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Informations sur la décision

Résumé :

Mots-clés: Avis, commissaire à l’intégrité du secteur public (le commissaire), Commissariat à l’intégrité du secteur public (le Commissariat), compétence, contrôle judiciaire, demande présentée au Tribunal, équité, interprétation des lois, justice naturelle, Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (la Loi), plainte, requête, requête interlocutoire, Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (le Tribunal).

Contexte: Les défendeurs à titre individuel ont présenté une requête visant à ce que le nom de l’un d’eux soit radié de la demande présentée au Tribunal. Un fonctionnaire avait déposé une plainte auprès du Commissariat, alléguant que plusieurs mesures de représailles avaient été exercées contre lui parce qu’il avait divulgué des actes répréhensibles. Après l’enquête du Commissariat, le commissaire a conclu qu’une des allégations justifiait la présentation d’une demande au Tribunal, afin que ce dernier décide si des représailles avaient été exercées à l’égard du plaignant et, dans l’affirmative, si des sanctions disciplinaires devraient être prises à l’encontre des deux défendeurs à titre individuel identifiés dans la demande. L’un des deux défendeurs à titre individuel n’avait pas été identifié par le plaignant dans la plainte qu’il avait déposée auprès du Commissariat. De plus, pendant l’enquête, ce défendeur en particulier avait été interviewé par une enquêteuse du Commissariat, mais il n’avait pas été averti que son nom pourrait être ajouté à la demande comme défendeur à titre individuel, dans l’éventualité où le commissaire concluait qu’il était justifié de présenter une demande au Tribunal. Dans la requête qu’ils ont présentée au Tribunal, les défendeurs à titre individuel ont soutenu que le nom du défendeur en question devait être radié de la demande parce que le Commissariat n’a pas le pouvoir d’ajouter de nom à la demande et que les principes de justice naturelle ont été violés.

Motifs: Le Tribunal a conclu que la Loi donne manifestement au commissaire le pouvoir d’ajouter des parties dans la demande. Dans son analyse des dispositions de la Loi, le Tribunal a aussi noté que, au moment où il dépose sa plainte, il peut être difficile, sinon impossible pour le plaignant d’identifier les personnes qui avaient exercé les représailles. Pour identifier les défendeurs, le Commissariat doit mener une enquête poussée et indépendante. Le Tribunal a exposé en détail les principes généraux d’interprétation des lois lorsqu’il a analysé la partie de la Loi portant sur les plaintes en matière de représailles et en la comparant à d’autres dispositions de la Loi, notamment l’article 33, qui permet au commissaire de faire enquête sur d’autres actes répréhensibles. En rejetant la requête, le Tribunal a aussi rappelé l’importance de veiller à ne pas rendre la Loi stérile en lui donnant une interprétation trop formelle. Le Tribunal a souligné que l’obligation d’aviser les parties n’est pas une simple formalité procédurale : il s’agit de garantir le respect des principes de justice naturelle. Il a aussi conclu que la requête des défendeurs était prématurée, car l’affaire n’avait pas encore fait l’objet d’une audience. Le Tribunal a répété qu’il n’a pas le pouvoir de procéder au contrôle judiciaire des décisions du commissaire quant à ce que devrait contenir ou non une demande. C’est la Cour fédérale qui a le pouvoir de procéder au contrôle judiciaire des décisions du commissaire.

Contenu de la décision

Public Servants
 Disclosure Protection
 Tribunal Canada

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Tribunal de la protection
des fonctionnaires
divulgateurs du Canada

Référence: Charbel El-Helou c. Service administrative des tribunaux judiciaires, 2011 TPFD 3

Dossier : T-2011-01

Rendue à : Ottawa (Ontario)

Le 25 novembre 2011

Affaire concernant une demande du commissaire à l’intégrité du secteur public présentée au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs Canada

ENTRE :

CHARBEL EL-HELOU

plaignant

-et-

LE COMMISSARIAT À L’INTÉGRITÉ DU SECTEUR PUBLIC

commissaire

et

LE SERVICE ADMINISTRATIF DES TRIBUNAUX JUDICIAIRES

employeur

et

DAVID POWER

défendeur à titre individuel

et

ÉRIC DELAGE

défendeur à titre individuel

DÉCISION INTERLOCUTOIRE VISANT UNE REQUÊTE DE MISE HORS DE CAUSE D’UN DÉFENDEUR À TITRE INDIVIDUEL, DAVID POWER

[1]  La présente décision tranche une requête présentée par les défendeurs afin que David Power, un des défendeurs à titre individuel dans la présente affaire, soit mis hors de cause de la demande du commissaire à l’intégrité du secteur public (la demande) qui a été présentée au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (le Tribunal). La requête a été présentée en vertu du paragraphe 21.2(1) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, L.C. 2005, ch. 46 (la Loi), et le paragraphe 13(1) de la version provisoire de Règles du Tribunal, qui ont depuis été remplacées par les Règles de pratique du Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, DORS/2011-170 (les Règles).

[2]  La plainte a été déposée le 3 juillet 2009, et des renseignements supplémentaires ont été transmis au Commissariat à l’intégrité du secteur public (le Commissariat) le 9 juillet 2009. Dans les documents relatifs à sa plainte, le plaignant a allégué que quatre personnes avaient exercé des représailles à son encontre. Toutefois, les défendeurs soulignent que, dans sa plainte et dans les documents supplémentaires qu’il a déposés, le plaignant n’a jamais allégué que M. Power avait exercé des représailles à son encontre.

[3]  Le 16 mai 2011, le commissaire à l’intégrité du secteur public (le commissaire) a présenté une demande au Tribunal afin que ce dernier décide si des représailles avaient été exercées à l’encontre du plaignant. Dans la demande, le commissaire a identifié M. Power comme l’un des deux défendeurs à titre individuel et il a affirmé que le Tribunal devrait songer à ordonner la prise de mesures disciplinaires s’il concluait que des représailles avaient été exercées.

[4]  Le commissaire et le plaignant s’opposent à la requête. L’employeur appuie la requête.

[5]  Depuis le dépôt de la demande auprès du Tribunal, le Tribunal a rendu une décision sur une requête en matière de compétence présentée par le plaignant (El-Helou c Le Service administratif des tribunaux judiciaires, 2011-TP-01 (la décision El­Helou no 1)) et une décision sur une requête en jugement sommaire présentée par les défendeurs (El-Helou c Le Service administratif des tribunaux judiciaires, 2011-TP-02 (la décision El-Helou no 2)). Après avoir rendu la décision El Helou no 1, le Tribunal a ordonné au plaignant d’informer le Tribunal et les autres parties de sa décision quant à la présentation d’une demande de contrôle judiciaire à l’égard de la décision du commissaire de ne pas inclure dans la demande toutes les allégations faites dans la plainte initiale. Le 18 octobre 2011, le plaignant a décidé de présenter une demande de contrôle judiciaire. Par conséquent, le Tribunal a envoyé une lettre confirmant qu’il suspendrait l’instruction de la demande, tout en se réservant le droit de trancher les requêtes pendantes, en attendant que la Cour fédérale tranche la demande de contrôle judiciaire du plaignant.

[6]  Outre la requête en cause, deux autres requêtes pendantes ont trait à la demande. Ces dernières requêtes portent sur la recevabilité de la preuve et sur le maintien d’une ordonnance de confidentialité datée du 10 juin 2011.

