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Résumé :

Mots-clés: Commissaire à l’intégrité du secteur public (le commissaire), requête interlocutoire, assignation de témoins, chasse à l’aveuglette, pertinence des témoignages, équité procédurale.

Contexte: Il s’agit d’une requête interlocutoire déposée par les défendeurs et le Commissaire afin de demander au Tribunal de réduire le nombre de témoins demandés à être assignés par le plaignant. Dans son exposé de précisions et plus tard dans sa liste de témoins prévus, le plaignant a demandé d’assigner 56 témoins, y compris les défendeurs à titre individuel et lui-même. Les défendeurs et le Commissaire ont présenté une requête afin de réduire ce nombre aux motifs que le plaignant n’avait fourni aucune information suffisante démontrant que ces témoins étaient pertinents au litige ou que leur témoignage est indispensable à l’examen de l’affaire devant le Tribunal. De même, selon les défendeurs et le Commissaire, la demande du plaignant de faire entendre 56 témoins équivaut à une chasse à l’aveuglette. Pour sa part, le plaignant a indiqué que le pouvoir de contrôle du Tribunal sur la question des témoins est très limité et il a le droit d’appeler à témoigner les 55 personnes puisqu’il a précisé les questions en litige sur lesquelles leurs témoignages étaient attendus. Selon lui, tous les témoins demandés ont une connaissance personnelle des faits et il revient d’ailleurs aux défendeurs d’établir qu’ils ne sont pas pertinents au litige. De plus, lui demander d’établir la pertinence de ces témoins équivaudrait à dévoiler ses stratégies avant l’audience.

Motifs: Le Tribunal est maitre de sa propre procédure et il peut limiter le nombre de témoins dans le cadre d’une audience afin de respecter le principe de la proportionnalité et de s’assurer que ladite audience soit conduite d’une manière équitable, mais aussi avec célérité, et que la preuve
présentée soit pertinente et non répétitive. Bien que le Tribunal doit respecter le droit du plaignant à se faire entendre, il ne peut permettre une chasse à l’aveuglette. Il revient au plaignant d’établir qu’il est probable que les témoins demandés livreront un témoignage pertinent au litige. Dans le cas présent, le plaignant n’a pas démontré la pertinence de 29 des témoins demandés et ces derniers sont retirés de la liste des témoins.

Contenu de la décision

Référence : Agnaou c. Service des poursuites pénales du Canada et. al., 2019 TPFD 2

Dossier : T-2017-01


Rendue à Montréal (Québec)
Date : Le 6 mai 2019

 

Affaire concernant une demande du commissaire à l’intégrité du secteur public présentée au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs Canada

 

ENTRE :

YACINE AGNAOU
plaignant

-et-

LE COMMISSAIRE À L’INTÉGRITÉ DU SECTEUR PUBLIC DU CANADA

-et-

SERVICE DES POURSUITES PÉNALES DU CANADA
employeur

-et-

ANDRÉ A. MORIN, BRIAN SAUNDERS, GEORGES DOLHAI ET DENIS DESHARNAIS
défendeurs à titre individuel


 


DÉCISION INTERLOCUTOIRE VISANT UNE REQUÊTE POUR  RÉDUIRE LE NOMBRE DE TÉMOINS DU PLAIGNANT AMENDÉE


I.  Introduction

[1]  La présente fait suite au dépôt, le 15 avril 2019, de requêtes de la part des intimés, le Service des poursuites pénales du Canada (SPPC) et Me André A. Morin, ainsi que de la part du  Commissaire à l’intégrité du secteur public (le Commissaire) demandant au Tribunal de réduire le nombre de témoins que Me Yacine Agnaou, le plaignant, désire assigner à témoigner dans le cadre de l’audition, par le Tribunal, de la plainte de représailles qu’il a déposée 5 janvier 2013, audience devant débuter le lundi 3 juin prochain. Le 29 avril 2019, Me Agnaou répond et demande au tribunal de rejeter les requêtes et le 3 mai 2019, les intimés et le Commissaire répliquent.

[2]  Considérant que l’audience débutera prochainement et considérant aussi le délai imposé aux parties, dont Me Agnaou, pour demander l’émission des assignations à témoigner (article 35 des Règles de pratique du Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, DORS 2011/170 [les Règles]), les motifs de la présente ordonnance sont nécessairement concis. 

