souscris à sa position qu’il n’a pas participé à la prise de la mesure.

C.  Lien entre la divulgation et la mesure

(1)  Introduction

[125]  Il convient de souligner d’abord que je ne souscris pas à la proposition que Me Agnaou a soulevée lors de l’audience et selon laquelle il suffirait pour le plaignant, de prouver que la divulgation ne soit qu’un des motifs de la prise de la mesure, et non le seul motif, pour conclure à des représailles (transcriptions, volume 18, p. 5054). 

[126]  Je ne souscris pas non plus à l’autre proposition que Me Agnaou a énoncée dans sa réplique à savoir que si l’on adopte la position à l’effet qu’il doit y avoir un lien de causalité entre la divulgation et la mesure, le régime de protection à l’encontre de représailles ne fonctionnera pas (transcriptions, volume 19, p. 5325). Me Agnaou n’a déposé aucune autorité ou argument pour soutenir ses propositions alors que le texte de la Loi exige clairement, pour conclure à des représailles, que la mesure ait été prise contre le fonctionnaire « pour le motif qu’il a fait une divulgation ».

(2)  Absence de preuve de lien entre la mesure et la divulgation interne

[127]  Tel que mentionné plus haut, je prendrai pour acquis que les courriels des 1 et 2 avril 2009 constituent des divulgations internes protégées pour les fins du présent examen. Par ailleurs, je conclus que Me Agnaou n’a pas prouvé qu’il est plus probable qu’improbable que la mesure ait été prise pour le motif qu’il a divulgué un acte qu’il croyait répréhensible. Il semble plus probable, selon la preuve, que la mesure ait été prise pour s’assurer que les deux avocates accèdent aux postes LA-2B, pour s’assurer de suivre le processus approprié pour reconnaitre leurs tâches, pour éviter qu’un ou d’autres fonctionnaires prioritaires ne soit nommés à l’un des postes qui leur étaient réservés et pour éviter que Me Agnaou ne revienne au SPPC.

[128]  Me Agnaou soutient que la reclassification des deux postes n’était qu’un prétexte pour faire abstraction à son droit de priorité puisque le SPPC ne voulait plus de lui en raison de sa divulgation. Il soutient, malgré le texte clair du Protocole d’entente, que son engagement se limitait à ne plus revenir au BRQ, et non pas au SPPC en général. Il ajoute que le Protocole allait à l’encontre de l’ordre public puisqu’il ne pouvait faire abstraction de son droit de priorité (transcriptions, volume 18, p. 5036). Par conséquent, puisqu’aucun autre motif ne peut être justifié, la mesure ne peut avoir été prise que pour le motif qu’il a fait une divulgation en avril 2009 (transcriptions, volume 19, pp. 5369-5370).

[129]  Or en lien avec la reclassification, la preuve présentée à l’audience démontre que la préoccupation quant à la reconnaissance des tâches de Mes Pitcairn et Davis-Barron était authentique et qu’un processus avait été initié pour qu’elles accèdent à un poste LA-2B, ceci sans lien avec Me Agnaou. Mes Pitcairn et Davis-Barron ont témoigné, de façon très crédible, avoir reçu des promesses de reconnaissance et avoir exercé des pressions sur Me Dolhai depuis au moins l’année 2011, engendrant d’ailleurs la prolongation du bassin de candidats. Mes Pitcairn et Davis-Barron ont, depuis au moins le 31 mai 2011, envoyé des courriels à Me Dolhai afin d’occuper des postes LA-2B (pièce P-86). En fait, Me Pitcairn a témoigné avoir conversé régulièrement avec Me Dolhai à ce sujet, puisque son bureau était situé à proximité de celui de Me Dolhai.

[130]  En janvier et février 2012, elles refusent de signer la description de tâches pour les postes LA-2A, puisque leurs tâches quotidiennes sont plutôt de niveau LA-2B (pièce s P-89, R-229). La preuve tant testimoniale que documentaire révèle aussi que la décision de reconnaitre le travail de ces deux avocates au niveau LA-2B a été prise vers le mois de février 2012, après qu’elles eurent refusé de signer leur description de tâches générique LA-2A.