Le contexte

[7]  Le Tribunal a déjà expliqué en détail le contexte de la demande qui fait l’objet de la requête en cause, aux paragraphes 13 à 28 de la décision El-Helou no 1. En résumé, le plaignant travaillait pour le Service administratif des tribunaux judiciaires (le SATJ) comme directeur, Services à la clientèle et Infrastructure. Le superviseur du plaignant lui a demandé de consulter des courriels d’un membre de la magistrature. Le plaignant a été troublé par cette demande, car certains courriels auraient pu contenir des renseignements sensibles. Bien qu’il croyait que la demande était inappropriée, il s’est exécuté, puis il a informé le membre de la magistrature de ce qu’on lui avait demandé de faire. Le membre de la magistrature a par la suite informé des personnes de rang supérieur de la situation.

[8]  Le plaignant a affirmé que, par la suite, sa relation avec M. Delage et M. Francœur  s’était détériorée. Il a eu plusieurs rencontres avec M. Power, qui était avocat principal et qui remplissait aussi d’autres rôles, dont celui d’agent supérieur chargé de recevoir les divulgations internes d’actes répréhensibles suivant la Loi. Pendant une rencontre avec M. Power, le 25 mars 2009, le plaignant lui a fait part de ses préoccupations quant à la demande de consultation des courriels. Il a aussi exprimé des réserves concernant un marché d’acquisition qui avait été adjugé à une société, car il soupçonnait qu’il y avait eu collusion.

[9]  Le 3 juillet 2009, le plaignant a déposé une plainte auprès du Commissariat. Le 9 juillet 2011, il a fourni des renseignements supplémentaires. À ce moment-là, le plaignant a fait les allégations de représailles suivantes :

  • 1) vers le 5 juin 2009, le plaignant a été réaffecté temporairement à d’autres tâches, et ses responsabilités de supervision lui ont été retirées;

  • 2) vers le 25 mai 2009, un gestionnaire a rencontré les subordonnés du plaignant pour obtenir des renseignements sur son style de gestion et des commentaires négatifs à son sujet;

  • 3) la cote de sécurité « Très secret » du plaignant a été gardée en suspens à partir de mai 2009;

  • 4) le plaignant a fait l’objet de harcèlement continu.

[10]  Dans la plainte, les personnes suivantes ont été désignées comme défendeurs à titre individuel : Laurent Francoeur, Eric Cloutier, Francine Côté et Éric Delage. À ce moment-là, M. Power n’avait pas encore été identifié comme l’une des personnes ayant exercé des représailles à l’encontre du plaignant.

[11]  Le commissaire a accepté la plainte et a lancé une enquête. Dans la demande, le commissaire affirme que l’enquêteure, avec le consentement du plaignant, avait écarté la quatrième allégation de la plainte, qui a trait au harcèlement, après le début de l’enquête.

[12]  Dans son affidavit fait à l’appui de la requête, M. Power affirme que, le 19 août 2009, il avait été interviewé par Sofia Scichilone et un autre employé du Commissariat. Dans l’affidavit, il soutient qu’on ne l’avait pas avisé qu’il pouvait être ajouté à la plainte comme défendeur, et il a dit qu’il n’avait pas demandé d’être accompagné par un avocat.

[13]  Dans son affidavit, qui est joint à la réponse du commissaire à la requête, Mme Scichilone affirme qu’à ce moment-là, c’est-à-dire lors de l’analyse initiale de la plainte, elle ne considérait pas M. Power comme une personne qui aurait pu exercer des représailles à l’encontre du plaignant. Elle souligne aussi que le 20 juillet 2009, M. Raymond Guenette, l’administrateur en chef du SATJ de l’époque, avait écrit au commissaire et avait invité l’enquêteure responsable du dossier à consulter l’agent supérieur chargé de recevoir les divulgations dans l’organisme, M. Power. Elle affirme aussi que, pendant qu’elle préparait cette rencontre, elle avait dit à M. Power qu’il pouvait être accompagné de la personne de son choix.

[14]  Mme Gail Gauvreau, une enquêteure principale du Commissariat, a ensuite été chargée d’enquêter sur la plainte. Dans son affidavit fait à l’appui de la réponse du commissaire à la requête, Mme Gauvreau affirme qu’elle a décidé d’ajouter M. Power comme défendeur à titre individuel parce que la cote de sécurité du plaignant avait été gardée en suspens et parce que M. Power avait prétendument reçu la divulgation en question et participé au choix des mesures prises à l’encontre du plaignant.

[15]  Le 28 janvier 2010, le Commissariat a avisé le SATJ que M. Power allait être mis en cause dans la plainte comme défendeur à titre individuel. Dans la demande qu’il a présentée au Tribunal, le commissaire a conclu qu’il y avait des motifs justifiant de donner suite à une seule des trois allégations restantes de la plainte initiale, à savoir que la cote de sécurité du plaignant avait été gardée en suspens. Dans la demande, deux personnes ont été identifiées comme défendeurs à titre individuel : M. Delage et M. Power.

[16]  Compte tenu de leur pertinence à l’égard de la demande, il est utile de mentionner certains paragraphes de l’exposé des précisions du commissaire afin d’éclairer le contexte dans lequel la présente décision est rendue. Au paragraphe 54, le commissaire a conclu que, avant les faits ayant donné lieu à la divulgation protégée, la relation entre le plaignant et son superviseur avait commencé à se détériorer. Selon le commissaire, ces problèmes se sont aggravés après l’incident des courriels, et cela a enclenché le processus qui a mené à garder en suspens la cote de sécurité du plaignant. Au paragraphe 59, le commissaire a souligné que, même si M. Delage avait fait savoir au Commissariat qu’il estimait qu’il y avait eu un manquement à la sécurité, le SATJ n’avait jamais suivi la procédure établie afin d’enquêter sur le manquement allégué. Le commissaire a affirmé que la cote de sécurité du plaignant avait été gardée en suspens sur la recommandation de M. Power et de M. Delage.

[17]  Au paragraphe 63, le commissaire a aussi conclu que la preuve montrait que, d’une part, le SATJ voulait que le plaignant quitte le SATJ et que, d’autre part, la menace d’une enquête concernant la cote de sécurité avait été utilisée comme moyen de pression. Le commissaire a affirmé que, si le manquement à la sécurité avait été suffisamment grave pour que les cadres supérieurs du SATJ doutent de la fiabilité du plaignant, des mesures supplémentaires auraient dû être prises. Par exemple, il aurait fallu qu’une enquête de sécurité soit lancée ou que le ministère auquel le plaignant s’est joint soit averti de la situation

 

ANALYSE

[18]  Les défendeurs soutiennent que la Loi ne permet pas au commissaire d’ajouter M. Power comme partie parce que ce dernier n’avait pas été identifié dans la plainte initiale qui avait été déposée auprès du Commissariat. Ils avancent aussi que l’entrevue entre le Commissariat et M. Power faisait l’objet d’un privilège et que sa teneur n’a pas été protégée adéquatement. Selon eux, M. Power avait le droit d’être accompagné d’un avocat lorsqu’il a été interviewé au cours de l’enquête du Commissariat. 