[3]  Ainsi, il convient de noter d’abord que Me Agnaou, dans son « Exposé des précisions du plaignant amendé » du 13 février 2018, liste les noms des 55 témoins, outre lui-même, qu’il propose d’appeler à témoigner, à moins qu’une autre partie ne les produise. Le 12 octobre 2018, en réponse à une directive du Tribunal, Me Agnaou dépose un «Résumé des témoignages attendus par le plaignant amendé» dans lequel il résume, pour chacun des témoins listés, les sujets sur lesquels chacun témoignera ainsi que les aspects de leur témoignage tombant sous la juridiction du Tribunal. La description contenue dans ces résumés est plutôt laconique, n’identifie pas de faits particuliers sur lesquels chacun témoignera et lie le témoignage de chacun à des catégories d’évènements.

[4]   Pour les motifs exposés ci-après, le Tribunal accordera en partie les requêtes des intimés et du Commissaire et réduira le nombre des témoins que Me Agnaou prévoit appeler lors de l’audience.

II.  Position des parties

 

A.  Position du Commissaire à l’intégrité du secteur public

[5]  Dans sa requête présentée le 15 avril 2019, le Commissaire demande à ce qu’aucun de ses employés, actuels ou anciens, demandés à témoigner par le plaignant ne soit assigné à témoigner par le Tribunal. Selon le Commissaire, le plaignant n’a fourni aucune information suffisante démontrant que ces témoins sont pertinents au litige ou que leur témoignage est indispensable à l’examen de l’affaire devant le Tribunal.  Plus précisément, selon la théorie du plaignant, « quelqu’un » au Commissariat aurait probablement informé « quelqu’un » au SPPC que le plaignant avait fait une divulgation au Commissaire.  Selon le Commissaire, assigner ces neuf témoins équivaudrait à permettre un interrogatoire à l’aveuglette étant donné qu’aucune preuve n’existe quant au partage clandestin de la divulgation du plaignant au Commissaire.

[6]  Selon le Commissaire, en vertu de l’affaire Zundel (Re), 2004 CF 798, la partie demandant l’assignation d’un témoin ne doit, non seulement en affirmer la pertinence, mais établir que le témoin fournira probablement un élément de preuve pertinent.  De plus, la Cour Fédérale dans Laboratoires Servier c. Apotex inc. 2008 CF 321, a indiqué qu’elle ne permettrait pas à une partie de recourir à des assignations à témoigner pour faire une chasse à l’aveuglette ou d’interroger des témoins en espérant qu’un élément qui l’aiderait à présenter sa cause ressorte.

[7]  En dernier lieu, le Commissaire souligne que le rôle du Tribunal n’est pas d’examiner les décisions du Commissaire puisqu’il siège en première instance et que conséquemment, les témoins demandés par le plaignant ne sont pas pertinents pour déterminer les trois éléments sur lesquels doit se pencher le Tribunal; c.à.d, si une divulgation protégée a été faite, si des mesures ont été prises envers le plaignant et s’il existe un lien entre les mesures prises et la divulgation protégée.

B.  Position de Me André A. Morin

[8]  Me Morin soumet que plusieurs témoins figurant sur la liste des témoins du plaignant ne sont pas pertinents à l’affaire devant le Tribunal et prolongerait inutilement la durée de l’audience. Plus particulièrement, il soutient que tous les témoins appelés à témoigner au sujet des circonstances entourant la décision de ne pas déposer des accusations au dossier [A] sont sans pertinence puisque cette question n’est pas devant le Tribunal. À cet effet, Me Morin soumet une liste de 15 témoins qui seraient appelés à témoigner par Me Agnaou au sujet du dossier [A], mais qui ne devraient pas être assignés à témoigner. 

[9]  Deuxièmement, Me Morin soumet que les témoins en lien avec les plaintes de harcèlement déposées par le plaignant ne sont pas pertinents. Les faits entourant les plaintes de harcèlement ne sont pas pertinents afin de déterminer si le plaignant a fait une divulgation protégée et si des représailles ont été exercées à son endroit. Me Morin soutient donc que les quatre témoins reliés aux plaintes de harcèlement ne devraient pas être assignés à témoigner.

[10]  Troisièmement, il soutient que les neuf témoins provenant du Commissaire ne devraient pas être assignés à l’audience puisqu’ils n’ont pas une connaissance directe de plusieurs événements qui ont mené au litige et ne sont donc pas pertinents. De plus, selon Me Morin, les témoins relatifs aux demandes d’accès à l’information présentées ne sont pas pertinents à l’affaire soumise au tribunal. L’intimé énumère ensuite neuf témoins qui, selon lui et prenant pour acquis l’exactitude du sujet de leur témoignage, n’ont aucun lien avec le litige devant le tribunal ou ne répéteraient simplement ce qu’un témoin aura indiqué auparavant.

