Décisions

Informations sur la décision

Résumé :

Il s’agit d’une demande au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (le Tribunal) pour déterminer si deux mesures de représailles alléguées ont été commises à l’encontre de la plaignante, telles que définies dans la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs (Loi). Le cas échéant, on demande aussi au Tribunal d’ordonner la prise de mesures de réparation en faveur de la plaignante, et la prise de sanctions disciplinaires à l’encontre de la personne qui aurait exercé les représailles (l’intimé).

Pour réussir sa démarche, le commissaire doit démontrer, en se basant sur le principe de la prépondérance des probabilités, les trois éléments constitutifs des représailles qui sont, selon la Loi : premièrement, le plaignant doit avoir fait une divulgation protégée; deuxièmement, le plaignant doit avoir souffert d’une des mesures de représailles telle que définie dans la loi, et finalement; la preuve doit démontrer un lien (nexus) entre la divulgation protégée et les représailles. En élaborant sur les critères juridiques applicables, le Tribunal a déterminé qu’un lien entre la divulgation protégée et les représailles est existant pourvu que ce lien soit présent, en tout ou en partie, relativement aux agissements de l’intimé.

Le Tribunal a aussi déterminé le critère juridique applicable à prise de sanctions disciplinaires. Celui-ci a déterminé qu’une preuve d’intention est requise pour établir les motifs d’une prise de mesures disciplinaires contre l’intimé.

Le Tribunal a déterminé qu’aucune représailles n’a été prise contre la plaignante par l’intimé (sa gestionnaire) lorsque l’intimé fut informée des absences au travail de la demanderesse, et qu’aucune mesures ne furent prises pour porter atteinte de façon négative à l’emploi ou aux conditions de travail de la plaignante. Il n’y a pas eu d’impact négatif sur la plaignante et les mesures de surveillance ne rencontrent pas la définition de représailles selon la Loi. Le Tribunal a aussi conclu que même si la plaignante avait subi un préjudice quant à son emploi ou à ses conditions de travail relativement à la surveillance de ses absences, l’intimé n’avait aucune intention de prendre des représailles à son encontre, et par conséquent, il n’y a pas de justification pour appliquer la prise de mesures disciplinaires contre l’intimé eut égard à cette allégation.

En ce qui a trait à la deuxième allégation, le tribunal a conclu de manière similaire qu’il n’y avait pas eu de représailles, tel que défini par la Loi, à l’encontre de la plaignante en la séparant de ses collègues de travail ou qu’en se faisant, la plaignante ait subi une mesure qui ait porté préjudice à son emploi ou à ses conditions de travail. Comme ce fut le cas avec la première allégation, même si la plaignante avait subi un préjudice relativement à son emploi ou à ses conditions de travail en étant séparée de ses collègues de travail, l’intimé n’avait en aucun temps l’intention de prendre des représailles à son encontre. Ainsi, aucun fondement ne supporte une conclusion à l’effet que des mesures disciplinaires devraient être prise contre l’intimé.

Finalement, même en adoptant le raisonnement de la plaignante sur l’importance de la preuve contextuelle, le Tribunal a considéré et rejeté tout argument quant à quelques formes de représailles additionnelles que ce soit.

Il en résulte de l’analyse du Tribunal que l’intimé n’a jamais pris de représailles contre la plaignante telle que défini par la Loi et qu’il n’existe pas de divulgation protégée qui puisse former un nexus avec une allégation de représailles, même si celles-ci avaient été établis. Enfin, en aucun temps l’intimé n’a pris de représailles étant donné qu’aucune de ses actions n’en portait l’intention.

Contenu de la décision

Tribunal de la protection
des fonctionnaires
divulgateurs du Canada

Logo de TPFD / PSDPT Logo

Public Servants

Disclosure Protection

Tribunal Canada

Référence: Dunn c. Affaires autochtones et du nord Canada et Lecompte, 2017 TPFD 3

Dossier : T-2016-01

Rendue à : Ottawa (Ontario)

Le 3 octobre 2017

Affaire concernant une demande du commissaire à l’intégrité du secteur public présentée au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs Canada

ENTRE:

CHANTAL DUNN

Plaignante

-et-

COMMISSARIAT À L’INTÉGRITÉ DU SECTEUR PUBLIC DU CANADA

Commissaire

et

AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU NORD CANADA ET SYLVIE LECOMPTE

Intimés

DÉCISION SUR LE FOND

TABLE DES MATIÈRES

I. Introduction  5

II. Témoins  6

III. Contexte factuel  10

IV. Contexte législatif  22

V. Questions en litige  24

VI. Analyse  26

A. La structure en trois étapes de l’analyse du Tribunal  26

B. Les éléments constitutifs des représailles  31

(1) Divulgation protégée d’actes répréhensibles  32

(a) Divulgation du 18 janvier 2011  36

(b) Les divulgations faites en 2010  39

(2) La plaignante doit avoir été victime de l’une des mesures énumérées dans la définition de « représailles » dans la Loi. 40

(3) Questions relatives au lien  41

(a) Le lien entre les divulgations protégées faites en 2010 et les mesures de représailles alléguées  41

(b) Une intention est requise pour justifier une ordonnance de sanction disciplinaire à l’endroit de Mme Lecompte  47

(i) Explication de l’intention  47

(ii) Observations des parties  48

(iii) Inutilité de la jurisprudence en matière des droits de la personne pour l’interprétation de la notion de représailles au sens de la Loi  50

(iv) Analyse textuelle et contextuelle  56

(v) Conclusion  62

(c) Suffisance du lien de causalité  63

C. Mme Lecompte a-t-elle exercé des représailles contre Mme Dunn?  64

(1) Introduction  64

(2) Feuille de route de l’analyse  69

(3) Questions liées à la crédibilité ou à la fiabilité des témoins  71

(a) Animosité de M. Egglefield envers Mme Lecompte  71

(b) Fiabilité des notes de M. Egglefield  76

(c) Conclusion sur la fiabilité de M. Egglefield  78

(d) Témoignage de Mme Nadon  78

D. Allégation de surveillance  85

[TRADUCTION]  86

(1) Mme Lecompte a reçu pour mandat de régulariser les absences du travail et elle voulait s’assurer que les congés et les arrivées tardives de Mme Dunn soient enregistrés dans le système PeopleSoft parce qu’ils étaient considérablement plus nombreux que ceux de tout autre employé de la DGSEE.  86

[TRADUCTION]  88

(2) Lors de la réunion du 12 septembre 2011, M. Egglefield a reçu la directive d’assumer les responsabilités de Mme Lecompte et de gérer adéquatement les congés et les arrivées tardives de Mme Dunn, comme pour les autres employés, car elle ne pouvait plus s’occuper du cas de Mme Dunn en raison de la plainte de représailles. Il a également été chargé de veiller à ce que ces congés soient enregistrés dans le système PeopleSoft.  88

(3) Aucune preuve n’indique que M. Egglefield a signalé les congés et arrivées tardives de Mme Dunn à Mme Lecompte. 94

(a) Le fait que Mme Dunn devait envoyer une copie de ses demandes de congé à Mme Lecompte conformément à la directive de M. Egglefield ne constitue pas une preuve de représailles  96

(b) M. Egglefield a manqué à son obligation de loyauté envers Mme Lecompte en informant Mme Dunn qu’on lui avait demandé de signaler ses absences directement à Mme Lecompte, mais pas celles des autres employés, et en lui recommandant de consigner ces commentaires sans d’abord soulever la question auprès de Mme Lecompte  99

(i) Le 6 juillet 2012, Mme Lecompte a rappelé à M. Egglefield qu’il devait veiller à ce que les absences de Mme Dunn soient consignées.  99

(ii) M. Egglefield a abusivement informé Mme Dunn qu’elle était la seule à faire l’objet d’une surveillance par Mme Lecompte et qu’elle devrait tenir un dossier de leurs discussions.  102

(4) Conclusion : Mme Lecompte n’a pas exercé de représailles en ce qui concerne la question de surveillance. 109

E. Allégation d’isolement  110

(1) Preuve de M. Egglefield démontrant que sa loyauté a été remise en question parce qu’il a pris des pauses cigarette avec Mme Dunn  111

(a) 17 novembre 2011 – Mme Dunn a pris une pause cigarette avec M. Egglefield immédiatement après son affectation à Ottawa  111

(b) Les réunions du 18 novembre 2011 entre Mme Lecompte et M. Egglefield  114

(i) Première réunion du 18 novembre : M. Egglefield est réprimandé pour avoir pris l’initiative de modifier un gabarit. 114

(I) Analyse  117

(ii) Deuxième réunion du 18 novembre : La loyauté de M. Egglefield est remise en question  119

(II) La preuve  119

(III) Analyse  125

1. Mme Lecompte suivait les instructions de Mme Scotton, mais a fait mention des plaintes de représailles  126

2. Justification par le « contexte » de la restriction des pauses cigarette de Mme Dunn alors qu’elle était en affectation et mention des plaintes de représailles  127

3. Mme Lecompte a indiqué M. Egglefield d’oublier ses préoccupations concernant ses pauses cigarette avec Mme Dunn, et lui a dit de simplement réduire leur fréquence.  131

(c) Réunion du 22 novembre : Remise en question de la loyauté de M. Egglefield  133

(i) La preuve  133

(ii) Analyse  135

(I) Motifs 1 et 2 : Le congé de maladie prolongé à sa première journée de travail et sa candidature pour un poste à l’extérieur de la Direction générale sont liés à son engagement et non à sa loyauté  135

(II) Motif 3 : M. Egglefield considérait Mme Scotton comme étant la source de la remise en question de sa fiabilité, et non Mme Lecompte  136

(III) Motif 4 : Enquête visant à déterminer si M. Egglefield a été interrogé par le Commissariat  142

(IV) Mme Lecompte ne s’est jamais excusée, mais a souligné qu’elle même se sentait en danger et était incapable de faire confiance à quiconque  144

(d) M. Egglefield révèle à Mme Dunn que sa loyauté a été remise en question parce qu’il a pris des pauses cigarette avec elle  146

(i) La preuve  146

(I) Première version  146

(II) Deuxième version  148

(III) Version définitive  149

(IV) Analyse  150

(e) Conclusions sur l’allégation d’isolement en lien avec la remise en question de la loyauté de M. Egglefield  151

(i) Aucune mesure de représailles n’a été prise à l’encontre de Mme Dunn relativement à la remise en question de la loyauté de M. Egglefield en lien avec leurs pauses cigarette  151

(ii) L’intention de Mme Lecompte n’était pas d’empêcher Mme Dunn de prendre des pauses cigarette avec M. Egglefield. 153

(2) Témoignage de Mme Nadon à l’effet que Mme Lecompte a isolé Mme Dunn de ses collègues  154

(a) Mme Lecompte n’a pas dit à Mme Nadon au cours de l’une de leurs premières réunions en avril 2011 que Mme Dunn avait un caractère difficile et elle ne lui a pas ordonné non plus de ne pas se lier d’amitié avec elle  154

(b) Mme Lecompte n’a pas exercé des représailles d’isolement lorsqu’elle a demandé à Mme Nadon et au personnel que Mme Dunn et Mme Gosselin ne devaient pas avoir accès au lieu de travail dans la mezzanine durant leur affectation volontaire pour éviter qu’on lui attribue tout autre acte de représailles.  158