[19]  Dans une lettre datée du 12 août 2011, l’employeur explique qu’il appuie la position des défendeurs. Le plaignant et le commissaire s’opposent tous deux à la requête. De plus, le plaignant soutient que les défendeurs n’ont pas exercé le recours approprié.

[20]  Les arguments présentés par les défendeurs à titre individuel dans la requête ont principalement trait aux principes de justice naturelle. D’abord, ils soutiennent que le commissaire a outrepassé sa compétence en ajoutant M. Power comme partie à la demande, alors que ce dernier n’avait pas été identifié dans la plainte initiale qui avait été déposée auprès du Commissariat. Ensuite, ils avancent que, pendant l’enquête qui a mené à la présentation de la demande au Tribunal, M. Power n’a pas joui de la protection des principes de justice naturelle.

[21]  En premier lieu, le Tribunal note que les requêtes en cause dans la décision El-Helou no 1, dans la décision El-Helou no 2 et en l’espèce portent toutes sur la question de savoir si le Tribunal peut s’attribuer compétence sur d’autres fondements que la demande dont il est saisi. Dans la décision El-Helou no 1, le Tribunal a expliqué en détail pourquoi il ne peut pas s’écarter de la compétence que lui confère la demande. Il s’ensuit donc que, si certaines questions ont été ajoutées dans la demande – par exemple, la mise en cause de défendeurs supplémentaires, la recommandation que des sanctions disciplinaires soient prises à l’encontre des défendeurs ou la recommandation que des mesures de réparation soient prises à l’égard du plaignant –, ces questions doivent être tranchées lors de l’instance du Tribunal. Cela découle justement du fait que la compétence du Tribunal provient de la demande, laquelle résulte de l’examen préalable fait par le Commissariat.

[22]  La requête qui est en cause en l’espèce et celle qui a été tranchée dans la décision El Helou no 2 soulèvent aussi des questions communes, dans la mesure où elles portent sur des mécanismes juridiques préliminaires qui peuvent mener au rejet d’une demande ayant trait à des représailles et à des défendeurs à titre individuel avant la tenue d’une audience sur toutes les questions en litige. Dans la requête tranchée par la décision El-Helou no 2, les deux défendeurs à titre individuel demandaient un jugement sommaire rejetant la partie de la demande qui les visait. Dans cette décision, le Tribunal a mis en garde contre une application trop rigoureuse des recours préliminaires qui peuvent mener au rejet d’une demande. Pour ce faire, le Tribunal a tenu compte du cadre légal établi par la Loi, du rôle du commissaire en tant que « gardien » de l’accès au Tribunal et de l’importance de l’instance du Tribunal une fois la demande présentée. Après avoir souligné l’importance de la transparence dans ses instances, le Tribunal s’est dit préoccupé de voir l’utilisation des recours préliminaires empêcher l’audition des éléments de preuve et des questions ayant trait à des allégations de représailles exercées à la suite d’une divulgation d’actes répréhensibles.

[23]  Comme il a été souligné ci-dessus, dans la description de l’exposé des précisions du commissaire, M. Power est visé par l’allégation faisant l’objet de la demande et le commissaire a décidé de l’identifier comme défendeur à titre individuel. La requête tranchée dans la décision El-Helou no 2 portait aussi sur l’inclusion de défendeurs dans la demande, dont M. Power. Dans les motifs portant sur la requête en jugement sommaire pour la partie de la demande visant M. Power (et M. Delage), le Tribunal a dit qu’il doit se montrer prudent lorsqu’il se penche sur une requête visant à rejeter sommairement une demande dont il est saisi. L’approche contraire risquerait d’affaiblir l’objet global de la Loi et d’entraîner une perte de confiance envers le régime établi par la Loi. Dans son analyse du cadre légal, le Tribunal a aussi conclu que la requête était prématurée et que le critère du jugement sommaire n’avait pas été respecté.

[24]  Il faut mettre l’accent sur les deux décisions déjà rendues par le Tribunal, car elles sont pertinentes à l’égard des raisons pour lesquelles le Tribunal doit rejeter la requête en cause. De plus, comme il est expliqué plus loin dans les présents motifs, le Tribunal conclut que la Loi donne clairement au commissaire le pouvoir d’ajouter des parties. Le Tribunal conclut aussi que la requête en cause est prématurée et que, à première vue, aucun élément de la demande ne permet de conclure dès maintenant que le nom de M. Power devrait en être radié à la suite d’une requête préliminaire. Dans la dernière partie des présents motifs, le Tribunal présente aussi des observations quant au recours approprié pour les questions soulevées par les défendeurs à titre individuel dans la requête en cause.

LE POUVOIR LÉGAL DU COMMISSAIRE D’AJOUTER DES PARTIES DANS UNE DEMANDE

Aperçu

[25]  Les défendeurs soutiennent que la Loi ne donne pas au commissaire le pouvoir d’ajouter une partie dans la demande si cette personne n’avait pas déjà été identifiée dans la plainte de représailles initiale. Ils affirment que le paragraphe 19.8(2) de la Loi, qui porte sur l’envoi d’avis à toute autre partie par l’enquêteur du Commissariat, ne s’applique pas dans la présente affaire. Les défendeurs donnent une interprétation étroite à cette disposition : selon eux, elle permet simplement à l’enquêteur d’aviser toute personne de l’objet de la plainte. De plus, les défendeurs affirment qu’aucune disposition légale ne permet au commissaire d’étendre la portée de son enquête au-delà de ce qui est décrit dans la plainte.

[26]  Le Tribunal n’est pas de cet avis. Ci-dessous, il analyse les arguments des défendeurs à la lumière a) des principes généraux d’interprétation, b) d’une interprétation détaillée de la partie de la Loi ayant trait aux plaintes de représailles, c) de la bonne interprétation de l’article 33 de la Loi en ce qui a trait au pouvoir du commissaire d’enquêter sur d’autres actes répréhensibles et d) de l’importance de veiller à ne pas rendre la Loi stérile en lui donnant une interprétation trop formaliste.

Principes généraux d’interprétation

[27]  Le Tribunal doit interpréter la Loi en tenant compte de son contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la Loi, l’objet de la Loi et l’intention du législateur (Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd., Markham, LexisNexis, 2008, aux pages 1, 257 à 259 et 264 à 269). L’objet de la Loi est l’établissement d’un processus de divulgation des actes répréhensibles dans le secteur public, y compris en protégeant les divulgateurs. Plusieurs mesures ont été mises en œuvre à cette fin. De plus, la Loi confère des pouvoirs et des obligations à divers organismes et institutions.

 

[28]  Le préambule de la Loi reconnaît l’importance de l’administration publique fédérale, la qualifiant d’« institution nationale essentielle au fonctionnement de la démocratie parlementaire canadienne ». Il prévoit aussi qu’il est dans l’intérêt public de maintenir et d’accroître la confiance du public dans l’intégrité des fonctionnaires. De plus, il précise que la confiance dans les institutions publiques peut être renforcée grâce à la création de mécanismes efficaces de divulgation des actes répréhensibles et de protection des fonctionnaires divulgateurs. Le préambule explique que la Loi vise à atteindre l’équilibre entre le devoir de loyauté qu’ont les fonctionnaires envers leur employeur et la liberté d’expression qui leur est garantie par la Charte canadienne des droits et libertés. De plus, il y est affirmé que le gouvernement du Canada s’engage à adopter une charte des valeurs du service public énonçant les valeurs pour guider les fonctionnaires dans leur conduite et leurs activités professionnelles.