[131]  Ainsi, pour adresser les préoccupations de ses deux employées, Me Dolhai a tenté de les nommer à des postes LA-2B à partir du bassin dont elles et Me Agnaou faisaient partie. Le 31 mars 2012, Me Dolhai a présenté un cas d’affaire au comité des finances du SPPC, afin d’obtenir les fonds nécessaires pour créer un poste LA-2B et pour doter un poste LA-2B vacant (pièce R-232; transcriptions, volume 15, p. 4414-4416; volume 17, p. 4627) et le comité a approuvé le cas d’affaire (transcriptions, volume 17, p. 4636). Le 20 juin 2012, M. Buccino a informé Me Dolhai que Me Agnaou s’était auto-référé en tant que priorité (pièce R-233). Me Saunders informe alors Me Dolhai qu’une reclassification aurait été la procédure appropriée pour adresser les préoccupations de Mes Pitcairn et Davis-Barron (transcriptions, volume 15, pp. 4414–4417).

[132]  Il est malheureux que Me Dolhai ait d’abord choisi de nommer les deux avocates à partir du bassin déjà créé, par processus de nomination (transcriptions, volume 17, p.4628-4629). Il parait juste de conclure que Me Dolhai a modifié sa stratégie après que Me Agnaou se soit auto-référé. Il parait juste de conclure aussi que Me Dolhai a été surpris d’apprendre que Me Agnaou voulait le poste, considérant les termes du Protocole d’entente et considérant qu’il ne souhaitait pas son retour. Cependant, tout indique par ailleurs que Me Dolhai aurait modifié la procédure indépendamment de l’identité de la personne qui se serait auto-référée ou qui aurait été référée.

[133]   La preuve révèle en effet que l’objectif de Me Dolhai était de s’assurer que les deux avocates étaient reconnues au niveau LA-2B.

[134]  Me Saunders a témoigné à l’effet que la section de Me Dolhai n’avait pas les fonds nécessaires pour à la fois nommer les deux avocates au niveau LA-2B et embaucher une priorité, peu importe qui en serait détenteur. La preuve révèle aussi que seulement une des deux avocates aurait pu accéder à un poste LA-2B si Me Dolhai avait persisté à procéder par le processus de nomination. N’eut été du fait que Me Agnaou ait exercé son droit de priorité, le processus de nomination aurait probablement abouti. Cependant, rien n’indique que la reconnaissance du travail de ces deux avocates au niveau approprié par le biais d’une reclassification en 2012 ait été un prétexte ou ait été motivé d’une quelconque manière par le fait que Me Agnaou aurait fait une divulgation en avril 2009.

[135]  Selon le témoignage de M. Giguère, un processus de nomination est utilisé lorsque le poste à combler est vacant ou le deviendra sous peu (transcriptions, volume 11, p. 2982). Le processus de reclassification est, quant à lui, utilisé lorsque le poste a déjà un titulaire, mais que les fonctions de ce poste ont évolué. À ce moment, les experts en classification revoient les fonctions du poste et déterminent si le niveau du poste devrait être revu à la hausse ou à la baisse.

[136]  Au surplus, même en prenant pour acquis que le Protocole d’entente ne pouvait lui être opposé, ou encore que la reclassification n’est pas valide, rien dans la preuve ne révèle qu’il est plus probable qu’improbable que la mesure ait été prise, en septembre 2012, pour le motif que Me Agnaou a divulgué, en avril 2009. 

[137]  Mes Dolhai, Saunders et Morin ont été surpris d’apprendre que Me Agnaou exerçait sa priorité, compte tenu des dispositions du Protocole d’entente et de l’historique des relations entre Me Agnaou et le SPPC. Il est aussi probable que les gestionnaires du SPPC ne souhaitaient pas le retour de Me Agnaou justement en raison de cet historique. Le Protocole d’entente consigne d’ailleurs l’intention des parties au moment de sa signature et l’engagement de Me Agnaou de ne plus revenir au Service, défini comme le SPPC. Même si le Protocole d’entente ne pouvait, en fait, restreindre l’exercice du droit de priorité de Me Agnaou, et même si les défendeurs avaient connu cette réalité au moment de signer le Protocole d’entente, il n’en reste pas moins que ce Protocole a été signé précisément en raison de l’historique des relations tendues entre Me Agnaou et les gestionnaires et parce que le lien de confiance était érodé. La liste des litiges qui ont été réglés avec le Protocole d’entente illustre bien la relation difficile entre les parties.

[138]  Je n’ai donc pas à me pencher sur la validité ou la portée du Protocole d’entente.

[139]  Au surplus, la preuve du lien entre la mesure et la divulgation exige également et d’abord la preuve de la connaissance, par ceux qui ont pris la mesure, de l’existence de la divulgation. Or, cette preuve n’a pas été faite. 

[140]  Me Morin, même s’il avait participé à la prise de la mesure, ne savait pas, au mois de septembre 2012, que les courriels des 1 et 2 avril 2009 étaient une divulgation en vertu de la Loi et n’avait pas été informé de cette possibilité.