(c) Mme Lecompte n’a pas exercé des représailles d’isolement lorsqu’elle a ordonné à Mme Nadon de retirer les invitations à la fête de Noël 2012 qu’elle avait envoyé à Mme Dunn et à Mme Gosselin, alors qu’elles s’étaient volontairement retirées du lieu de travail.  160

(d) Les plaintes de représailles de Mme Dunn ont eu d’importantes répercussions négatives pour Mme Lecompte sur les plans personnel et professionnel.  163

(3) Autres incidents relatifs à l’isolement allégué de Mme Dunn  168

(a) Mme Lecompte aurait ordonné à Mme Dunn de ne pas demander à Mme Gosselin de se présenter sur le lieu de travail pendant son affectation  168

(b) Omission d’inviter Mme Dunn, M. Egglefield et un travailleur de soutien temporaire à un événement social 169

(4) Conclusion : aucune mesure de représailles n’a été prise par Mme Lecompte à l’encontre de Mme Dunn relativement à la question de sa responsabilité dans l’isolement de Mme Dunn de ses collègues.  170

F. Allégations supplémentaires ne figurant pas dans l’exposé des précisions  170

(1) Mme Lecompte n’a pas exercé de représailles contre Mme Dunn en informant son personnel lors d’une réunion que Mme Dunn avait été affectée parce qu’elle avait déposé des plaintes auprès du Commissariat, et elle n’a pas non plus célébré son départ en organisant des vins et fromages.  172

(a) Communication de Mme Lecompte aux membres du personnel de la Direction générale le 12 octobre 2012 les informant que Mme Dunn était en affectation parce qu’elle avait déposé une plainte de représailles contre elle  172

(b) Célébrations vins et fromages des affectations de Mme Dunn hors du lieu de travail  177

(2) Mme Lecompte n’a pas avisé M. Egglefield qu’elle souhaitait imposer des mesures disciplinaires à Mme Dunn pour sa conduite lorsqu’elle a croisé M. Sterne et elle-même lors de son entrée sur le lieu de travail le 6 septembre 2012  179

(a) Mme Dunn s’est montrée impolie envers M. Sterne et Mme Lecompte en détournant irrespectueusement le regard et en les ignorant au moment de les croiser à son arrivée sur le lieu de travail.  180

(b) Mme Lecompte n’avait pas dit à M. Egglefield qu’elle envisageait de prendre des mesures disciplinaires contre Mme Dunn pour cet incident; cependant M. Egglefield a affirmé le contraire à Mme Dunn.  187

VII. Conclusion : Mme Lecompte n’a pas exercé de représailles contre Mme Dunn  196

VIII. Réparation  197

IX. Conclusion  201

Appendice A  202

Appendice B  205

I.  Introduction

[1]  Il s’agit d’une demande présentée au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs [le TPFD ou le Tribunal], en application de l’alinéa 20.4(1)b) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, L.C. 2005 ch. 46 [la Loi ou LPFDAR] et de l’article 5 des Règles de pratique du Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, DORS/2011-170 [les Règles de pratique], afin que soit rendue une décision visant à déterminer si des représailles au sens du paragraphe 2(1) de la Loi ont été exercées contre la plaignante et, le cas échéant, que le Tribunal rende une ordonnance exigeant l’adoption de mesures de réparation en faveur de la plaignante et la prise de sanctions disciplinaires à l’encontre de la personne ayant exercé les représailles.

[2]  La présente demande concerne des allégations selon lesquelles Mme Sylvie Lecompte (Mme Lecompte), directrice, Direction générale des services d’examen et d’enquête [DGSEE], Affaires autochtones et du Nord Canada [AANC ou l’employeur], a usé de représailles à l’endroit de Mme Chantal Dunn [Mme Dunn ou la plaignante] à la suite de divulgations protégées faites par cette dernière.

[3]  Mme Dunn et le commissaire étaient représentés par des avocats distincts, mais ils ont dans l’ensemble présenté les mêmes arguments au Tribunal. Dans les motifs qui suivent, mes commentaires visant Mme Dunn ou la plaignante s’appliquent également au commissaire, à moins d’indications contraires. En ce qui a trait aux parties intimées, seul l’employeur était représenté durant l’audience. Mme Lecompte a présenté des représentations finales écrites, mais n’a pas participé aux audiences, sauf pour témoigner pour son propre compte. Mes commentaires concernant l’employeur englobent également les observations présentées au nom de Mme Lecompte, à moins d’indications contraires.

[4]  Dès l’ouverture de l’audience, il a été précisé que Mme Lecompte, dont la langue maternelle est le français, témoignerait avec l’aide d’un interprète pour répondre aux questions durant le contre-interrogatoire. Durant le reste de l’audience, son témoignage s’est déroulé en anglais. Des services d’interprétation simultanée en anglais ont été offerts tout au long du témoignage en français. Les parties ont toutefois convenu dès le début de l’instruction que l’affaire serait considérée comme une procédure unilingue (en anglais), et que seules les observations et transcriptions en anglais constitueraient le document officiel.

II.  Témoins

[5]  Mme Dunn travaille pour Affaires autochtones et du Nord Canada (AANC), à titre de fonctionnaire au sens du paragraphe 2(1) de la Loi. Durant la période en question, Mme Dunn travaillait comme enquêteure au sein de la Direction générale des services d’examen et d’enquête (DGSEE), Secteur de la vérification et de l’évaluation. Mme Dunn a commencé à travailler dans le domaine des enquêtes comme agente de prévention des pertes pour l’entreprise Zellers; c’était en 1990. Elle a ensuite repris ses études et a obtenu son diplôme de parajuriste en 2001; elle a alors travaillé pour deux cabinets d’avocats, puis s’est jointe à la fonction publique en septembre 2006 où elle a travaillé pour l’administrateur national des allégations et des plaintes d’AANC. C’est en mai 2008, au moment où la DGSEE a été mise sur pied à titre de projet pilote, que Mme Dunn a été embauchée au poste AS-03. Elle a travaillé sous la direction de deux directeurs avant que Mme Lecompte n’assume les fonctions de directrice de la DGSEE, en décembre 2010. Mme Dunn a déposé une première plainte en matière de représailles le 11 mars 2011, puis une deuxième plainte le 26 septembre 2012; cette dernière constitue la base de la présente instance. Elle a été affectée peu après à d’autres services d’AANC en attendant le règlement de sa plainte.

[6]  Mme Lecompte est une fonctionnaire de longue date. Comme elle le dit elle-même, elle a commencé sa carrière dans la fonction publique « tard » [TRADUCTION], travaillant d’abord pour l’Agence canadienne de développement international pendant 15 ans. Elle a ensuite occupé une série de postes de deux ans, d’abord à Pêches et Océans Canada, puis au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, avant d’entrer au service du Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada [le Commissariat]. En 2010, Mme Lecompte a réussi le concours pour le poste de directrice de la DGSEE et elle est entrée en fonctions en décembre 2010.

[7]  Durant la période en question, Mme Lecompte relevait d’Anne Scotton et elle dirigeait deux gestionnaires, M. Brian Finn et M. Denis Egglefield, jusqu’à ce qu’ils quittent la DGSEE dans la foulée du réaménagement pangouvernemental des effectifs, au printemps 2012. Durant cette période, Mme Lecompte a dirigé une équipe de sept à neuf fonctionnaires. Elle a occupé le poste de directrice de la DGSEE pendant cinq ans, après quoi elle a été nommée à d’autres postes au sein d’AANC.

[8]  M. Egglefield a été le gestionnaire de Mme Dunn durant la majeure partie de la période visée par la présente instance. Avant d’intégrer la fonction publique, M. Egglefield a été policier militaire pendant plus de vingt ans au sein des Forces armées canadiennes. Il s’est joint à la fonction publique en 2007, d’abord à titre de directeur des enquêtes au Bureau de l’ombudsman des Forces canadiennes, ministère de la Défense nationale. Vers 2010, M. Egglefield est entré au service du Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada, avant d’accéder à un poste de gestionnaire à la DGSEE, en avril 2011. Dès sa nomination à la DGSEE, M. Egglefield a dû s’absenter pour subir une opération au dos qui l’a tenu à l’écart du travail pendant 12 semaines; il a repris le travail en juillet 2011. Durant son affectation à la DGSEE, M. Egglefield était sous l’autorité de Mme Lecompte et il supervisait deux fonctionnaires, Mme Nadon et Mme Dunn. En mars 2012, M. Egglefield a été informé que son poste au sein de la DGSEE était visé par le réaménagement des effectifs et, en octobre 2012, il a été nommé gestionnaire au Bureau de la divulgation interne de l’Agence des services frontaliers du Canada.

[9]  Pendant toute la durée de son mandat à la DGSEE, M. Egglefield a consigné quotidiennement des notes manuscrites sur les réunions et les événements importants. Ce matériel a été largement utilisé pour établir la chronologie des événements qui se sont déroulés entre 2011 et 2012. M. Egglefield a également présenté au Tribunal un tableau daté du 24 mars 2016, qu’il avait préparé en 2016 avant une entrevue avec le Commissariat. Durant son témoignage, M. Egglefield a déclaré qu’il avait passé en revue ses notes manuscrites en préparation à cette entrevue, et qu’il avait résumé les notes pertinentes dans ce nouveau tableau auquel il avait ajouté les commentaires qu’il jugeait pertinents pour l’enquête du Commissariat.

[10]  Mme Nadon était une collègue de Mme Dunn à la DGSEE. Elle était la seule autre fonctionnaire qui relevait directement de M. Egglefield. Mme Nadon a commencé à travailler pour la fonction publique en janvier 1991 à titre d’employée occasionnelle, puis comme étudiante sur une base occasionnelle. Elle a été embauchée pour une période indéterminée en février 2000 et a depuis travaillé dans divers ministères. Mme Nadon est entrée au service de la DGSEE d’AANC le 1er avril 2011.

[11]  M. Finn travaillait aux côtés de M. Egglefield; il était le deuxième gestionnaire sous l’autorité de Mme Lecompte. M. Finn a intégré la fonction publique en 1994, travaillant pour le Régime de pensions du Canada, après avoir été membre des Forces armées canadiennes pendant sept ans. Au début des années 2000, il a été muté au Bureau de l’ombudsman du ministère de la Défense nationale à titre d’enquêteur principal. En décembre 2010, il s’est joint à la DGSEE où il supervisait deux fonctionnaires, Donna Young et Sarah Koteles. M. Finn a quitté la DGSEE à l’automne 2012 dans le cadre du réaménagement des effectifs. Il travaille aujourd’hui comme directeur de la vérification à la Gendarmerie royale du Canada.

III.  Contexte factuel

[12]  À son entrée en service, Mme Dunn occupait un poste AS-03 à la DGSEE, un nouveau projet-pilote mis en branle en mai 2008. Elle a relevé d’abord de Jacques Beaulieu, puis de Jean-Jacques Lemay jusqu’en septembre 2010, date à laquelle M. Lemay a pris sa retraite. Dans leurs rapports de gestion du rendement de l’employée, M. Beaulieu et M. Lemay ont tous deux décrit le travail de Mme Dunn comme étant supérieur aux attentes.