[29]  Le Tribunal doit tenir compte de ce contexte pour analyser la Loi. À la lecture de la Loi dans son ensemble et de la partie de la Loi qui a trait aux plaintes en matière de représailles, il ne fait aucun doute que le législateur donne de l’importance au fond de la plainte initiale, et non aux personnes qui y ont été identifiées, ou pas, comme défendeurs potentiels. De plus, comme il est expliqué ci-dessous, les processus établis quant aux plaintes en matière de représailles démontrent que le législateur voulait s’assurer qu’il soit possible d’aviser les défendeurs potentiels, peu importe qu’ils aient été nommés dans la plainte ou non. L’exigence de donner un avis ne doit pas être considérée comme une simple formalité procédurale, mais plutôt comme une étape importante qui garantit un traitement équitable à toutes les personnes touchées par une enquête et, le cas échéant, par une demande présentée auprès du Tribunal. Au cours de l’enquête, des parties supplémentaires peuvent être identifiées – le législateur tenait à ce que les principes de justice naturelle soient respectés au fur et à mesure du déroulement de l’enquête.

Plaintes en matière de représailles

[30]  Le rôle du Tribunal consiste à décider si des représailles ont été exercées. Les dispositions de la Loi qui ont trait aux plaintes de représailles et aux demandes présentées au Tribunal après enquête sur ces plaintes se trouvent dans la partie intitulée « Plaintes en matière de représailles », qui va de l’article 19 à l’article 21.9 de la Loi. Cette partie de la Loi traite de plusieurs sujets différents :

  • a) « Plaintes » (articles 19.1 à 19.4);

  • b) « Sanctions disciplinaires » (articles 19.5 à 19.6);

  • c) « Enquêtes relatives aux plaintes » (articles 19.7 à 19.9);

  • d) « Conciliation » (articles 20 à 20.2);

  • e) « Décision suivant l’enquête » (articles 20.3 à 20.6);

  • f) « Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles » (articles 20.7 à 21.9).

[31]  Lorsque l’on examine les articles 19, 19.1, 19.3, 19.4, 19.8, 20.4, 20.6, 21.4 et 21.5, autant individuellement que collectivement, il ne fait aucun doute que le législateur avait l’intention de permettre au commissaire d’ajouter des parties, même si ces personnes n’avaient pas été identifiées dans la plainte initiale.

[32]  Article 19 – Interdiction : La première disposition de cette partie de la Loi interdit d’exercer des représailles contre un fonctionnaire. Cette disposition prévoit qu’il est interdit d’exercer des représailles contre un fonctionnaire, ou d’en ordonner l’exercice. Elle montre l’importance cruciale d’interdire l’exercice de représailles à l’encontre des fonctionnaires. Ce faisant, l’article 19 permet de comprendre que l’enquête sur les représailles doit porter sur l’objet ou le fond de la plainte, ce qui signifie que l’enquête peut mener à l’identification de toute personne qui a exercé des représailles.

[33]  Article 19.1 – Plainte : Suivant l’article 19.1, le fonctionnaire ou l’ancien fonctionnaire qui a des motifs raisonnables de croire qu’il a été victime de représailles peut déposer une plainte. Le libellé de cette disposition est assez général et n’exige aucunement que le fonctionnaire identifie la ou les personnes qui, à son avis, ont exercé les représailles. Manifestement, dans bien des cas, des personnes seront identifiées. Néanmoins, peu importe que ce soit le cas ou non, c’est le fond de la plainte qui est important. Dans le cadre établi par la Loi, il est possible que l’enquête permette d’identifier des personnes qui n’avaient pas été nommées dans la plainte de représailles initiale.

[34]  Article 19.3 – Irrecevabilité : Dans un même ordre d’idées, les motifs d’irrecevabilité prévus à l’article 19.3 n’incluent pas expressément le cas où le plaignant n’aurait pas identifié les bonnes personnes comme défendeurs à titre individuel. Les motifs prévus à cette disposition ont plutôt trait à la compétence du commissaire, aux plaintes vexatoires ou faites de mauvaise foi ainsi qu’au recours approprié pour trancher le fond de la plainte déposée par le plaignant. Les motifs d’irrecevabilité énumérés à l’article 19.3 portent principalement sur le fond de la plainte, c’est-à-dire de savoir : si l’objet de la plainte « aurait avantage » à être instruit dans le cadre d’une procédure prévue par toute autre loi fédérale ou toute convention collective (alinéa a)), si l’objet de la plainte a été instruit comme il se doit dans le cadre des recours visés par la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R 10 (alinéa b)), si la plainte déborde la compétence du commissaire (alinéa c)) et si la plainte n’est pas faite de bonne foi (alinéa d)).

[35]  Paragraphe 19.4(2) – Avis : L’article 19.4 de la Loi décrit l’obligation du commissaire d’envoyer des avis s’il décide que la plainte est recevable. Selon le paragraphe 19.4 (2) de la Loi, dans le cas où le commissaire décide que la plainte est recevable et où il y donne suite, le commissaire doit envoyer par écrit sa décision au plaignant et à la personne ou à l’entité qui a le pouvoir d’infliger les sanctions disciplinaires à chaque personne qui a participé à l’exercice des prétendues représailles faisant l’objet de la plainte. Cette disposition n’empêche aucunement le commissaire de déterminer l’identité des personnes qui, à son avis, ont participé à l’exercice de représailles. De même, lorsque le commissaire décide d’ajouter comme partie une personne ou une entité qui a le pouvoir d’infliger des sanctions disciplinaires, il n’est pas obligé de se demander si ces personnes avaient été identifiées dans la plainte initiale.

[36]  Paragraphes 19.8(1) – Avis à l’administrateur général; paragraphe 19.8(2) – Avis aux autres personnes : Suivant le paragraphe 19.8(1), lorsque le commissaire décide qu’il y a lieu de faire enquête, l’enquêteur doit informer l’administrateur général compétent de la tenue de l’enquête et lui faire connaître l’objet de la plainte. Le paragraphe 19.8(2) permet à l’enquêteur d’informer toute personne de la tenue de l’enquête et de l’objet de la plainte. L’enquêteur n’est pas limité en considérant la ou les personnes dont la conduite pourrait être mise en question par la plainte.

[37]  Il faut interpréter cette disposition en fonction de l’ensemble de la partie de la Loi qui a trait aux plaintes de représailles et, le Tribunal le répète, l’enquête porte sur le fond des allégations faites par le plaignant, peu importe que les personnes en cause aient été nommées ou non dans la plainte initiale. Par exemple, cette disposition peut aussi être interprétée à la lumière du préambule de la Loi, qui explique que la confiance dans les institutions publiques ne peut que profiter de « la création de mécanismes efficaces de divulgation des actes répréhensibles et de protection des fonctionnaires divulgateurs ».