[141]  Me Boileau ne l’a appris que vers le mois de mars 2013 et elle ne peut donc avoir informé l’un ou l’autre des défendeurs de l’existence de cette divulgation avant septembre 2012.

[142]  Me Saunders ne se souvient ni d’avoir reçu les courriels des 1er et 2 avril 2009, ni d’avoir été informé de l’existence d’une divulgation interne en 2009 (transcriptions, volume 15, pp. 4426–4427). Il n’a appris l’existence d’une divulgation qu’en mai ou juin 2014, lorsqu’il a pris connaissance des décisions des Cours fédérales. Il n’a par ailleurs appris l’existence de la plainte de représailles qu’en 2015 lorsqu’il a reçu une lettre du Commissaire (transcriptions, volume 15, pp. 4428-4429).

[143]  Me Dolhai n’a jamais interagi directement avec Me Agnaou entre 2009 et 2012 (transcriptions, volume 17, pp. 4591–92). Il a été informé, en 2009, du désaccord entre Me Agnaou et sa gestion et du contenu des courriels des 1er et 2 avril (transcriptions, volume 17, pp. 4596, 4599) et a constaté qu’il s’agissait de l’expression d’un désaccord important entre Me Agnaou et ses collègues, mais que rien d’extraordinaire ne justifiait son intervention. Me Dolhai a témoigné avoir appris que Me Agnaou avait fait une divulgation lorsque la Cour fédérale a retourné le dossier au Commissaire à la suite du contrôle judiciaire.

[144]  M. Desharnais n’était pas un employé du SPPC en avril 2009, il n’y est arrivé qu’en mars 2012, et il n’y a pas de preuve qu’il ait été informé de l’existence de ces courriels ou qu’ils constituaient une divulgation avant la prise de la mesure en septembre 2012. M. Desharnais ne reconnaît pas les courriels des 1er et 2 avril 2009 et, en 2012, il n’avait ni reçu ni été mis au courant de documents datant de 2009 en lien avec Me Agnaou (transcriptions, volume 16, pp. 4687–4688).

[145]  Me Agnaou n’a offert aucune preuve que les défendeurs savaient, en septembre 2012, que les courriels des 1er et 2 avril 2009 constituaient, ou pouvaient constituer, une divulgation en vertu de l’article 12 de la Loi. Me Agnaou n’a lui-même dévoilé la possibilité que ces courriels constituent une divulgation interne qu’en janvier 2013, plusieurs mois après la prise de la mesure.


(3)  Absence de preuve de lien entre la mesure et la divulgation externe

[146]  Me Agnaou a admis n’avoir pu faire de preuve directe que les défendeurs ont été informés de sa divulgation du mois d’octobre 2011, ni qu’ils connaissaient son existence au mois de septembre 2012. Il insiste toujours sur le fait que la décision de reclassifier les postes a été prise seulement une journée ouvrable après la décision du Sous-Commissaire de ne pas enquêter, et qu’il est invraisemblable, selon lui, qu’il n’y ait pas eu de fuite d’informations du Commissariat vers le SPPC. Me Agnaou a cependant aussi reconnu ne pas avoir fait la preuve directe d’une fuite de la part du Commissariat (transcriptions, volume 18, pp. 5055, 5057).

[147]  Me Agnaou a ajouté que sa preuve d’une fuite est circonstancielle (transcriptions, volume 18, p. 5058) et qu’elle s’appuie essentiellement sur (1) le fait que M. Dion connaissait notamment Me Saunders raison pour laquelle il s’est récusé du dossier de Me Agnaou; (2) le fait que Me Dion connaissait Mme la juge d’Auray alors qu’elle était avocate au ministère de la justice et conjointe ou ex-conjointe de Me Saunders; (3) le fait que la décision du Sous-Commissaire de ne pas enquêter du 6 septembre 2012 est contemporaine à la date de la lettre lui ayant confirmé la mesure le 10 septembre 2012; (4) un extrait du système de tenue de dossiers électronique du Commissariat qui indique que le dossier est passé entre les mains de Me Dion le 5 septembre 2012 (pièce P-67) (transcriptions, volume 18, p. 5056).