[13]  En avril ou en juin 2010, Mme Dunn a fait une divulgation à M. Lemay, relativement à ce qui lui semblait être des pratiques d’embauche injustes. Cette divulgation concernait une personne qui avait été promue alors qu’elle était en congé de maternité, sans la tenue d’un concours. Qui plus est, une relation existait entre la gestionnaire responsable de l’embauche, Mme Scotton, et la personne ayant obtenu la promotion. Deux des collègues de Mme Dunn à l’époque, M. Kevin Nicholl et Mme Marylène Gosselin, avaient eux aussi soulevé la question auprès de M. Lemay. M. Lemay a communiqué avec Mme Scotton qui a fini par annuler la promotion.

[14]  En juillet 2010, Mme Dunn a rencontré des représentants de la Division des valeurs et de l’éthique d’AANC au sujet d’un conflit d’intérêts perçu. Cette divulgation concernait le contrat d’une consultante en services d’aide temporaire, Mme Lamarre, qui était géré par la fille de cette dernière. Mme Dunn alléguait par ailleurs que le rôle de cette consultante ne correspondait pas à l’énoncé de travail pour lequel elle avait été embauchée.

[15]  En octobre 2010, Mme Dunn a été nommée à un poste AS-05 à titre intérimaire.

[16]  Le 13 décembre 2010, Mme Lecompte a été nommée directrice de la DGSEE. Avant que Mme Lecompte n’entre en fonctions, Mme Scotton lui a dit que l’équipe de la DGSEE était dysfonctionnelle. À son arrivée, Mme Lecompte s’est rapidement rendue compte qu’il y avait une vive concurrence entre les membres de l’équipe pour la dotation des postes vacants qui avaient été pourvus sur une base intérimaire. Elle a aussi été informée des problèmes d’assiduité, problèmes qu’elle-même a été en mesure d’observer. En outre, plus de deux cents dossiers étaient en attente de traitement. Elle a vite demandé aux membres de l’équipe de respecter un calendrier établi et de s’assurer que les demandes de congé étaient entrées dans le système PeopleSoft.

[17]  L’une des principales priorités de Mme Lecompte, à son arrivée à la DGSEE, était de terminer les processus de dotation pour les postes vacants qui avaient été pourvus sur une base intérimaire, dont le poste AS-05. Mme Dunn, qui occupait ce poste à titre intérimaire, a posé sa candidature. Elle a réussi les examens écrits et figurait parmi les candidats retenus. Mme Lecompte a fait appel à deux directeurs externes pour l’appuyer durant la phase d’entrevue.

[18]  Durant les premiers jours de son mandat à titre de directrice, Mme Lecompte a rencontré chacun des membres de l’équipe de la DGSEE. Sa rencontre avec Mme Dunn a eu lieu le 18 janvier 2011. Durant cette rencontre, Mme Dunn a informé Mme Lecompte du conflit d’intérêts perçu concernant Mme Lamarre, conflit dont elle avait précédemment fait part à la Division des valeurs et de l’éthique d’AANC, ainsi que du fait qu’elle avait été convoquée à une entrevue par le Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada dans le cadre d’une enquête sur une plainte déposée par un collègue. Elle a expliqué à Mme Lecompte qu’elle craignait que cela n’influence l’issue du concours pour le poste AS-05, car elle avait cru comprendre que le processus était dirigé par Mme Lamarre. Mme Lecompte a déclaré durant son témoignage que de nombreux employés lui avaient fait part de plaintes et préoccupations semblables au sujet des processus d’embauche à son entrée en fonction à la DGSEE.

[19]  Mme Lecompte, qui avait été informée de préoccupations similaires de la part d’autres employés, a assuré à son équipe que Mme Lamarre ne participerait pas au concours. Mme Dunn n’a pas été choisie pour le poste AS-05. Cependant, Mme Lamarre était mentionnée comme personne-ressource pour les candidats qui n’avaient pas été retenus, et son nom et sa signature figuraient sur la déclaration solennelle du jury de sélection. Durant son témoignage, Mme Lecompte a déclaré que Mme Lamarre n’avait joué qu’un rôle purement administratif et que, mis à part le personnel de l’extérieur de la Direction générale ayant collaboré aux entrevues, c’est elle seule qui, en dernier ressort, avait pris les décisions pour la dotation de ces postes.

[20]  Le 30 mars 2011, Mme Dunn a déposé sa première plainte en matière de représailles auprès du Commissariat. Cette plainte n’est pas l’objet de la présente demande et n’a pas été déposée en preuve. Dans cette plainte, Mme Dunn avait désigné à la fois Mme Scotton et Mme Lecompte comme personnes ayant exercé les représailles. Cette plainte était liée au processus de dotation au terme duquel Mme Dunn n’avait pas été choisie. Durant son témoignage, Mme Lecompte a déclaré que, bien que des événements survenus au bureau l’aient amenée à comprendre que Mme Dunn avait déposé une plainte à son endroit auprès du Commissariat, ce n’est qu’en septembre 2011 qu’elle en a été officiellement informée. La plainte a finalement été rejetée plus de deux ans plus tard, ayant été jugée sans fondement.

[21]  À peu près à la même période, Kevin Nicholl et Marylène Gosselin ont eux aussi déposé des plaintes en matière de représailles à l’encontre de Mme Lecompte au sujet des processus de dotation pour lesquels leurs candidatures n’avaient pas été retenues.

[22]  Le 1er avril 2011, Mme Nadon est entrée au service de la DGSEE. Durant son témoignage, Mme Nadon a déclaré que, peu après son entrée en fonction, Mme Lecompte lui avait dit que Mme Dunn avait un caractère difficile et qu’elle ne devait pas se lier d’amitié avec elle. Mme Lecompte nie totalement ces allégations qui font l’objet d’une analyse détaillée ci-dessous.

[23]  Le 19 avril 2011, M. Egglefield a été embauché comme gestionnaire à la DGSEE. Le lendemain de sa nomination, M. Egglefield a informé Mme Lecompte qu’il devait prendre congé pour subir une opération chirurgicale imprévue; Mme Lecompte était contrariée, en raison de sa lourde charge de travail et du fait que l’opération n’avait pas été prévue et qu’elle devait avoir lieu prochainement.

[24]  Avant l’entrée en fonction de M. Egglefield, Mme Dunn relevait directement de Mme Lecompte. Elle avait des problèmes concernant des congés spéciaux et des arrivées tardives du fait de sa propre invalidité et de celle de sa mère, mais elle s’était entendue avec Mme Lecompte. Mme Lecompte n’a pas contesté la légitimité des congés ou des autres absences de Mme Dunn.

[25]  M. Egglefield a repris son travail à la DGSEE 12 juillet 2011. Mme Dunn et Mme Nadon ont alors commencé à relever directement de lui.

[26]  À peu près en septembre 2011, la DGSEE a déménagé dans un nouvel espace de travail à Gatineau. Ce lieu de travail sécurisé, communément appelé la « mezzanine », était aménagé en espace ouvert, ce qui permettait à Mme Lecompte d’être généralement informée de l’assiduité de ses employés.

[27]  Le 9 septembre 2011, Mme Lecompte a reçu un avis l’informant de l’enquête menée par le Commissariat au sujet de la première plainte déposée par Mme Dunn.

[28]  Le 12 septembre 2011, M. Egglefield et Mme Lecompte ont eu une rencontre bilatérale. Cette rencontre avait pour but de transférer à M. Egglefield la gestion du dossier des arrivées tardives et des absences de Mme Dunn, puisqu’un avis de plainte en matière de représailles avait été signifié à Mme Lecompte. Selon les notes manuscrites de M. Egglefield, Mme Lecompte « voulait être tenue informée des congés et des arrivées tardives de Mme Dunn » [TRADUCTION]; M. Egglefield estimait que cette mesure ciblait Mme Dunn, car on lui demandait de surveiller ses absences, alors qu’aucun autre employé ne faisait l’objet d’une demande semblable. Ses éléments de preuve servent de fondement à l’une des deux allégations de représailles à l’encontre de Mme Lecompte et font l’objet d’une analyse détaillée ci-après.

[29]  En novembre, Mmes Dunn et Gosselin ont refusé de signer une charte d’équipe qui visait à réduire les conflits entre les membres du personnel, alléguant que cette charte pourrait être utilisée pour justifier l’adoption de sanctions disciplinaires à leur encontre. Cette charte avait été rédigée par le personnel de la DGSEE, avec l’aide de M. Sterne, un expert-conseil embauché pour proposer des moyens d’améliorer les relations de travail.

[30]  Le 16 novembre 2011, Mme Dunn a quitté la DGSEE pour sa première affectation à l’extérieur du bureau de Gatineau; il s’agissait d’un poste à Ottawa. Mme Dunn reconnaît que cette affectation faisait suite à une demande qu’elle-même avait formulée, pour des motifs sans lien avec la question des représailles. Le 17 novembre 2011, Mme Dunn a été aperçue en compagnie de M. Egglefield à l’extérieur des bureaux de la DGSEE, durant une pause cigarette.

[31]  Le 18 novembre 2011, M. Egglefield a eu deux rencontres avec Mme Lecompte. Durant la première rencontre, Mme Lecompte a soulevé une question concernant des modifications apportées par M. Egglefield au modèle que la DGSEE proposait d’utiliser pour les rapports d’admissibilité remplis par les enquêteurs. Durant son témoignage, M. Egglefield a déclaré que Mme Lecompte était mécontente qu’il ait apporté ces modifications sans lui en parler. Selon ses notes, Mme Lecompte lui a dit : « Quand vous serez patron, vous pourrez prendre les décisions » [TRADUCTION]. Les événements durant cette rencontre et les autres rencontres qui ont eu lieu la même journée sont examinés en détail ci-dessous.

[32]  La deuxième rencontre avait été convoquée parce que Mme Scotton avait vu M. Egglefield prendre une pause cigarette avec Mme Dunn alors qu’elle était en affectation à Ottawa; elle voulait que cela cesse. Mme Lecompte estimait également que les deux employés prenaient trop de pauses pour fumer. Mme Lecompte a indiqué à M. Egglefield que quelqu’un l’avait informée des pauses cigarette qu’il prenait avec Mme Dunn. M. Egglefield a accusé Mme Scotton et n’a pas apprécié le fait qu’on lui dise avec qui il pouvait prendre des pauses cigarette. Dans les discussions qui ont suivi, des questions faisant référence à sa loyauté ont été soulevées. Durant cette conversation, Mme Lecompte lui a demandé de prendre en compte le contexte des plaintes qui avaient été formulées à son encontre.

[33]  Le 22 novembre 2011, M. Egglefield a rencontré Mme Lecompte pour lui faire part du malaise qu’il ressentait depuis la réunion du 18 novembre 2011 durant laquelle sa loyauté avait été remise en question. Dans ses notes, il mentionne quatre « motifs » pour lesquels sa loyauté avait été mise en doute. Les éléments de preuve concernant cette rencontre sont examinés en détail ci-après.

[34]  Le 6 décembre 2011, M. Egglefield a mentionné à Mme Dunn que sa loyauté avait été remise en question. On ne sait pas vraiment si c’est à ce moment qu’il a dit à Mme Dunn que Mme Lecompte était la personne qui doutait de sa loyauté, ou si c’est plutôt le 11 juillet 2012 au moment où se sont produits les autres événements. Je conclus que ce n’est qu’en juillet qu’il a divulgué que Mme Lecompte était la personne qui avait mis en doute sa loyauté.