[38]  La Loi reconnaît que l’exercice de représailles à la suite de la divulgation d’actes répréhensibles peut être insidieux. En permettant au commissaire d’identifier de nouvelles parties en cours d’enquête, la Loi veille à ce que la plainte ne soit pas assujettie à des obstacles et à des retards importants ou inutiles dans le cas où le plaignant n’a peut-être pas réussi à identifier la ou les personnes qui auraient prétendument exercé des représailles à la suite de la divulgation d’actes répréhensibles. De plus, l’envoi d’avis garantit que les parties jouissent de la protection des principes de justice naturelle – notamment le droit d’être entendu – le plus rapidement possible.

[39]  Le Tribunal admet l’argument soulevé par le commissaire à l’égard du paragraphe 19.8(2) de la Loi, à savoir que l’utilisation adéquate de ce pouvoir discrétionnaire pour ajouter toute autre personne à la demande répond au caractère [TRADUCTION] « fluide et évolutif de toute enquête ». Le commissaire est un agent indépendant du Parlement et la Loi lui confie d’importants mécanismes d’examen préalable : lorsque le commissaire prend des décisions en application de la Loi, il n’est pas obligé de s’en tenir strictement aux personnes que le plaignant avait identifié comme les auteurs des représailles – il doit plutôt se fonder sur l’intégrité des résultats de l’enquête menée sur le fond de la plainte. C’est en tenant compte de l’intégrité des résultats de l’enquête et en menant une enquête exhaustive que le commissaire peut prendre des décisions quant à l’opportunité d’ajouter des personnes comme défendeurs à titre individuel. Dans ce contexte, le Tribunal estime que le Commissariat doit utiliser son pouvoir d’enquête comme « maître de son propre processus » (voir la décision Gravelle c Canada (Procureur général), 2006 CF 251, au paragraphe 23).

[40]  Article 20.4 – Demande présentée au Tribunal : L’article 20.4 de la Loi permet au commissaire de présenter une demande au Tribunal s’il est d’avis que cela est justifié. Il est important de souligner que les facteurs dont le commissaire doit tenir compte pour prendre cette décision n’incluent pas la question de savoir si des représailles ont été exercées à l’encontre du plaignant par les personnes que ce dernier a identifiées. En fait, l’alinéa 20.4(3)a) prévoit que le commissaire doit se demander s’« il y a des motifs raisonnables de croire que des représailles ont été exercées à l’égard du plaignant ».

[41]  Parmi les autres facteurs dont le commissaire doit tenir compte pour prendre sa décision, il doit se demander si l’enquête relative à la plainte ne pourrait être terminée faute de collaboration d’un administrateur général ou de fonctionnaires (alinéa 20.4(3)b)), si les motifs déjà mentionnés pour refuser de recevoir la plainte s’appliquent (article 19.3 et alinéa 20.4(3)c)) et s’il est dans l’intérêt public de présenter une demande au Tribunal compte tenu des circonstances relatives à la plainte.

[42]  Article 20.6 – Avis : Lorsqu’une demande est présentée au Tribunal, d’autres obligations de donner des avis s’appliquent. Suivant l’article 20.6, si le commissaire croit qu’il est justifié de présenter une demande, il doit aviser plusieurs personnes. Là encore, le pouvoir discrétionnaire du commissaire ne découle pas de la plainte, mais bien de l’enquête menée par le Commissariat. Le pouvoir discrétionnaire du commissaire d’ajouter des personnes, même celles qui n’avaient pas été identifiées dans la plainte, n’est pas limité. D’ailleurs, l’alinéa 20.6d) de la Loi précise que le commissaire doit aviser la personne ou les personnes identifiées dans le rapport d’enquête comme étant celles qui auraient exercé les représailles.

[43]  De plus, comme il a été expliqué ci-dessus au sujet des autres dispositions en matière d’avis qui figurent dans cette partie de la Loi, cette disposition garantit que les principes de justice naturelle sont respectés pendant l’enquête. De manière semblable au paragraphe 19.8(2), l’article 20.6 fait en sorte que les principes d’équité sont intégrés aux processus et procédures qui visent à empêcher les actes répréhensibles et à protéger les fonctionnaires divulgateurs des représailles. Cela consiste notamment à veiller à ce que les personnes identifiées aient le droit de recevoir un avis, le droit de connaître les allégations dont elles font l’objet et le droit d’être entendues lors de l’instance du Tribunal.

[44]  Paragraphe 21.4(5); article 21.5 – Adjonction d’une partie (pendant l’instance du Tribunal) : Le paragraphe 21.4(3) a été analysé de manière détaillée dans la décision El-Helou no 2. Cette disposition permet au Tribunal de mettre en cause les personnes qui, à son avis, ont exercé des représailles. Même s’il est saisi d’une demande où aucun défendeur à titre individuel n’a été identifié, le Tribunal peut quand même mettre en cause une personne qui a été identifiée comme étant une personne qui aurait exercé des représailles. Dans la décision El-Helou no 2, le Tribunal a conclu que ce pouvoir s’applique également aux cas où des défendeurs à titre individuel ont été nommés, mais où d’autres parties ont aussi été identifiées (voir les paragraphes 49 à 52 de la décision El-Helou no 2). Comme il est mentionné dans la décision El-Helou no 2 (au paragraphe 47), il est évident que le pouvoir de mettre en cause une personne doit être exercé le plus tôt possible. Encore une fois, l’obligation d’aviser les parties et d’ajouter une partie n’est pas une simple formalité procédurale : il s’agit de garantir le respect des principes de justice naturelle, comme il a été expliqué ci-dessus au sujet des articles 19.4 et 20.6.

Article 33 et le pouvoir de faire enquête sur d’autres actes répréhensibles

[45]  Les défendeurs ont fait référence à l’article 33 de la Loi et au pouvoir qu’a le commissaire, de son propre chef, de faire enquête sur d’autres actes répréhensibles. Ils soulignent que l’article 33 donne seulement le pouvoir d’enquêter sur les divulgations d’actes répréhensibles, et non sur les plaintes de représailles, comme c’est le cas en l’espèce. Le Tribunal ne soutient pas l’argument des défendeurs selon lequel l’article 33 a une incidence sur le pouvoir du commissaire d’ajouter des défendeurs à titre individuel au cours d’une enquête portant sur une plainte de représailles. Le fait que le commissaire ne puisse pas lancer de son propre chef une enquête sur l’exercice de représailles, mais qu’il puisse le faire à l’égard d’actes répréhensibles ne modifie en rien son pouvoir d’ajouter des défendeurs supplémentaires dans la demande présentée au Tribunal. Cela n’est pas du tout pertinent à l’égard de la requête en cause.

[46]  Le Tribunal conclut que la distinction que les défendeurs cherchent à établir est artificielle, car leur comparaison porte essentiellement sur deux processus distincts. La note marginale de l’article 33 de la Loi est clairement intitulée « Enquête sur un autre acte répréhensible ». Cette disposition ne traite aucunement des plaintes de représailles ou du pouvoir d’ajouter d’autres parties. L’article 33 porte seulement sur le pouvoir de faire enquête sur d’autres actes répréhensibles quand des renseignements sont communiqués au commissaire par une personne n’étant pas fonctionnaire ou quand des renseignements sont découverts pendant l’enquête. Cette disposition permet au commissaire de lancer une enquête s’il est d’avis, sur le fondement de motifs raisonnables, que l’intérêt public le commande. L’article 33 répond aux divulgations supplémentaires d’actes répréhensibles, sur le fond, et non à la question de savoir si d’autres personnes devraient être ajoutées comme parties parce qu’elles avaient peut-être exercé des représailles. Comme l’a souligné le commissaire dans sa réponse, pour ce qui est de l’argument des défendeurs à ce sujet, lorsqu’il y a enquête sur une plainte de représailles, le fond de la plainte n’est pas modifié même si d’autres parties sont identifiées pendant l’enquête menée par le commissaire.