[11]  Finalement, Me Morin s’oppose à ce que huit témoins soient assignés afin de témoigner sur les communications avec la Commission de la fonction publique en relation avec le droit de priorité du plaignant.  L’intimé demande donc que ce nombre soit restreint afin de respecter un esprit de proportionnalité.

C.  Position du SPPC

[12]  La position générale du SPPC est à l’effet que les témoins qui ne présenteront pas de preuve pertinente à l’audience ou qui n’ont pas une connaissance personnelle des faits ne devraient pas être assignés à témoigner. Selon lui, le plaignant n’a pas démontré, par sa description générique des témoignages attendus, qu’il existe un lien pertinent entre la preuve qu’il tente d’obtenir de plusieurs témoins et les questions en litige devant le Tribunal. 

[13]  Bien que le SPPC soutienne que chaque partie devant le Tribunal a une possibilité pleine et entière de présenter leur position, une audience devant le Tribunal n’est pas un interrogatoire à l’aveuglette.

[14]  Le SPPC soumet que les témoins relatifs aux communications liées au dossier [A] et à la façon dont ce dernier a été traité ne sont pas pertinents aux questions en litige devant le Tribunal. En effet, cette question a trait à l’aspect d’actes répréhensibles, question qui n’est pas devant le Tribunal. D’ailleurs, l’intimé s’oppose au témoignage de Mme Chantal Proulx pour ce motif puisqu’elle a quitté le SPPC en 2012 et n’était donc pas présente lorsque les deux postes ont été reclassifiés. Il soumet également que les témoins relatifs aux mesures ayant mené à l’exclusion du plaignant du milieu de travail ne sont pas pertinents puisqu’il ne s’agit pas des mesures de représailles alléguées dans l’avis de demande du Commissaire. Ce dernier vise spécifiquement, en tant que mesures de représailles possibles, la reclassification des deux postes au niveau LA‑2B. 

[15]  Dans le même ordre d’idées, les témoins liés aux plaintes de harcèlement déposées par le plaignant ou aux demandes d’accès à l’information ne devraient pas être assignés puisque ces sujets ne sont pas pertinents au litige devant le Tribunal. 

[16]  Le SPPC s’oppose à ce Me Marc Fortin soit assigné à comparaître puisque ce dernier était l’avocat ministériel et ses avis juridiques et conseils sont protégés par le secret professionnel.  Il soutient également que Me Kathleen Roussel ne devrait pas être assignée à témoigner puisqu’elle n’a pas été impliquée dans l’entente conclue le 26 juin 2009 et le plaignant n’a pas indiqué en quoi son témoignage relatif à son entrevue avec le Commissaire était pertinent au litige.

[17]  Le SPPC s’oppose également à ce que huit témoins soient assignés afin de témoigner sur les communications qui ont eu lieu entre la Commission de la fonction publique et le SPPC quant au droit de priorité du plaignant.  Il demande conséquemment de limiter le nombre de témoins sur ce sujet à un ou deux.

[18]  En dernier lieu, le SPPC soutient que les témoins provenant du Commissaire ne sont pas pertinents au litige devant le Tribunal.  En effet, la qualité de l’enquête menée par le Commissaire et le traitement des dossiers du plaignant ne relèvent pas de la compétence du Tribunal.

D.  Position de Me Agnaou

[19]  Me Agnaou déplore que les intimés tentent d’ajouter un autre obstacle dans le parcours déjà périlleux d’un divulgateur, victime alléguée de représailles et de le priver du droit de présenter toute sa preuve. Selon lui, le pouvoir de contrôle du Tribunal sur la question des témoins est très limité à ce stade-ci et il a gagné le droit d’appeler à témoigner les 55 personnes dès qu’il a précisé les questions en litige sur lesquelles leurs témoignages étaient attendus. Il soutient que chacune des personnes appelée détient une connaissance personnelle des faits, tel qu’en fait foi son exposé de précisions et des pièces pertinentes.