[35]  En avril 2012, M. Egglefield et M. Finn ont tous deux appris que leurs postes étaient visés par le réaménagement des effectifs au sein de la DGSEE. M. Egglefield trouvait étrange que les deux seuls gestionnaires soient visés par le réaménagement des effectifs et que le personnel subalterne relève désormais directement de Mme Lecompte. Il a admis qu’il était mécontent et qu’il estimait que cette mesure constituait des représailles à son endroit de la part de Mmes Lecompte et Scotton.

[36]  Le 20 avril 2012, Mme Dunn a informé M. Egglefield qu’elle avait demandé que sa première affectation soit prolongée. Elle a toutefois dû retourner à la DGSEE le 1er mai 2012, en raison du réaménagement des effectifs dans l’ensemble du gouvernement.

[37]  Le 28 mai 2012, Mme Dunn a invité Mme Gosselin, qui était son amie et qui était en affectation à l’époque, à venir à la mezzanine de la DGSEE. Mme Lecompte a indiqué à Mme Dunn que Mme Gosselin ne devait pas revenir sur le lieu de travail sans qu’elle en soit informée et elle lui a demandé que toute rencontre future avec Mme Gosselin se tienne désormais en dehors du lieu de travail.

[38]  Le 6 juillet 2012, Mme Lecompte a de nouveau demandé à M. Egglefield de signaler toutes les absences de Mme Dunn, après qu’il eut omis de signaler le congé de maladie qu’elle avait pris le vendredi précédent.

[39]  Le 11 juillet 2012, Mme Lecompte a informé le personnel qu’elle ne modifierait pas l’horaire de travail afin que la journée de travail se termine à 15 h 30. La même journée, M. Egglefield a eu une rencontre avec Mme Dunn après le travail, durant laquelle il l’a informée que Mme Lecompte avait mis en doute sa loyauté parce qu’il prenait des pauses cigarette avec elle. Il lui a également dit que Mme Lecompte lui avait demandé de lui signaler directement les congés qu’elle prenait, mais pas ceux des autres employés. Il lui a conseillé de consigner cette conversation. Il a aussi demandé à Mme Dunn d’envoyer à Mme Lecompte une copie de toutes ses futures demandes de congé. Il a déclaré durant son témoignage qu’il avait communiqué cette information à Mme Dunn, car il estimait qu’elle faisait l’objet d’un traitement inapproprié de la part de Mme Lecompte.

[40]  Le 16 juillet 2012, Mme Lecompte a écrit au sous-ministre d’AANC, pour déplorer le peu de soutien que lui offrait le Ministère dans cette période où elle faisait face à de multiples plaintes de la part d’employés. Dans ce courriel, elle a précisé que Mme Dunn prenait des notes de leurs interactions.

[41]  Le 15 août 2012, M. Egglefield a conseillé à Mme Dunn de ne plus avoir de liens avec Mme Gosselin ou M. Nicholl tant que le Commissariat n’aurait pas terminé ses enquêtes.

[42]  Le 17 août 2012, Mme Dunn a refusé de participer à un déjeuner de travail avec M. Sterne parce que Mme Gosselin n’avait pas été autorisée à y assister.

[43]  Le 29 août 2012, M. Egglefield a informé Mme Dunn que Mme Lecompte avait refusé sa demande de formation linguistique en français, en invoquant les besoins opérationnels de la DGSEE, le fait que son poste était désigné « anglais essentiel » et le grand nombre de congés qu’elle avait pris. M. Egglefield a indiqué à Mme Dunn que d’autres collègues prenaient en fait plus de congés qu’elle.

[44]  Mme Nadon a déclaré dans son témoignage que c’est à peu près en septembre 2012 qu’elle a commencé à ne plus apprécier Mme Lecompte, et ce, pour différentes raisons : parce que Mme Lecompte ne l’aimait pas et parce que le bureau était divisé en « cliques », entre celles qu’elle aimait et celles qu’elle n’aimait pas.

[45]  Le 6 septembre 2012, il s’est produit un incident au cours duquel Mme Lecompte a jugé que Mme Dunn avait été impolie envers M. Sterne, un consultant externe, en détournant la tête et en omettant de le saluer lorsqu’ils sont entrés ensemble dans le bureau. Elle a discuté de l’incident avec M. Egglefield qui a en ensuite discuté avec Mme Dunn. Des questions ont été soulevées quant à savoir si Mme Dunn avait été impolie et si Mme Lecompte avait envisagé la prise de sanctions disciplinaires à l’encontre de Mme Dunn à la suite de cet incident.

[46]  Le 26 septembre 2012, Mme Dunn a déposé sa deuxième plainte auprès du Commissariat, dans laquelle elle mentionnait six allégations de représailles de la part de Mme Scotton et 16 de la part de Mme Lecompte. Une copie de ces allégations est jointe aux présents motifs en tant qu’annexe A. Deux allégations de représailles de la part de Mme Lecompte ont été renvoyées au Tribunal; ces allégations concernent le traitement distinct dont Mme Dunn a fait l’objet du fait que ses absences étaient surveillées et qu’elle était isolée de ses collègues.

[47]  Le 28 septembre 2012, Mme Gosselin s’est rendue à l’espace de travail de la DGSEE pour remettre à Mme Dunn un dossier sur lequel elles travaillaient. Mme Lecompte a rappelé à Mme Dunn que Mme Gosselin ne devait pas être autorisée sur le lieu de travail pendant son affectation.

[48]  Le 10 octobre 2012, Mme Dunn a quitté la DGSEE pour sa deuxième affectation, en réponse à plusieurs demandes. Mme Lecompte était absente du bureau et elle n’a été informée de la situation qu’à son retour, lorsque des membres du personnel lui ont demandé ce qui s’était produit. Mme Lecompte a déclaré à l’équipe que cette affectation faisait suite aux plaintes déposées par Mme Dunn auprès du Commissariat.

[49]  Le 11 octobre 2012, M. Egglefield a envoyé un courriel à Mme Dunn, qui était alors en affectation, pour l’informer que Mme Lecompte avait dit au personnel de la DGSEE qu’elle était en affectation en raison des plaintes qu’elle avait déposées auprès du Commissariat. Il a aussi demandé l’adresse de courriel de l’enquêteur. M. Egglefield a déclaré dans son témoignage qu’il avait envoyé ce courriel parce qu’il était démoralisé par le traitement qui avait été réservé à Mme Dunn.

[50]  Le 12 octobre 2012, alors qu’ils prenaient un café avec Mme Dunn, Mme Nadon et M. Egglefield l’ont informée que Mme Lecompte avait dit au personnel de la DGSEE qu’elle était en affectation à cause des plaintes qu’elle avait formulées.

[51]  Durant son témoignage, Mme Nadon a déclaré qu’en décembre 2012, alors qu’elle planifiait la fête annuelle de Noël pour la DGSEE, Mme Lecompte lui a demandé de retirer les invitations destinées à Mme Dunn et à Mme Gosselin parce qu’elles étaient en affectation.

[52]  Le 7 décembre 2012, le Commissariat a ouvert une enquête sur les allégations soulevées dans la deuxième plainte en matière de représailles.

[53]  Depuis sa deuxième affectation, Mme Dunn n’a toujours pas reçu ses documents d’affectation signés rendant officiel son départ de la DGSEE. Durant son témoignage, Mme Lecompte a indiqué que Mme Scotton lui avait dit qu’elle ne pouvait pas signer les papiers parce que Mme Dunn n’était plus sous sa supervision et que toute décision concernant les documents d’affectation devait être prise par la haute direction.

[54]  Le 7 avril 2014, le Commissariat a informé Mme Dunn qu’il ne donnerait pas suite à sa deuxième plainte. Une demande de contrôle judiciaire de cette décision a été déposée auprès de la Cour fédérale le 7 mai 2014. Le Commissariat a rouvert l’examen de la deuxième plainte le 30 décembre 2014. Le 2 mars 2016, le commissaire a renvoyé l’affaire devant le Tribunal.

IV.  Contexte législatif

[55]  Le Tribunal a été créé pour protéger contre les représailles les fonctionnaires qui signalent un acte répréhensible. Son mandat consiste à déterminer si des représailles ont eu lieu quant à une demande qui lui a été soumise par le commissaire. Dans Charbel El-Helou c. Service administratif des tribunaux judiciaires, 2011 TPFD 1, au paragraphe 54 [El-Helou 1], l’objet de la Loi a été défini comme suit :

Aux fins d’interprétation de la Loi, il faut établir un juste équilibre entre l’obligation de loyauté et le droit à la liberté d’expression. Puisqu’elle permet d’accorder des réparations aux fonctionnaires qui ont fait l’objet de représailles, y compris une possible indemnisation pour les souffrances et les douleurs qui en découlent, la Loi est une loi de nature réparatrice. Par conséquent, il faut interpréter la Loi de façon large et libérale, à la lumière de ses objectifs, de son préambule et de sa nature réparatrice.

[56]  Pour qu’une plainte soit renvoyée au Tribunal, une demande en ce sens doit être présentée par le commissaire. La demande délimite la portée de la compétence du Tribunal (Charbel El-Helou c. Service administratif des tribunaux judiciaires, 2011 TPFD 4, au paragraphe 43 [El-Helou 4]). La Commission joue un rôle de gardien qui se compare à celui prévu dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[57]  Il convient de souligner que c’est le commissaire qui détermine quelles allégations formulées par la plaignante sont retenues dans la plainte, si des défendeurs à titre individuel doivent être identifiés, s’il faut ordonner la prise de mesures de réparation en faveur d’un plaignant et s’il faut ordonner la prise de sanctions disciplinaires à l’encontre d’un intimé (Charbel El-Helou c. Service administratif des tribunaux judiciaires, 2011 TPFD 2, au paragraphe 28 [El-Helou 2]; et El-Helou 1, au paragraphe 89).

[58]  Lorsque le commissaire décide de renvoyer une affaire devant le Tribunal, celui-ci doit déterminer si chaque élément de la plainte a été établi selon la prépondérance des probabilités. Cette norme est plus exigeante que celle des motifs raisonnables exigée pour un renvoi par le commissaire (El-Helou 4, au paragraphe 35).

[59]  Les dispositions pertinentes de la Loi sont présentées en annexe.

V.  Questions en litige

[60]  Le Tribunal doit trancher les questions suivantes concernant la demande présentée par le commissaire en application de l’alinéa 20.4(1)b) afin de rendre une décision conformément au paragraphe 21.5(1) :

  1. La plaignante a-t-elle fait une « divulgation protégée » au sens de la Loi?

  2. La plaignante a-t-elle fait l’objet de « représailles » au sens de la Loi?

    1. L’intimée a-t-elle surveillé de manière inappropriée l’assiduité de la plaignante?

    2. L’intimée a-t-elle tenté d’isoler la plaignante?

    3. Le Tribunal devrait-il prendre en compte les allégations de représailles qui n’ont pas été présentées par le commissaire?