Éviter de rendre la Loi stérile à cause d’une interprétation trop formaliste

[47]  Par ailleurs, le Tribunal ne peut admettre l’argument des défendeurs selon lequel il n’existe aucun pouvoir inhérent d’ajouter des parties. D’abord, le Tribunal conclut que la Loi confère clairement ce pouvoir au commissaire. En outre, plusieurs décisions judiciaires ont reconnu que, malgré le principe général voulant que les tribunaux administratifs soient créés par la loi et n’aient pas les pouvoirs inhérents des cours, ils peuvent néanmoins avoir des pouvoirs qui ne sont pas énoncés expressément, mais qui découlent implicitement de leur loi habilitante.

[48]  Dans l’arrêt Bell Canada c Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1989] 1 R.C.S. 1722 (l’arrêt Bell Canada), la Cour suprême du Canada a reconnu que les pouvoirs de tout tribunal administratif doivent être énoncés dans sa loi habilitante et que les tribunaux doivent s’abstenir de trop élargir ces pouvoirs. Toutefois, la Cour suprême a aussi affirmé que les tribunaux doivent éviter de rendre ces pouvoirs stériles « en interprétant les lois habilitantes de façon trop formaliste » (page 36). Comme il a été souligné dans l’arrêt Bell Canada, ces pouvoirs peuvent également découler implicitement du texte de la loi habilitante, de son économie et de son objet. Ainsi, la Cour suprême a fait la mise en garde suivante : il faut éviter de donner aux dispositions de la loi habilitante d’un tribunal administratif une interprétation qui rendrait les pouvoirs de ce dernier illusoires.

[49]  Pour l’application de ce principe à la présente affaire, il est important de noter que les procédures établies pour protéger les fonctionnaires de représailles ne sont pas identiques à celles qui sont utilisées dans les procès civils traditionnels ou dans les affaires traditionnelles en matière de relations du travail. Une interprétation trop formaliste de la Loi rendrait ses effets stériles. Les étapes et les démarches qui composent le processus de protection contre les représailles ont été analysées en détail dans les décisions El-Helou no 1 et El-Helou no 2 relativement aux questions de compétence et des mécanismes procéduraux classiques qui permettent d’écourter une instance. L’objet de la Loi, ses incidences sur les étapes et les démarches de ce processus ainsi que le rôle du commissaire et celui du Tribunal ont tous une importance prépondérante dans l’interprétation des pouvoirs découlant de la Loi.

[50]  Même lorsqu’un plaignant est capable d’identifier la nature des représailles dont il a été victime – ce qu’il doit d’ailleurs faire pour déposer une plainte auprès du Commissariat –, il peut être difficile, sinon impossible pour le plaignant d’identifier les personnes qui ont exercé ces représailles. Ainsi, avant qu’une demande soit présentée au Tribunal, il faut qu’une enquête poussée et indépendante soit menée, car c’est cela qui permet d’identifier les personnes qui auraient exercé des représailles. Lorsque le commissaire a conclu qu’il est justifié de présenter une demande au Tribunal, c’est ce dernier qui est chargé de décider, au moyen de ses pleins pouvoirs d’enquête, si des défendeurs à titre individuel ont exercé des représailles.

L’ENQUÊTE ET LES PRINCIPES DE JUSTICE NATURELLE

[51]  Subsidiairement, les défendeurs soutiennent que les principes de justice naturelle ont été violés pendant l’enquête. Ils allèguent que l’absence d’un avocat constitue une erreur fatale eu égard à la demande en cause. Les défendeurs se fondent sur le paragraphe 65 de la décision Parrish (Re), [1993] 2 CF 60, et sur le paragraphe 23 de l’arrêt Cardinal c Directeur de l’Établissement Kent, [1985] 2 RCS 643, pour affirmer que le fait que M. Power n’était pas accompagné d’un avocat dès le début de l’enquête représente une erreur fatale pour la partie de la demande qui a trait à M. Power.

[52]  Les défendeurs soutiennent aussi que la décision d’ajouter M. Power comme partie était fondée, à tort, sur la conduite de ce dernier pendant des négociations de règlement confidentielles. Plus précisément, ils affirment que les discussions auxquelles M. Power avait pris part pendant l’enquête faisaient l’objet d’un privilège. Selon eux, pendant l’enquête menée par le Commissariat au sujet de la plainte, le plaignant a allégué que M. Power avait cherché à lui faire signer un aveu de culpabilité en laissant entendre que, si le plaignant refusait, il ne recevrait pas de bonnes références. Les défendeurs affirment que, même si le plaignant pouvait obtenir des références favorables d’un autre cadre du SATJ – ce qu’il a d’ailleurs fait –, le Commissariat a estimé que cela démontrait que des représailles supplémentaires avaient été exercées à l’encontre du plaignant et il s’est fondé sur cet élément pour ajouter M. Power comme défendeur à titre individuel.

[53]  Pour ce qui est du premier argument, qui a trait à la présence d’un avocat, le commissaire affirme que le défendeur a reçu un préavis suffisant, en application du paragraphe 19.8(2) de la Loi, et que le défendeur avait le droit de présenter une défense pleine et entière à l’égard de la plainte. Le commissaire soutient que l’importance du droit à un avocat doit être évaluée en fonction de l’étape du processus qui est en cause, et que ce droit est moins fort dans les processus d’enquête que dans les processus décisionnels. Il invoque les facteurs relatifs aux principes d’équité procédurale qui ont été abordés dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, pour soutenir que le processus en cause était équitable. Le Commissaire se fonde sur la décision Gravelle pour affirmer qu’une décision par laquelle il rejette une plainte doit faire l’objet d’un examen plus attentif que la décision par laquelle il renvoie une affaire au Tribunal. Il soutient aussi que les principes de justice fondamentale n’obligeaient pas expressément l’enquêteure à informer M. Power qu’il avait droit à un avocat. En outre, le 17 août 2009, quand Mme Scichilone a dit à M. Power qu’il pourrait être accompagné de la personne de son choix, il était raisonnable qu’elle présume qu’il pourrait être accompagné par un avocat.

[54]  Le commissaire s’oppose à l’argument de privilège des négociations de règlement et constate que les affidavits faits par les deux enquêteures montrent clairement que la question des négociations de règlement entre le SATJ et le plaignant n’était pas considérée comme pertinente à l’égard du rôle de M. Power.

[55]  Le plaignant soutient que rien ne permet de conclure que le défendeur avait demandé d’être représenté. Il souligne que M. Power est lui-même avocat et qu’il connaissait ses droits. Enfin, il avance que les principes de justice naturelle auraient été violés si M. Power n’avait pas été ajouté comme partie. Pour ce qui est de la question de privilège découlant d’un règlement, le plaignant affirme qu’aucun élément de preuve ne permet de croire que ces discussions faisaient l’objet d’un privilège ou que le commissaire ait agi irrégulièrement. Il ajoute que le défendeur a désormais renoncé lui-même au privilège des renseignements en question.