[148]  Or, lors de son témoignage, Me Dion a confirmé (1) n’avoir jamais suivi le dossier de Me Agnaou après s’être récusé; (2) n’avoir jamais informé les défendeurs et Mme la juge d’Auray de l’existence de la divulgation du mois d’octobre 2011; (3) n’avoir jamais utilisé le programme de gestion de dossiers et n’y avoir conséquemment rien inscrit; (4) ne pas avoir vu le dossier de Me Agnaou, s’étant récusé dès qu’il a vu les noms de Mes Morin et Dolhai en caractères gras sur le Formulaire de divulgation (transcriptions, volume 5, pp. 1247–1248); et (5) n’avoir jamais discuté du dossier de Me Agnaou, que ce soit à l’extérieur ou à l’intérieur du Commissariat (transcriptions, volume 5, pp. 1333–1334). M Dion a témoigné de façon très directe et très crédible.

[149]  De son côté, le Commissaire a confirmé que l’employeur n’a pas été informé de la divulgation puisqu’aucune enquête n’a été initiée, ceci conformément au paragraphe 27(1) de la Loi (exposé de précisions du Commissaire, para 46) qui prévoit que ce n’est qu’au moment de débuter une enquête que l’organisme visé est informé d’une divulgation.

[150]  Selon la preuve testimoniale, les défendeurs ont appris l’existence de la divulgation d’acte répréhensible auprès du Commissaire après septembre 2012, lorsque Me Agnaou a demandé le contrôle judiciaire de la décision du Commissaire de ne pas enquêter sa plainte de représailles. En effet, Me Morin a été informé de l’existence de la divulgation au mois de mars 2013, lorsque Me Boileau lui a transmis l’avis de demande contrôle judiciaire (pièce D‑226). Il a pris connaissance du Formulaire de divulgation d’octobre 2011 plusieurs années plus tard, en 2017 ou 2018 (transcriptions, volume 14, p. 4245). Me Dolhai, quant à lui, ne connaissait pas l’existence du Formulaire de divulgation de 2011 avant la décision de la Cour fédérale (transcriptions, volume 17, p. 4656). Me Saunders a affirmé avoir appris l’existence de la divulgation au Commissaire lorsqu’il a pris connaissance des décisions des différentes Cours fédérales en mai ou juin 2014 (transcriptions, volume 15, p. 4429). Et finalement, tel que mentionné précédemment, M. Desharnais a appris l’existence de la divulgation de Me Agnaou auprès du Commissariat en avril 2015 (transcriptions, volume 16, p. 4687).

[151]  Afin de conclure que les défendeurs connaissaient, en septembre 2012, l’existence de la divulgation de Me Agnaou au Commissaire, je devrais écarter ou ignorer les témoignages rendus au cours de l’audience, sauf celui de Me Agnaou, ce que je n’ai aucun motif de faire. En outre, je devrais conclure que le Commissariat n’aurait pas respecté sa loi habilitante et qu’il aurait informé le SPPC qu’une divulgation d’acte répréhensible lui avait été présentée. Or, rien dans la preuve présentée ne me permets de douter de ces témoignages et d’en venir à une telle conclusion.

[152]  Me Agnaou n’a pas démontré, par prépondérance des probabilités, l’existence d’un lien entre sa divulgation au Commissariat et la reclassification des deux postes, constat qu’il a lui-même reconnu. Il n’a ainsi pas prouvé qu’une mesure a été prise contre lui pour le motif qu’il a divulgué.

VIII.  Conclusion

[153]  Pour ces motifs, je conclus que Me Agnaou n’a pas démontré, par prépondérance des probabilités, que les défendeurs ont exercés des représailles contre lui.

 

 

DÉCISION

LE TRIBUNAL conclut que Me Agnaou n’a pas démontré que des représailles ont été exercées contre lui et rejette sa demande.

 

FAIT à Ottawa ce 13e jour de novembre 2019.

 

  SIGNÉE au nom du Tribunal par la présidente.

 

 

  (s) Martine St-Louis


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2017-01

 

INTITULÉ :

AGNAOU ET SERVICE DES POURSUITES PÉNALES DU CANADA, MORIN, DESHARNAIS, DOLHAI ET SAUNDERS

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LEs 3-7, 10-14, 17-21 et 25-28 juin 2019

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE ST-LOUIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 13 novembre 2019

 

COMPARUTIONS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

ME YACINE AGNAOU

PLAIGNANT (SE REPRÉSENTE LUI-MÊME)

ME SONIA VIRC
ME MÉLANIE MASSE

Pour le COMMISSAIRE À L’INTÉGRITÉ DU SECTEUR PUBLIC DU CANADA

 

ME KÉTIA CALIX

 

POUR  LE SERVICE DES POURSUITES PÉNALES DU CANADA, BRIAN SAUNDERS, GEORGES DOLHAI ET DENIS DESHARNAIS

 

ME ANTOINE AYLWIN

ME LOUIS BERNIER

 

POUR ANDRÉ A. MORIN

 

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