    4. Quel est le critère applicable?

    5. Quel est l’élément moral nécessaire pour établir que Mme Lecompte a exercé des représailles justifiant qu’il soit ordonné que des sanctions disciplinaires soient prises à son encontre?

    6. Les éléments de preuve établissent-ils un lien en l’espèce?

  3. Existe-t-il, entre la divulgation protégée d’actes répréhensibles par la plaignante et les allégations de représailles, un lien qui permette d’établir que la plaignante a fait l’objet de représailles?

    1. Si la plaignante a fait l’objet de représailles, celles-ci ont-elles été exercées par Mme Lecompte?

    2. S’il est établi que Mme Lecompte a usé de représailles contre la plaignante, doit-on ordonner une autre procédure pour déterminer s’il y a lieu d’enjoindre à l’employeur de prendre les sanctions disciplinaires indiquées à l’encontre de Mme Lecompte?

    3. Qu’il soit ou non déterminé que les représailles dont a fait l’objet la plaignante n’ont pas en fait été exercées par Mme Lecompte, quelles sont, parmi toutes les mesures nécessaires, les mesures de réparation indiquées en vertu du paragraphe 21.7(1) de la Loi qu’il devrait être ordonné à l’employeur de prendre en faveur de la plaignante?

    VI.  Analyse

    A.  La structure en trois étapes de l’analyse du Tribunal

    [61]  Je suis d’avis que la manière la plus appropriée d’analyser les questions en litige en l’espèce est de commencer par la procédure que le Tribunal doit suivre pour rendre ses décisions, ce qui ramène nécessairement à l’esprit de la Loi pour ce qui est de déterminer si des représailles ont été exercées et quelles ordonnances doivent en découler.

    [62]  Selon le paragraphe 20.4(1), l’esprit de la Loi prévoit deux voies pour l’instruction d’une plainte en matière de représailles par le Tribunal. En vertu de l’alinéa a), le commissaire peut demander qu’il soit ordonné que des mesures de réparation soient prises en faveur de la plaignante; si le Tribunal détermine que des représailles ont été exercées, ces mesures se limiteraient alors aux mesures de réparation définies au paragraphe 21.7(1). Si la demande auprès du Tribunal est présentée en application de l’alinéa b), comme c’est le cas en l’espèce, le Tribunal peut ordonner la prise de sanctions disciplinaires à l’encontre de Mme Lecompte, à titre de personne identifiée dans la demande comme celle ayant exercé les représailles à l’égard de la plaignante, en plus d’ordonner la prise de mesures de réparation en faveur de la plaignante s’il est établi qu’il y a eu représailles.

    [63]  Par souci de commodité, la définition de représailles, le paragraphe 20.4(1) sur la présentation d’une demande et le paragraphe 21.7(1) sur les mesures de réparation, avec le soulignement que j’y ai ajouté, sont reproduits ci-après :

    représailles L’une ou l’autre des mesures ci-après prises à l’encontre d’un fonctionnaire pour le motif qu’il a fait une divulgation protégée ou pour le motif qu’il a collaboré de bonne foi à une enquête menée sur une divulgation ou commencée au titre de l’article 33 :

     

    Reprisal means any of the following measures taken against a public servant because the public servant has made a protected disclosure or has, in good faith, cooperated in an investigation into a disclosure or an investigation commenced under section 33:

     

    a) toute sanction disciplinaire;

     

    (a) a disciplinary measure;

     

    b) la rétrogradation du fonctionnaire;

    (b) the demotion of the public servant;

     

    c) son licenciement et, s’agissant d’un membre de la Gendarmerie royale du Canada, son renvoi ou congédiement;

    (c) the termination of employment of the public servant, including, in the case of a member of the Royal Canadian Mounted Police, a discharge or dismissal;

     

    d) toute mesure portant atteinte à son emploi ou à ses conditions de travail;

     

    (d) any measure that adversely affects the employment or working conditions of the public servant; and

     

    e) toute menace à cet égard. (reprisal)

     

    (e) a threat to take any of the measures referred to in any of paragraphs (a) to (d).

     

    20.4 (1) Si, après réception du rapport d’enquête, le commissaire est d’avis que l’instruction de la plainte par le Tribunal est justifiée, il peut lui demander de décider si des représailles ont été exercées à l’égard du plaignant et, le cas échéant :

    20.4 (1) If, after receipt of the report, the Commissioner is of the opinion that an application to the Tribunal in relation to the complaint is warranted, the Commissioner may apply to the Tribunal for a determination of whether or not a reprisal was taken against the complainant and, if the Tribunal determines that a reprisal was taken, for

     

    a) soit d’ordonner la prise des mesures de réparation à l’égard du plaignant;

     

    (a) an order respecting a remedy in favour of the complainant; or

    b) soit d’ordonner la prise des mesures de réparation à l’égard du plaignant et la prise de sanctions disciplinaires à l’encontre de la personne ou des personnes identifiées dans la demande comme étant celles qui ont exercé les représailles.

    (b) an order respecting a remedy in favour of the complainant and an order respecting disciplinary action against any person or persons identified by the Commissioner in the application as being the person or persons who took the reprisal.

     

    21.7 (1) Afin que soient prises les mesures de réparation indiquées, le Tribunal peut, par ordonnance, enjoindre à l’employeur, à l’administrateur général compétent ou à toute personne agissant en leur nom de prendre toutes les mesures nécessaires pour :

     

    21.7 (1) To provide an appropriate remedy to the complainant, the Tribunal may, by order, require the employer or the appropriate chief executive, or any person acting on their behalf, to take all necessary measures to

     

    a) permettre au plaignant de reprendre son travail;

     

    (a) permit the complainant to return to his or her duties;

     

    b) le réintégrer ou lui verser une indemnité, s’il estime que le lien de confiance qui existait entre les parties ne peut être rétabli;

    (b) reinstate the complainant or pay compensation to the complainant in lieu of reinstatement if, in the Tribunal’s opinion, the relationship of trust between the parties cannot be restored;

     

    c) lui verser une indemnité équivalant au plus, à son avis, à la rémunération qui lui aurait été payée s’il n’y avait pas eu de représailles;

    (c) pay to the complainant compensation in an amount not greater than the amount that, in the Tribunal’s opinion, is equivalent to the remuneration that would, but for the reprisal, have been paid to the complainant;

     

    d) annuler toute sanction disciplinaire ou autre prise à son endroit et lui payer une indemnité équivalant au plus, à son avis, à la sanction pécuniaire ou autre qui lui a été imposée;

    (d) rescind any measure or action, including any disciplinary action, and pay compensation to the complainant in an amount not greater than the amount that, in the Tribunal’s opinion, is equivalent to any financial or other penalty imposed on the complainant;

     

    e) lui accorder le remboursement des dépenses et des pertes financières qui découlent directement des représailles;

    (e) pay to the complainant an amount equal to any expenses and any other financial losses incurred by the complainant as a direct result of the reprisal; or

     

    f) l’indemniser, jusqu’à concurrence de 10 000 $, pour les souffrances et douleurs découlant des représailles dont il a été victime.

    (f) compensate the complainant, by an amount of not more than $10,000, for any pain and suffering that the complainant experienced as a result of the reprisal.

     

    [soulignement ajoutés]

     

    [Emphasis added.]

    [64]  Parallèlement à l’article sur la présentation d’une demande, le paragraphe 21.5(1) de la Loi impose un processus en trois étapes à suivre lorsqu’une demande est présentée au Tribunal en application de l’alinéa 20.4(1)b). Le paragraphe 21.5(1), dans lequel j’ai indiqué entre crochets le numéro de l’étape correspondante du processus, ainsi que le paragraphe 21.5(4) qui définit la quatrième étape, se lisent comme suit :

    21.5 (1) S’agissant d’une demande visant la prise des ordonnances prévues à l’alinéa 20.4(1)b), le Tribunal décide [1] si des représailles ont été exercées à l’égard du plaignant et [2] si la personne ou les personnes identifiées dans la demande comme étant celles qui les auraient exercées les ont effectivement exercées. [3] S’il décide que des représailles ont été exercées, le Tribunal peut ordonner — indépendamment de la question de savoir si ces personnes ont exercé les représailles — la prise de mesures de réparation à l’égard du plaignant.

    21.5 (1) On application made by the Commissioner for the orders referred to in paragraph 20.4(1)(b) the Tribunal must determine whether the complainant has been subject to a reprisal and whether the person or persons identified by the Commissioner in the application as having taken the alleged reprisal actually took it. If it determines that a reprisal was taken, the Tribunal may, regardless of whether or not it has determined that the reprisal was taken by the person or persons named in the application, make an order granting a remedy to the complainant.

     

    21.5 (4) Après avoir motivé par écrit sa décision en conformité avec le paragraphe (3), le Tribunal peut rendre une ordonnance [4] concernant les sanctions disciplinaires à infliger à toute personne qui, selon lui, a exercé les représailles.

     

    21.5 (4) After issuing the reasons under subsection (3), the Tribunal may make an order respecting the disciplinary action to be taken against any person who was determined by it to have taken the reprisal.

    [65]  Le paragraphe 21.5(1) et le paragraphe 21.5(4) exigent donc que la décision concernant une demande présentée en application de l’alinéa 20.4(1)b) soit prise au terme d’un processus en trois, ou plutôt en quatre, étapes. La première étape consiste à déterminer si des représailles ont été exercées sans égard à la personne les ayant exercées. La deuxième étape consiste à déterminer si Mme Lecompte, qui est identifiée dans la demande, est effectivement la personne qui a exercé les représailles. Cette étape vise à étayer la quatrième étape qui consiste à rendre une ordonnance concernant les sanctions disciplinaires à infliger à cette personne en application du paragraphe 21.5(4) s’il est établi que c’est elle qui a exercé les représailles. S’il est établi que Mme Dunn a fait l’objet de représailles, que la personne les ayant exercées soit ou non identifiée, la troisième étape prévoit que le Tribunal doit rendre une ordonnance accordant des mesures de réparation en faveur de la plaignante conformément au paragraphe 21.7(1).

    B.  Les éléments constitutifs des représailles

    [66]  Il est admis que, pour que la demande du commissaire soit retenue, celui-ci doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, l’existence des trois éléments suivants qui constituent des représailles au sens de la Loi :

    • 1) La plaignante doit avoir fait une divulgation protégée d’un acte répréhensible, ou avoir collaboré à une enquête menée sur une divulgation au sens de la Loi;

    • 2) La plaignante doit avoir été victime de l’une des mesures énumérées dans la définition de « représailles » dans la Loi;

    • 3) Les éléments de preuve doivent démontrer qu’il existe un lien (« pour le motif qu’il a fait une divulgation protégée ») entre la divulgation protégée d’actes répréhensibles par la plaignante et les représailles alléguées.

    [67]  En ce concerne ce lien, je suis d’avis, au contraire des observations du commissaire (et de la plaignante) que, pour que le commissaire obtienne qu’il soit ordonné que des sanctions disciplinaires soient prises à l’encontre de Mme Lecompte, il doit également faire la preuve que des représailles ont été exercées volontairement, en riposte au fait que la plaignante a fait une divulgation protégée et qu’elle a déposé une plainte en matière de représailles contre Mme Lecompte.

    [68]  Mon analyse s’articulera autour des éléments précités, en portant une attention particulière à la question de l’élément moral lié au lien justifiant la prise de sanctions disciplinaires à l’encontre de Mme Lecompte.