[56]  Le Tribunal n’est pas prêt à conclure que M. Power devrait être mis hors de cause de la demande au motif que les principes de justice naturelle auraient été violés lors de l’enquête. Premièrement, comme il a été mentionné au début de la présente analyse, le nom de M. Power a été ajouté à la demande, et c’est la demande qui définit la compétence du Tribunal.

[57]  Pour ce qui est de l’instance du Tribunal, c’est la demande qui constitue l’acte introductif d’instance. Les parties peuvent contester la demande en présentant un exposé des précisions. M. Power n’a pas été privé de son droit d’être entendu ou de présenter des représentations au Tribunal. Lors de l’audience du Tribunal, chaque partie a le droit d’être entendue, de présenter des éléments de preuve et d’attaquer les arguments des autres parties. Le Tribunal peut décider de la valeur probante des éléments de preuve documentaires (si les documents en question sont  admis en preuve) et des témoignages faits à l’audience.

[58]  Deuxièmement, les arguments soulevés par les défendeurs au sujet des principes de justice naturelle constituent à la fois des questions de fait et des questions de droit. Puisque l’affaire n’a pas encore fait l’objet d’une audience, il est trop tôt pour trancher ces questions. L’allégation faite à l’encontre de M. Power n’a pas encore été prouvée. Compte tenu de la nature de l’instance dont il est saisi, le Tribunal est d’avis que, à première vue, aucun élément de la demande ou des documents qui ont été déposés auprès du Tribunal ne permet de conclure que M. Power devrait être mis hors de cause à l’heure actuelle.

[59]  Il est utile d’expliquer plus en détail les étapes de l’instance dont le Tribunal est saisi lorsqu’une demande lui est présentée. Ces étapes ont été décrites dans la décision El-Helou no 2. La première étape est la réception par le Tribunal de la demande. La compétence du Tribunal est déterminée par la portée de la demande, qui peut reprendre une partie ou la totalité des allégations faites dans la plainte. Si le commissaire a identifié des défendeurs à titre individuel, ces personnes sont aussi parties à l’instance (voir les paragraphes 34 à 36 de la décision El Helou no 2 ainsi que la décision El-Helou no 1).

[60]  Pour cette première étape, les exposés des précisions et la demande ne prouvent pas le bien-fondé des allégations faites par le commissaire. De plus, bien que les Règles exigent que les parties déposent une liste des documents sur lesquels elles se fondent, de même que les documents eux-mêmes, ces documents ne font pas encore partie du dossier de l’instance. Aucun document déposé auprès du Tribunal ne constitue un élément de preuve avant d’avoir été admis en preuve.

[61]  La deuxième étape de l’instance du Tribunal est l’audience, où sont présentés les éléments de preuve et les plaidoiries. C’est le commissaire qui lance le second volet. Comme toute partie, le commissaire doit établir le bien-fondé de sa position. À cet égard, il faut souligner que les règles de la preuve s’appliquent et que le commissaire ne peut se contenter de déposer son rapport et ses documents sans établir leur véracité. De même, les autres parties doivent aussi présenter des éléments de preuve et des arguments pour établir le bien-fondé de leur position (voir les paragraphes 36 à 38 de la décision El-Helou no 2).

[62]  À la troisième étape, le Tribunal décide si des représailles ont été exercées à la suite d’une divulgation d’actes répréhensibles. Finalement, lors des quatrième et cinquième étapes, le Tribunal se prononce respectivement sur les mesures de réparation et sur les sanctions disciplinaires appropriées (voir les paragraphes 39 à 46 de la décision El-Helou no 2). Ainsi, la troisième étape (et les quatrième et cinquième étapes, le cas échéant) a lieu après la présentation de la preuve, ce qui permet de tirer profit de la tenue d’une audience – cela implique le droit d’interroger et de contre-interroger les témoins ainsi que l’occasion de soupeser les éléments de preuve quant à leur valeur probante, à leur pertinence et à leur recevabilité.

[63]  Pour revenir à la requête en cause, il ne fait aucun doute que les parties en sont encore à la première étape de l’instance. Comme la communication des exposés des précisions n’est pas terminée, le processus d’enquête préalable prévu aux Règles n’a pas encore eu lieu. L’audience n’a pas encore été tenue. Dans leur réplique, les défendeurs à titre individuel ont invoqué l’arrêt Harelkin c Université de Regina, [1979] 2 RCS 561, qui porte sur une affaire où une partie n’avait pas eu l’occasion d’être entendue du tout et où une décision avait été prise en son absence. Tel n’est pas le cas en l’espèce. Dans la présente affaire, aucun élément de preuve ne démontre, à première vue, que le processus établi pour l’instance du Tribunal entraînera une violation du droit à une audience équitable. M. Power a absolument le droit d’être entendu en tant que partie à l’instance devant le Tribunal.

[64]  Le Tribunal n’est pas prêt à décider, sur la seule foi de la preuve par affidavit qui lui a été présentée, que le processus ayant mené à la présentation de la demande était entaché de nullité. Les parties, y compris M. Power, pourront se prononcer sur cette allégation – qui reste à prouver – devant le Tribunal. De plus, les arguments des défendeurs quant à la violation des principes de justice naturelle font intervenir des questions de droit et des questions de fait, et il leur faudra en établir le bien fondé.

REMARQUES SUR LE RECOURS APPROPRIÉ POUR CONTESTER LA DEMANDE DU COMMISSAIRE

[65]  À titre de remarque incidente, le Tribunal rappelle à toutes les parties qu’il ne tire pas sa compétence de la plainte. L’acte introductif d’instance qui permet au Tribunal de se saisir d’une affaire est la demande. Dans la décision El-Helou no 1, c’est justement pour cette raison que le Tribunal a rejeté la requête du plaignant et décidé qu’il peut seulement se pencher sur l’unique allégation dont fait état la demande que le commissaire lui a présentée, et ce, même si la plainte initiale renfermait d’autres allégations. Autrement dit, le Tribunal n’a pas le rôle de décider si la demande du commissaire est erronée ou si le commissaire aurait dû inclure ou exclure certains éléments. Comme le Tribunal l’a expliqué dans la décision El-Helou no 1 (au paragraphe 79), les décisions définitives du commissaire (qui peuvent donner lieu ou non à une demande) doivent être contestées devant la Cour fédérale :

Les décisions prises dans ces quatre étapes ont trait à l’examen préalable d’une plainte qui pourrait ou non être présentée au Tribunal par le commissaire par voie de demande. Ces décisions reflètent le rôle que joue le commissaire en tant que « gardien » de l’accès au Tribunal au titre de la Loi. Ce rôle est important. Les décisions cernées dans ces quatre étapes ont un caractère définitif. Rien dans la Loi n’autorise le réexamen des décisions prises dans le cadre de l’examen préalable. Le Tribunal n’a pas non plus le pouvoir de les réexaminer. La seule façon de contester les décisions du commissaire est par voie de demande de contrôle judiciaire en Cour fédérale.