[20]  Me Agnaou affirme que de devoir démontrer un degré supérieur de pertinence des témoins demandés équivaudrait à dévoiler toutes ses stratégies d’interrogatoires et serait à l’encontre du principe de célérité puisqu’il s’agirait d’un procès avant un procès.  D’ailleurs, il revient aux intimés de démontrer que les témoins demandés par le plaignant n’ont pas de preuve pertinente à apporter relativement aux questions devant le Tribunal.  Il avance que «Ainsi, à moins qu’il soit clair qu’un témoin n’a absolument rien à dire de pertinent sur l’une ou l’autre des questions en litige, le Tribunal devrait permettre son assignation à l’enquête et audition et juger les questions qui lui sont posées à la pièce au regard des réponses qu’il leur donne ».

[21]  Me Agnaou réitère que la question de la liste des témoins avait été réglée après qu’il ait lié chaque témoignage attendu à une des trois questions en litige devant le Tribunal.  Selon lui, le paragraphe 13 de la réponse du  Commissaire à sa requête pour divulgation confirme ce point.

 

[22]  Me Agnaou affirme que le Commissaire mène la charge avec les intimés afin de limiter sa preuve.  En ce faisant, le Commissaire a délaissé son rôle impartial de représentant de l’intérêt public et ses représentations ne devraient plus être permises.  Me Agnaou ajoute que ceci est démontré par le fait que le Commissaire avait refusé de tenir une enquête sur cette affaire et que celle-ci a été faite de façon scandaleuse.

[23]  Me Agnaou précise que :

- Mario Dion : le plaignant ne sait effectivement pas qui est ce « quelqu’un » qui aurait probablement informé ce « quelqu’un » au SPPC que le plaignant aurait fait une divulgation au Commissaire en juin 2009 (informelle) et/ou en octobre 2011 (formelle).  Cependant, Mario Dion connaissait des intimés suffisamment pour se récuser.  Il y a eu concomitance entre la décision du sous-commissaire de refuser d’enquêter (6 septembre 2012) et la mesure de représailles (13 septembre 2012);

- Les témoins appelés pour témoigner sur le dossier A ne le sont pas pour établir un acte répréhensible, mais pour démontrer que le plaignant a effectivement procédé à une divulgation interne en 2009;

- Les témoins appelés pour témoigner sur les mesures ayant mené à son exclusion du milieu de travail et les mesures prises pour sa réintégration ne témoigneront pas sur les fautes commises à l’égard du plaignant, mais pour démontrer qu’il a fait une divulgation interne en 2009 et que les mesures de représailles ont un lien avec cette divulgation;

- Les témoins appelés à témoigner sur leur gestion des plaintes de harcèlement du plaignant ne témoigneront pas pour justifier leur gestion de ces plaintes, mais pour démontrer qu’il a fait une divulgation interne en 2009 et que les mesures de représailles ont un lien avec cette divulgation;

- Me Marc Fortin témoignerait sur ses communications avec des organisations tierces dont la CFP et non sur ses conseils juridiques au SPPC;

- Me Chantal Proulx a été impliquée dans la gestion de la divulgation interne du plaignant, dans ses plaintes de harcèlement, de son expulsion, de sa réintégration et la conclusion du protocole d’entente;

- Me Kathleen Roussel a répondu aux questions des enquêteurs du Commissaire et son témoignage est pertinent;

- M. Hugo Giguère et Mme Josée Lesage sont les agents des ressources humaines qui ont administré le processus de dotation en lien avec les mesures de représailles.

 

III.  Discussion

[24]  Le Tribunal est maitre de sa propre procédure et il peut limiter le nombre de témoins dans le cadre d’une audience afin de respecter le principe de la proportionnalité et de s’assurer que ladite audience soit conduite d’une manière équitable, mais aussi avec célérité, et que la preuve présentée soit pertinente et non répétitive (Article 21.2 de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (L.C. 2005, ch. 46; article 2 des Règles); Forrest c. Canada (Procureur général), [2002] ACF No 713. Dans l’exercice de sa discrétion, le Tribunal doit respecter les principes d’équité procédurale et permettre au plaignant de présenter son dossier. Cependant, le plaignant ne peut engager une chasse à l’aveuglette et il doit établir que les  témoins pour lesquels il prévoit demander une assignation à témoigner fourniront des éléments de preuve pertinents et non répétitifs. 