    (1)  Divulgation protégée d’actes répréhensibles

    [69]  L’expression « divulgation protégée » est définie comme suit dans la Loi :

    divulgation protégée Divulgation qui est faite de bonne foi par un fonctionnaire, selon le cas :

    protected disclosure means a disclosure that is made in good faith and that is made by a public servant

     

    a) en vertu de la présente loi;

    (a) in accordance with this Act;

     

    b) dans le cadre d’une procédure parlementaire;

    (b) in the course of a parliamentary proceeding;

     

    c) sous le régime d’une autre loi fédérale;

    (c) in the course of a procedure established under any other Act of Parliament; or

     

    d) lorsque la loi l’y oblige. (protected disclosure)

    (d) when lawfully required to do so.

     

    [70]  Un élément encore plus pertinent à l’analyse de la question de la divulgation protégée faite « conformément à la Loi » est la divulgation protégée faite par un fonctionnaire à son supérieur hiérarchique en application de l’article 12 de la Loi, lequel article prévoit ce qui suit :

    12 Le fonctionnaire peut faire une divulgation en communiquant à son supérieur hiérarchique ou à l’agent supérieur désigné par l’administrateur général de l’élément du secteur public dont il fait partie tout renseignement qui, selon lui, peut démontrer qu’un acte répréhensible a été commis ou est sur le point de l’être, ou qu’il lui a été demandé de commettre un tel acte.

    12 A public servant may disclose to his or her supervisor or to the senior officer designated for the purpose by the chief executive of the portion of the public sector in which the public servant is employed any information that the public servant believes could show that a wrongdoing has been committed or is about to be committed, or that could show that the public servant has been asked to commit a wrongdoing.

     

    [soulignement ajoutés]

    [Emphasis added.]

     

    [71]  Un acte répréhensible est défini à l’article 8 de la Loi comme suit :

    8 La présente loi s’applique aux actes répréhensibles ci-après commis au sein du secteur public ou le
    concernant :

     

    8 This Act applies in respect of the following wrongdoings in or relating to the public sector:

     

    a) la contravention d’une loi fédérale ou provinciale ou d’un règlement pris sous leur régime, à l’exception de la contravention de l’article 19 de la présente loi;

    (a) a contravention of any Act of Parliament or of the legislature of a province, or of any regulations made under any such Act, other than a contravention of section 19 of this Act;

     

    b) l’usage abusif des fonds ou des biens publics;

    (b) a misuse of public funds or a public asset;

     

    c) les cas graves de mauvaise gestion dans le secteur public;

     

    (c) a gross mismanagement in the public sector;

     

    d) le fait de causer — par action ou omission — un risque grave et précis pour la vie, la santé ou la sécurité humaines ou pour l’environnement, à l’exception du risque inhérent à l’exercice des attributions d’un fonctionnaire;

     

    (d) an act or omission that creates a substantial and specific danger to the life, health or safety of persons, or to the environment, other than a danger that is inherent in the performance of the duties or functions of a public servant;

     

    e) la contravention grave d’un code de conduite établi en vertu des articles 5 ou 6;

     

    (e) a serious breach of a code of conduct established under section 5 or 6; and

     

    f) le fait de sciemment ordonner ou conseiller à une personne de commettre l’un des actes répréhensibles visés aux alinéas a) à e).

     

    (f) knowingly directing or counselling a person to commit a wrongdoing set out in any of paragraphs (a) to (e).

     

    g) [Abrogé, 2006, ch. 9, art. 197]

    (g) [Repealed, 2006, c. 9, s. 197]

    [72]  Il est expressément indiqué que les représailles ne sont pas considérées comme un acte répréhensible aux termes de l’alinéa 8a) précité, par le renvoi à l’article 19 de la Loi qui prévoit ce qui suit : « Il est interdit d’exercer des représailles contre un fonctionnaire, ou d’en ordonner l’exercice ».

    [73]  Les divulgations protégées alléguées dans la présente instance sont les suivantes :

    1. Mme Dunn a rencontré son ancien directeur, Jean-Jacques Lemay, en avril ou en juin 2010, pour lui faire part de ses préoccupations concernant un processus de dotation dans le cadre duquel une personne avait été promue alors qu’elle était en congé de maternité, sans qu’il y ait un concours. À la suite des préoccupations soulevées, la gestionnaire responsable de l’embauche (Anne Scotton, chef, Secteur de la vérification et de l’évaluation) a annulé le processus de dotation sans concours [divulgation concernant Mme Scotton].

    2. En juillet 2010, Mme Dunn a communiqué avec le Bureau des valeurs et de l’éthique d’AANC pour faire part d’un conflit d’intérêts potentiel mettant en cause le contrat d’une consultante en services d’aide temporaire, Johanne Lamarre. Ce contrat était géré par la fille de Mme Lamarre [KL], une fonctionnaire d’AANC responsable du service de gestion des opérations pour la DGSEE. Après avoir examiné le rôle de la consultante en services d’aide temporaire, Mme Dunn a soulevé d’autres préoccupations, estimant que ce rôle ne correspondait pas à l’énoncé de travail pour lequel Mme Lamarre avait été embauchée [divulgation concernant Mme Lamarre].

    3. Mme Dunn a été interrogée par la Commission de la fonction publique (CFP) le 17 décembre 2010 dans le contexte d’une plainte en matière de dotation qui avait été déposée par un autre fonctionnaire au sujet du statut d’autochtone d’un autre fonctionnaire [enquête de la CFP].

    4. Le 18 janvier 2011, Mme Dunn a rencontré Mme Sylvie Lecompte, sa nouvelle directrice, qui a remplacé Jean-Jacques Lemay en décembre 2010 et qui relevait directement d’Anne Scotton, pour discuter de frais professionnels. Durant cette même rencontre, Mme Dunn a informé Mme Lecompte qu’elle participait à une enquête de la CFP au sujet d’une plainte en matière de dotation déposée par un autre fonctionnaire. Mme Dunn a également fait part à Mme Lecompte de ses préoccupations au sujet du processus de dotation pour lequel elle-même était candidate. Ces préoccupations concernaient plus particulièrement le rôle de Mme Lamarre dans ce processus de dotation, étant donné les allégations de conflit d’intérêts que Mme Dunn avait précédemment formulées à l’endroit de Mme Lamarre [divulgation concernant Mme Lamarre].

    [74]  Le commissaire a fait valoir que, si les deux allégations de représailles soumises au Tribunal étaient confirmées, les « divulgations protégées » [TRADUCTION] (au pluriel) constitueraient alors un lien suffisant pour établir qu’il y a eu représailles au sens de la Loi.

    (a)  Divulgation du 18 janvier 2011

    [75]  L’employeur n’a formulé aucune observation au sujet des divulgations protégées faites en 2010. Il a seulement fait valoir que la divulgation du 18 janvier 2011 ne constituait pas une divulgation protégée au sens de la Loi et que, pour ce motif, la plainte en matière de représailles devait être rejetée. Ses observations écrites sur ce point s’énoncent comme suit :

    Durant son témoignage, Mme Lecompte a indiqué qu’elle n’avait pas considéré que l’entretien qu’elle avait eu avec Mme Dunn le 18 janvier 2011 constituait une divulgation protégée d’un acte répréhensible, mais qu’il s’agissait plutôt d’un entretien avec une fonctionnaire qui voulait se défouler ou se plaindre (ce qui est assez courant).

    Ÿ  Mme Dunn a informé Mme Lecompte qu’elle était interrogée dans le contexte d’une plainte déposée auprès de la Commission de la fonction publique par un collègue contre un autre collègue.

    Ÿ  Mme Dunn s’est dite inquiète parce qu’elle participait à un concours qui était dirigé par Mme Lamarre (une consultante). Mme Dunn avait fait une divulgation d’actes répréhensibles à l’encontre de Mme Lamarre, car c’était la fille de Mme Lamarre qui approuvait la reconduction de ses contrats. Or, Mme Dunn craignait que Mme Lamarre ne fasse preuve de partialité à son égard durant la procédure d’embauche visant à pourvoir le poste AS-5, car elle avait fait une divulgation protégée contre elle.

    Mme Dunn n’a pas fait de divulgation protégée à Mme Lecompte, car les renseignements qu’elle lui a communiqués ne répondent pas à la définition d’actes répréhensibles au sens de la Loi. Mme Dunn n’a pas révélé qu’une personne avait commis un acte répréhensible; elle n’a fait qu’exprimer ses craintes qu’une divulgation antérieure nuise à ses chances dans le cadre d’un processus de dotation.

    [76]  Le commissaire a fait valoir que la divulgation faite le 18 janvier 2011 était protégée en vertu de l’article 12 de la LPFDAR :

    En informant Mme Dunn que JL ne participerait à aucune étape du processus de dotation pour le poste auquel elle avait postulé, Mme Lecompte, de l’avis du commissaire, avait probablement compris que Mme Dunn lui avait fourni des renseignements qui pouvaient démontrer qu’un acte répréhensible avait été commis ou était sur le point de l’être – ce qui revient à dire que Mme Dunn avait fait une divulgation visée à l’article 12 de la Loi.

    [77]  J’estime que la divulgation que Mme Dunn a faite à Mme Lecompte le 18 janvier 2011, dans laquelle elle a fait allusion à une divulgation antérieure, visait à éviter d’éventuelles représailles de la part de Mme Lamarre. Celle-ci était identifiée comme auteure d’un acte répréhensible dans la divulgation protégée faite en 2010 par Mme Dunn et elle avait été partie à un processus de dotation par concours pour des postes d’AS-5 et d’AS-7 auxquels Mme Dunn avait postulé.

    [78]  Selon ma qualification de la nature de la divulgation, qui doit avoir pour objet d’éviter des représailles imminentes, je parviens à la conclusion qu’il ne s’agissait pas d’une divulgation protégée aux yeux de la Loi. Premièrement, ce que j’ai décrit comme une forme possible de représailles futures à la suite d’une divulgation protégée est expressément exclu des actes répréhensibles visés à l’alinéa 8a) de la Loi. Une divulgation protégée doit se rapporter à une forme quelconque d’acte répréhensible, indépendamment des représailles encourues.

    [79]  Deuxièmement, si elle concerne des actes répréhensibles antérieurs, je suis d’avis que la divulgation doit comporter un élément de « dénonciation » pour être protégée. Or, l’allégation de conduite fautive mettant en cause Mme Lamarre a déjà été divulguée et sanctionnée. La divulgation ultérieure de Mme Dunn n’ajoute aucun élément nouveau concernant un acte répréhensible commis dans le passé qui justifierait une quelconque mesure corrective. En d’autres termes, un délai de prescription s’applique à la divulgation protégée. Une fois qu’ils ont été transmis et suivis d’effet, il n’est plus possible de soumettre à d’autres superviseurs les mêmes renseignements concernant un acte répréhensible afin d’obtenir une protection à l’égard de leur conduite.