[66]  Le Tribunal n’a pas le pouvoir de procéder au contrôle judiciaire des décisions du commissaire quant à ce que devrait contenir ou non une demande. Comme il est expliqué ci‑dessous, ce pouvoir revient à la Cour fédérale. Suivant le paragraphe 20.4(1) de la Loi, le commissaire peut présenter une demande au Tribunal s’il est d’avis que cela est justifié. Comme il est précisé dans les décisions El-Helou no 1 et El-Helou no 2, lorsque le commissaire a décidé qu’il est justifié de présenter une demande au Tribunal, il doit prendre plusieurs autres décisions quant à la portée de la demande. De plus, cela ressort clairement de l’article 20.4 de la Loi.

[67]  Pour la demande en cause, les décisions du commissaire ont trait à deux questions qui sont aussi au coeur de la requête de M. Power. Lorsque le commissaire estime qu’il est justifié de présenter une demande au Tribunal, il doit prendre une décision importante : à savoir si les seules parties à la demande seront le plaignant et l’employeur, où si des défendeurs à titre individuel doivent être ajoutés à la demande (alinéa 20.4(1)b) de la Loi). En l’espèce, le commissaire a conclu que la demande devait inclure l’employeur ainsi que deux défendeurs à titre individuel, l’un de ces derniers étant M. Power.

[68]  Une autre des décisions que le commissaire doit prendre, elle aussi pertinente dans le contexte de la requête en cause, est de savoir si la demande devrait porter à la fois sur les mesures de réparations à prendre à l’égard du plaignant et sur les sanctions disciplinaires à prendre à l’encontre de la personne qui avait exercé les représailles (alinéa 20.4(1)b)) de la Loi). En l’espèce, le commissaire a choisi, dans sa demande, de demander au Tribunal, s’il concluait que des représailles ont été exercées, de décider s’il est approprié de prendre des sanctions disciplinaires à l’égard des personnes qui auraient exercé les représailles.

[69]  Les décisions du commissaire à cet égard sont définitives. La seule façon de contester les décisions du commissaire quant à la teneur de la demande est par voie de demande de contrôle judiciaire en Cour fédérale. Les motifs de recours prévus au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C., 1985, ch. F-7, incluent des motifs qui sont pertinents à l’égard de la requête des défendeurs, à savoir le dépassement de compétence et la violation des principes de justice naturelle. Cette disposition prévoit que la Cour fédérale peut accorder une réparation si elle est convaincue que l’office fédéral en cause a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer (alinéa 18.1(4)a)); n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter (alinéa 18.1(4)b)); a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier (alinéa 18.1(4)c)); a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose (alinéa 18.1(4)d)); a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages (alinéa 18.1(4)e)); ou a agi de toute autre façon contraire à la loi (alinéa 18.1(4)f)).

[70]  Suivant le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par quiconque est directement touché par l’objet de la demande. La Loi ne précise pas si un défendeur à titre individuel est directement touché par la décision du commissaire de l’ajouter comme partie. Par exemple, les défendeurs à titre individuel ne sont pas mentionnés dans la disposition déterminative qui se trouve à l’alinéa 51.2(1)b) de la Loi. Selon cet alinéa, pour l’application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, le fonctionnaire qui a déposé une plainte de représailles est réputé être directement touché par la décision du commissaire rejetant la plainte ou portant que celle-ci est irrecevable. Cependant, il ne fait aucun doute que M. Power est nommé comme partie et qu’il a aussi été identifié comme une personne à l’encontre de qui des sanctions disciplinaires pourraient être prises si le Tribunal concluait que des représailles avaient été exercées. M. Power est sans doute une personne « directement touchée » par la décision d’ajouter son nom à la demande. Par conséquent, en l’espèce, le recours approprié est probablement la présentation d’une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale.

[71]  Les remarques du Tribunal quant au recours approprié sont étayées par les similitudes structurelles qui existent entre la Loi et la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C., 1985, ch. H-6. Le plaignant a cité plusieurs décisions à l’appui de l’argument selon lequel le Tribunal n’a pas le pouvoir de contrôler la décision du commissaire. C’est plutôt à la Cour fédérale que revient le pouvoir de contrôler les décisions du commissaire (voir les décisions Anderson c Canada (Gendarmerie royale), 2003 TCDP 42, au paragraphe 8; International Longshore & Warehouse Union (Section maritime), section locale 400 c Oster, 2001 CFPI 1115, aux paragraphes 29 et 30; et l’arrêt Cooper c Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 RCS 854, aux paragraphes 48 à 51).

CONCLUSION

[72]  En résumé, le Tribunal conclut que, en ce qui a trait à l’allégation soulevée dans la demande – dont le bien-fondé devra être établi par la présentation d’éléments de preuve lors de l’instance du Tribunal –, rien ne démontre à première vue que le nom de M. Power devrait être radié de la demande à l’heure actuelle. La Loi confère clairement au commissaire le pouvoir d’ajouter des parties, même lorsque ces personnes n’avaient pas été identifiées dans la plainte initiale qui avait été déposée auprès du Commissariat. De plus, le Tribunal conclut que, à l’heure actuelle, il n’y a pas la moindre raison de radier le nom de M. Power parce que le processus lui même aurait violé les principes de justice naturelle. Le Tribunal conclut également qu’il est trop tôt pour trancher la question de la représentation par avocat et d’un privilège découlant d’un règlement, qui a été soulevée par le défendeur. Ces questions reposent sur des faits qui n’ont pas encore été prouvés. En outre, l’allégation qui est en cause à l’égard du défendeur à titre individuel n’a pas été prouvée. Dans la présente décision visant la requête, le Tribunal a de nouveau rappelé aux parties que l’acte introductif d’instance qui lui permet de se saisir d’une affaire est la demande, et non la plainte, et que le Tribunal n’a pas le rôle de faire le contrôle judiciaire des décisions prises par le commissaire quant à la teneur de la demande. Le Tribunal a aussi fait remarquer que, si une partie est insatisfaite des décisions du commissaire quant à la teneur de la demande, le recours approprié consiste à demander à la Cour fédérale de faire le contrôle judiciaire de ces décisions.

Pour tous ces motifs, la requête est rejetée.

Le 25 novembre 2011

« Luc Martineau

Membre

Traduction certifiée conforme

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B., M.A. Trad. jur.


 

TRIBUNAL DE LA PROTECTION DES FONCTIONNAIRES DIVULGATEURS D’ACTES RÉPRÉHENSIBLES

PARTIES INSCRITES AU DOSSIER

NUMÉRO DE DOSSIER :

2011 TPFD 3

DOSSIER DU TRIBUNAL :

2011-TPFD-01

INTITULÉ :

Charbel El-Helou c. Service administratif des tribunaux judiciaires et David Power et Éric Delage

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL :

Le 25 novembre 2017

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa, Ontario

DÉCISION RENDUE SUR LE FONDEMENT DES OBSERVATIONS ÉCRITES ET DU DOSSIER DÉPOSÉS

COMPARUTIONS :

Me Brian Radford

Avocat principal

Commissariat à l’intégrité du secteur public

du Canada

 

Pour le commissaire

Me David Yazbeck

Raven, Cameron, Ballantyne et Yazbeck LLP/s.r.l.

Pour le plaignant

Me Ronald Caza

Heenan Blaikie

LLP/s.r.l.

Pour l’employeur

Me Stephen Bird

Bird Richard

LLP/s.r.l.

Pour les défendeurs à titre individuel

 

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