[25]  Me Agnaou plaide que les intimés ont le fardeau de démontrer que les témoins dont ils demandent l’exclusion ne sont pas pertinents aux questions en litige devant le Tribunal.  Or, la jurisprudence enseigne plutôt qu’il revient à la partie qui demande la délivrance d’une assignation à témoigner d’établir que le témoignage fournira probablement un élément de preuve pertinent. En effet, dans l’affaire Zündel Re, 2004 CF 798, la Cour fédérale a repris le raisonnement de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. c. Harris, [1994] O.J. 1875 et a édicté qu'il n'était pas suffisant pour la partie qui a assigné le témoin d'affirmer tout simplement que le témoignage du témoin pourrait être pertinent; la partie devait plutôt établir qu'il était probable que le témoin livrerait un témoignage pertinent (voir également R. c. Stupp (1982) 70 C.C.C. para 107 à 121).  Ces décisions indiquent également que le fait pour une partie d’établir la pertinence d’un témoignage renforce le principe selon lequel une assignation à témoigner ne doit pas être une chasse à l’aveuglette (Lee v. The Queen, 2011 TCC 337 (disponible en anglais seulement).

[26]  Le fardeau de démontrer qu’un témoin est nécessaire à l’audience n’est pas onéreux : la partie demandant l’assignation doit démontrer qu’il est probable que le témoin offrira de la preuve pertinente. En l’instance, Me Agnaou a concédé qu’il ne savait effectivement pas qui est ce « quelqu’un » au Commissaire qui aurait probablement informé ce « quelqu’un » au SPPC qu’il aurait fait une divulgation.

[27]  Me Agnaou plaide que le fait d’avoir à établir la pertinence des témoins qu’il appelle à témoigner équivaut à lui demander de révéler ses stratégies d’interrogatoire. Il ne s’agit pas ici de dévoiler des stratégies d’interrogatoires. Les règles sont en place afin d’éviter, notamment, qu’une partie ne soit prise au dépourvue ou par surprise (Schecter c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2005 TCDP 35).  Le sous-paragraphe 41(a) des Règles de pratique du Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs indique, à cet effet, qu’une partie ne peut à l’audience exposer une position, chercher à prouver un fait important ni produire un document qui n’a pas précédemment été communiqué. 

[28]  Dans le cas d’avocats demandés à être assignés à témoigner, la Cour fédérale a indiqué, après avoir passé en revue la jurisprudence à cet effet, que les assignations à témoigner qui exigent à un avocat de livrer un témoignage sur des dossiers dans lesquels ils conseillaient un client ne devraient être émises que dans les cas les plus manifestes que leur témoignage n’aura pas de répercussions profondes sur la relation entre un avocat et son client (Laboratoires Servier c. Apotex Inc., 2008 CF 321 para. 26).  Me Agnaou n’a pas démontré que les communications entre le SPPC et la CFP dans lesquelles Me Fortin aurait été impliqué n’auraient pas de répercussions sur le privilège avocat-client et le Tribunal ne délivrera pas d’assignation à témoigner à son égard. 

[29]  Ainsi, considérant les principes qui doivent guider le Tribunal, je suis satisfaite que les témoins liés au dossier [A] ne sont pas pertinents en l’instance puisque le Tribunal n’a pas à se pencher sur l’examen d’un  acte répréhensible. Ainsi, le Tribunal retire de la liste des témoins proposés par Me Agnaou les témoins liés au dossier [A], soit les 14 témoins dont les noms correspondent aux numéros 13, 14, 15, 18, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29 et 30 dans le « Résumé des témoignages attendus par le plaignant amendé » du 12 octobre 2018, et ne délivrera pas d’assignations à témoigner à leur égard. 

[30]  Dans le même ordre d’idées, les faits liés aux plaintes de harcèlement déposées par le plaignant, aux demandes d’accès à l’information, à la manière dont le Commissaire conduit ses enquêtes et traite les plaintes, ne sont pas pertinents dans le cadre du présent litige, tandis que d’autres témoignages annoncés constituent une chasse à l’aveuglette. Ainsi, le Tribunal retire de la liste des témoins proposés par Me Agnaou les 15 témoins dont les noms correspondent aux numéros 9, 10, 11, 16, 17, 20, 41, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55 et 56 dans le « Résumé des témoignages attendus par le plaignant amendé » du 12 octobre 2018, et ne délivrera pas d’assignations à témoigner à leur égard.

[31]  J’ai considéré les arguments soulevés par les requérants en lien avec leurs demandes de réduire d’avantage le nombre de témoins, mais n’ai pas été convaincue que les critères précités avaient, dans leurs cas, été rencontrés.

 

 

FAIT à Montréal ce 6e jour de mai 2019.

 

  SIGNÉ au nom du Tribunal par la présidente.

 

 

    (s) L’honorable Martine St-Louis

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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