    [80]  Troisièmement, j’admets que l’on pourrait considérer que la divulgation de Mme Dunn vise à démontrer qu’un acte répréhensible « est sur le point » d’être commis, pour reprendre la formulation de l’article 12 de la Loi. Il est question ici d’un acte répréhensible que pourrait commettre Mme Lamarre dans le cadre d’un futur concours et qui violerait les principes du mérite devant servir de base aux nominations, tel que l’exigent les diverses lois régissant l’emploi dans la fonction publique. Toutefois, même si je faisais droit à cet argument et abstraction faite de la dissociation exigée entre acte répréhensible et représailles, la preuve ne m’apparaît pas suffisante en l’espèce pour conclure que l’obligation de démontrer la forte possibilité que Mme Lamarre fût sur le point de commettre un acte répréhensible dans le cadre du concours a été remplie. Je suis donc d’accord avec l’employeur pour dire que les révélations que Mme Dunn a faites à Mme Lecompte le 18 janvier 2011 eu égard à sa divulgation protégée faite en 2010 concernant Mme Lamarre ne peuvent avoir qualité de divulgation protégée au sens de la Loi.

    (b)  Les divulgations faites en 2010

    [81]  Bien que les parties n’aient pas explicitement abordé la question, je ne crois pas que la conclusion selon laquelle la divulgation faite le 18 janvier 2011 n’était pas protégée au sens de la Loi voue forcément les allégations de représailles de Mme Dunn à l’échec faute d’être fondées sur une divulgation protégée. Il semble que les divulgations faites en 2010 pourraient servir de fondement aux présentes plaintes de représailles.

    [82]  Il n’est pas contesté qu’il s’agit de divulgations protégées et que, selon l’esprit de la Loi, le premier critère pour prouver l’existence de représailles est donc rempli. Les éléments litigieux à l’égard des divulgations protégées faites en 2010, en ce qui concerne la décision d’ordonner une mesure de réparation à l’égard de Mme Dunn ou des sanctions disciplinaires contre Mme Lecompte, découlent de l’interprétation du sens de l’expression « pour le motif » dans la définition de représailles et du lien à établir. Selon l’esprit de la Loi, le Tribunal doit examiner les questions de lien seulement après que la Commission a établi que Mme Dunn a été victime de l’une des mesures de représailles décrites dans la définition de ce terme.

    (2)  La plaignante doit avoir été victime de l’une des mesures énumérées dans la définition de « représailles » dans la Loi.

    [83]  En l’espèce, il y a consensus sur le fait qu’une mesure de représailles est pertinente selon la définition de la Loi si le commissaire peut démontrer que Mme Dunn a été victime d’une « mesure portant atteinte à son emploi ou à ses conditions de travail » [TRADUCTION]. Le commissaire a circonscrit cette démonstration à deux formes de représailles : Mme Dunn a été ciblée par Mme Lecompte qui surveillait ses congés et ses arrivées tardives, et elle a été isolée de ses collègues en raison des faits précis décrits dans l’exposé des précisions.

    [84]  L’analyse qui suit m’amène à conclure que le commissaire n’a pas réussi à établir, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Dunn a été victime de telles mesures, ou que ces mesures ont porté atteinte à son emploi ou à ses conditions de travail. En conséquence, rien ne m’oblige à me pencher sur les questions de lien qui établiraient que de telles mesures ont été prises contre Mme Dunn à la suite des divulgations protégées faites en 2010.

    [85]  Cependant, comme ces conclusions sont susceptibles de contrôle et de révocation, je vais tout de même me pencher sur les questions relatives au lien. Qui plus est, dans l’exécution de l’analyse détaillée des mesures de représailles, il n’est pas pratique de dissocier ces mesures des questions factuelles relatives au lien, étudiées dans la partie qui suit.

    (3)  Questions relatives au lien

    [86]  Pour établir que des représailles ont été exercées, le commissaire doit faire la démonstration, selon la prépondérance des probabilités, de l’existence d’un lien pertinent entre les divulgations protégées faites en 2010 et la mesure de représailles ainsi établie. De plus, en ce qui concerne l’établissement des raisons suffisantes pour ordonner une sanction disciplinaire contre Mme Lecompte, les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si, après avoir établi le lien, le commissaire doit prouver le caractère intentionnel des mesures de représailles contre Mme Dunn à la suite de ses divulgations protégées. Ces deux aspects seront abordés dans l’analyse qui suit.

    (a)  Le lien entre les divulgations protégées faites en 2010 et les mesures de représailles alléguées

    [87]  La question étudiée dans la présente partie est de savoir si les divulgations faites en 2010 ont un lien suffisant avec les représailles alléguées. En fait, il s’agit de déterminer si la première plainte de représailles soumise en mars 2011 constitue un lien suffisant dans la chaîne de causalité entre les divulgations protégées faites en 2010 et les mesures de représailles alléguées pour justifier d’ordonner une mesure de réparation à l’égard de Mme Dunn.

    [88]  Je conclus à l’impossibilité de démontrer l’existence d’un lien direct entre les divulgations protégées faites en 2010 et un motif quelconque qu’aurait eu Mme Lecompte d’user de représailles à l’endroit de Mme Dunn. Mme Lecompte n’a intégré la DGSEE qu’après les divulgations d’actes répréhensibles allégués faites en 2010, et ne peut donc pas avoir eu de rôle quelconque quant à celles-ci. Je pense toutefois qu’elle pourrait avoir un lien indirect avec la plainte de représailles soumise en mars 2011, puisqu’elle a servi d’intermédiaire chargée d’exécuter les instructions de Mme Scotton de cibler Mme Dunn en la surveillant et en l’isolant de ses collègues.

    [89]  Si l’existence d’un lien subsidiaire ou indirect peut être établie entre les divulgations faites en 2010 et le rôle de Mme Lecompte comme intermédiaire chargée d’agir au nom de Mme Scotton, ce serait suffisant pour qu’elle soit identifiée dans la première plainte de mars 2011. Une fois qu’il est établi que la première plainte est suffisamment liée aux divulgations protégées faites en 2010, elle devient le lien avec les allégations de représailles qui ont fait l’objet de l’audience du 26 septembre 2012 dans cette affaire. J’entends par cela que le fait d’être cité dans une plainte, fût-elle infondée, peut être reconnu comme un lien raisonnable avec des représailles, voire comme un motif pour en user.

    [90]  Cela étant dit, je ne puis retenir cette chaîne de causalité parce que les éléments de preuve ne suffisent pas à étayer l’existence d’un lien de causalité indirect entre les divulgations protégées faites en 2010 et les mesures de représailles reprochées à Mme Lecompte, qui sont le fondement de la plainte de représailles soumise en mars 2011. Le commissaire a choisi de ne pas produire en preuve cette plainte de représailles, qui aurait pu fournir un certain fondement pour considérer que Mme Lecompte a été une intermédiaire exécutant les instructions de Mme Scotton. Mme Dunn a déclaré dans son témoignage que Mme Lecompte était identifiée dans la plainte de représailles soumise en 2011, et celle-ci ne l’a jamais nié. Cependant, cela ne suffit pas non plus pour établir un lien de causalité entre les divulgations protégées faites en 2010 à l’égard de Mme Scotton et les mesures de représailles prétendument exercées par Mme Lecompte contre Mme Dunn, qui font l’objet de la plainte de représailles soumise en mars 2011. La seule information fournie au Tribunal a trait à la dotation des postes AS-5 et AS-7, mais elle ne suffit pas pour associer Mme Lecompte aux divulgations protégées faites en 2010. Par conséquent, aucune preuve ne permet de relier les mesures de représailles qu’aurait exercées Mme Lecompte, sous la férule de Mme Scotton, et donc d’établir un lien de causalité avec les divulgations protégées faites en 2010 concernant Mmes Scotton ou Lamarre.

    [91]  Le Tribunal serait étonné que l’omission de produire en preuve la première plainte de représailles soumise en mars 2011 par Mme Dunn soit le résultat d’un simple oubli du commissaire ou de la plaignante. Les deux étaient représentés par des avocats compétents et chevronnés. Quand une partie ne produit pas un document pertinent, le Tribunal tient pour acquis que la raison en est qu’il ne lui aurait pas été favorable. Les raisons pour lesquelles le commissaire n’aurait pas souhaité que le Tribunal ait un document à sa disposition sont multiples. Il est possible que les plaintes n’aient pas fait de lien avec Mme Lecompte à titre d’exécutante des instructions de Mme Scotton. Il se peut également que les plaintes de Mme Dunn aient été si peu fondées au vu des documents qu’il s’avérait impossible de les utiliser comme fondement valable de la première plainte de représailles, et que leur utilisation ait miné la décision du commissaire de retenir seulement deux allégations ayant des conséquences relativement négligeables sur l’emploi de Mme Dunn parmi la pléthore d’allégations portées contre Mmes Scotton et Lecompte dans les deux plaintes de représailles.

    [92]  Le Tribunal souligne également le choix du commissaire de ne pas faire valoir des arguments précis démontrant comment un lien pourrait être établi entre les divulgations protégées faites en 2010 et les représailles alléguées de Mme Lecompte à l’endroit de Mme Dunn. De fait, la seule causalité associée au lien entre les divulgations protégées faites en 2010 et les mesures de représailles alléguées a trait à la forme plurielle du terme « divulgations » dans l’ensemble des observations concernant le lien. Compte tenu de l’ensemble de cette preuve, je conclus que le commissaire a principalement fondé son dossier sur la divulgation d’information à Mme Lecompte en janvier 2011 pour établir un lien entre les allégations de représailles exercées contre Mme Dunn.

    [93]  Au lieu d’établir un lien pertinent entre les représailles et les divulgations protégées faites en 2010, le commissaire a fait valoir l’argument non corroboré selon lequel Mme Lecompte avait tenu pour acquis que Mme Dunn était une « geignarde » [TRADUCTION], tel qu’il est avancé au paragraphe 64 et dans d’autres passages semblables de ses observations, comme suit :

    [TRADUCTION]

    Selon les éléments de preuve soumis, le commissaire est d’avis que Mme Lecompte considérait Mme Dunn comme une « geignarde » à la suite des divulgations protégées que celle-ci lui avait transmises concernant des irrégularités dans le processus de dotation et les conflits d’intérêts liés à la consultante en services d’aide temporaire (JL).

    [94]  Le Tribunal estime qu’aucune preuve ne se dégage des nombreuses journées d’audience, et aucune n’a été invoquée dans les observations du commissaire qui corroborerait cette conclusion factuelle infondée et, à vrai dire, erronée. Le seul élément de preuve concernant la perception qu’avait Mme Lecompte des plaintes de représailles est son commentaire bienveillant sur le fait que Mme Dunn « n’était pas heureuse dans son milieu de travail, et qu’elle avait été extrêmement blessée de ne pas avoir été retenue pour le poste à l’issue du processus de dotation » [TRADUCTION].

    [95]  Finalement, le commissaire a simplement formulé les observations suivantes à l’égard du lien dans son exposé des précisions :

    [TRADUCTION]

    Il est aussi avancé que pendant la tenue d’une enquête du Commissariat à la suite d’une plainte de représailles, le plaignant continue de bénéficier de la protection de la LPFDAR contre d’autres mesures de représailles, conformément aux objectifs et à l’objet de la Loi.

    [soulignement ajoutés]

    [96]  Étant donné que l’article 8 de la Loi n’inclut pas la plainte de représailles dans la définition d’un acte répréhensible, et que la définition de « représailles » exige l’existence d’un lien de causalité entre une mesure de représailles alléguée et une divulgation protégée, je rejette cet argument. Le libellé de la Loi ne saurait être subverti au point qu’une divulgation protégée puisse être admise comme fondement d’une plainte de représailles à l’encontre d’une personne dont la conduite n’a aucun lien avec la divulgation protégée.

    [97]  De surcroît, l’extrait précédent de l’exposé des précisions du commissaire ne constitue pas une réponse à l’observation de l’employeur selon laquelle l’affaire n’aurait jamais dû suivre son cours du point de vue de l’intérêt public, tout au moins si l’on considère que le commissaire invoque « les objectifs et l’objet » [TRADUCTION] de la Loi à l’appui d’un argument auquel la Loi ne donne aucun fondement.

    [98]  Il est souligné à cet égard que le commissaire a omis de mentionner, en parlant d’une mesure de représailles exercée dans le cadre d’une enquête sur une plainte, que celle-ci s’est révélée infondée. Le public bien informé pourrait ne pas souscrire à l’argument selon lequel « les objectifs et l’objet de la LPFDAR » [TRADUCTION] seraient bien servis si la soumission de plaintes de représailles au cours d’une enquête sur des plaintes de représailles qui se révèlent infondées était permise ou encouragée sans raison valable. À ce sujet, le Tribunal s’est vu rappeler que la législation avait été adoptée à la suite des fraudes très graves dont le gouvernement fédéral canadien a été victime dans le scandale des commandites. Les circonstances de l’espèce sont loin de ressembler à celles du scandale des commandites. Elles mettent en jeu des plaintes relativement mineures concernant la surveillance des congés d’une employée et son isolement de ses collègues après une mutation qu’elle avait elle-même sollicitée. Les deux affaires font intervenir l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’une gestionnaire dans le cadre d’un processus de dotation dans lequel Mme Lecompte a joué un rôle tout au plus accessoire pour ce qui est d’une allégation de lien avec une divulgation protégée. Bref, je ne suis pas convaincu que les circonstances de l’espèce corroborent l’argument pour le moins forcé selon lequel un lien peut être établi par référence « aux objectifs et à l’objet » [TRADUCTION] de la Loi.

    [99]  Au vu de l’analyse qui précède, je conclus que la demande du commissaire devrait être rejetée au motif qu’il n’existe pas de lien entre une quelconque divulgation protégée et les mesures de représailles alléguées à l’endroit de Mme Dunn.

    (b)  Une intention est requise pour justifier une ordonnance de sanction disciplinaire à l’endroit de Mme Lecompte

    (i)  Explication de l’intention

    [100]  Pour m’assurer que les différences juridiques couramment admises entre les éléments psychologiques fondés sur la faute qui sont rattachés aux conduites préjudiciables pour autrui sont bien comprises, je vais donner une brève description des distinctions qui s’appliquent généralement. Parmi les types de conduites fondées sur la faute, la négligence est la moins grave, dans la mesure où les résultats de la conduite fautive ne découlent pas d’une intention de l’intimé, mais se produisent néanmoins par suite d’une inadvertance objectivement déraisonnable de sa part, selon la définition des principes applicables à une conclusion de négligence en droit. Aucunes représailles découlant d’une négligence ne sont en cause en l’espèce.

    [101]  À l’opposé de la négligence, une conduite sera considérée comme intentionnelle s’il est prouvé que le préjudice causé a été délibérément recherché par l’auteur et que, de fait, le résultat escompté s’est produit. Ainsi, s’il faut prouver le caractère intentionnel des représailles exercées par Mme Lecompte, la plaignante devra faire la démonstration à la fois que Mme Lecompte a donné des instructions qui ont eu pour conséquence néfaste d’isoler Mme Dunn de ses collègues, et que ce résultat était intentionnel parce que Mme Lecompte voulait se venger après la plainte de représailles soumise contre elle par Mme Dunn. Le moyen de défense opposable à un plaidoyer lié à l’intention est centré sur le lien entre l’instruction à l’origine de l’isolement afin de déterminer si elle avait été donnée en guise de représailles, ou si elle relevait au contraire d’une volonté d’un cadre d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire dans un but légitime lié au travail et justifiant l’isolement de Mme Dunn qui s’est ensuivi.

    [102]  Outre l’exigence relative à l’intention, certaines causes d’action doivent comporter un élément de mauvaise foi ou de malveillance pour être déclarées intentionnelles. Si la nature des causes d’action entachées de « mauvaise foi » peut dépendre du contexte, en l’espèce elle se rapporte à une « conduite procédant d’un motif illégitime, ou adoptée dans un but illégitime, indirect ou inavoué » [TRADUCTION] (Macmillan Bloedel Ltd. v. Galiano Island Trust Committee, 1995 CanLII 4585, au paragraphe 53, [1995] B.C.J. 1763 (BC CA).

    [103]  Puisque le commissaire a soutenu que Mme Lecompte avait insidieusement usé de représailles à l’endroit de Mme Dunn en s’abritant sous le couvert de l’exercice légitime d’un pouvoir discrétionnaire de la direction, je conclus qu’il allègue que Mme Lecompte a agi de mauvaise foi. Peu importe que Mme Lecompte ait ou non agi de mauvaise foi, si l’élément d’intention est nécessaire pour justifier une ordonnance de sanction disciplinaire à son encontre, je ne puis conclure que le commissaire est obligé de prouver que les mesures de représailles ont été exercées de mauvaise foi, mais uniquement qu’elles découlaient d’une volonté de vengeance à la suite des divulgations protégées.

    (ii)  Observations des parties

    [104]  Les parties ne s’entendent pas : la plaignante et le commissaire soutiennent que l’élément d’intention ne devrait pas être requis, tandis que l’employeur et Mme Lecompte font valoir que la Loi prévoit une exigence relative à l’intention concernant les représailles. Je vais examiner les positions des deux parties avant de procéder à l’analyse de la législation, après quoi je confirmerai les deux points de vue, dans une certaine mesure.

    [105]  La plaignante et le commissaire soutiennent que l’élément d’intention n’est pas requis pour établir l’existence d’un lien entre une divulgation protégée d’un acte répréhensible et des représailles. Cet argument repose sur l’objet de la Loi, analogue à celui qui est invoqué dans la jurisprudence en matière de droits de la personne, et la définition du terme « représailles » dans la Loi. D’après eux, une exigence de preuve de l’intention irait à l’encontre de l’objectif de la Loi d’offrir une protection contre les représailles. Selon la décision El-Helou c. Service administratif des tribunaux judiciaires, 2011 TPFD 1, au paragraphe 2, l’objet de la LPFDAR est de créer un havre pour les fonctionnaires afin qu’ils puissent divulguer des actes répréhensibles et être protégés contre les représailles. La Loi peut remplir ces objectifs seulement si le lien entre une divulgation protégée et une mesure de représailles reçoit une définition assez large, qui « reconnaît que l’exercice de représailles à la suite de la divulgation d’actes répréhensibles peut être insidieux » (El-Helou c. Service administratif des tribunaux judiciaires, 2011 TPFD 3, au paragraphe 38). Ainsi, au paragraphe 48 de cette décision, le juge Martineau insiste pour dire qu’« [u]ne interprétation trop formaliste de la Loi rendrait ses effets stériles ». Le commissaire reprend cet argumentaire pour faire valoir que l’élément d’intention n’est pas requis pour fonder une plainte de représailles dans le contexte des droits de la personne. Il ajoute que la jurisprudence est claire à cet égard.

    [106]  L’employeur estime quant à lui que l’élément d’intention est essentiel à une conclusion de représailles. Il affirme qu’une distinction doit être faite avec la jurisprudence invoquée par la plaignante. Les affaires auxquelles la plaignante fait référence interprètent la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, ch. H-6 [LCDP], qui inclut les représailles au nombre des pratiques discriminatoires interdites sous son régime. Aux fins de la LCDP, les représailles sont nécessairement interprétées dans le sens de la discrimination et, par conséquent, l’intention ne peut être requise. En revanche, la LPFDAR n’assimile pas les représailles à une pratique discriminatoire et, par conséquent, l’absence d’une exigence relative à l’intention pour établir une discrimination n’y est pas transposable. Il s’ensuit que le régime de la LPFDAR est analogue à celui du Code des droits de la personne de l’Ontario, LRO 1990, ch. H.19, en vertu duquel les tribunaux ont convenu qu’une intention est requise pour établir une allégation de représailles, comme ils l’ont fait dans d’autres décisions dans lesquelles le terme n’est pas défini par référence à la discrimination.

    (iii)  Inutilité de la jurisprudence en matière des droits de la personne pour l’interprétation de la notion de représailles au sens de la Loi

    [107]  Bien qu’elle puisse fournir une analogie utile quant à la procédure, la jurisprudence en matière de droits de la personne ne m’apparaît d’aucune utilité en ce qui concerne l’interprétation de la notion de « représailles » au sens de la LPFDAR.

    [108]  Comme il a été vu précédemment, la plaignante se fonde largement sur la jurisprudence du Tribunal canadien des droits de la personne [TCDP] pour faire valoir que, au même titre que pour les allégations de « représailles » dans les plaintes afférentes aux droits de la personne, il n’y a pas d’exigence relative à l’intention en ce qui concerne les mesures de représailles interdites par la LPFDAR.

    [109]  La plaignante cite notamment la décision Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada, 2015 TCDP 14 [Société de soutien à l’enfance]. Dans cette instance, le TCDP est parvenu à la conclusion qu’il n’est pas nécessaire qu’on lui soumette une preuve d’intention pour étayer une allégation de représailles, mais seulement que le plaignant fasse la démonstration d’une « perception raisonnable » de l’existence de représailles. Cette décision s’inscrit dans un courant jurisprudentiel qui tire son origine de la décision Entrop v. Imperial Oil Ltd. (No. 7), (1995), 23 C.H.R.R. D/213, confirmée par (1998) O.A.C. 188 (C. Div.), modifiée pour d’autres motifs par (2000), 50 O.R. 3(d) 18 (C.A.) [Entrop]. Dans la décision Entrop, la commission d’enquête ontarienne s’est penchée sur l’interprétation de l’article 8 du Code des droits de la personne de l’Ontario [le Code], qui porte sur le droit de faire des revendications sous son régime « sans représailles ni menaces de représailles ».

    [110]  Plusieurs motifs me portent à conclure que les décisions Société de soutien à l’enfance et Entrop ne peuvent pas s’appliquer à une analyse de l’élément moral exigé pour établir l’existence de représailles en vertu de la LPFDAR. Premièrement, l’approche exposée dans la décision Entrop n’a pas été retenue par le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario. Je conclus que le droit applicable sous le régime ontarien est celui qui est exposé dans la décision Noble v. York University, 2010 HRTO 878, aux paragraphes 31 et 32 [Noble] (avec mes indications numérotées entre crochets) :

    [TRADUCTION]

    [31]  Pour faire la preuve de l’existence de représailles, le plaignant (dorénavant appelé le demandeur) doit établir que l’intimé s’est comporté d’une façon, ou a menacé de le faire, qui visait à exercer des représailles à la suite d’une revendication ou de l’exercice d’un droit en vertu du Code. À l’inverse d’une allégation de discrimination, pour laquelle il n’est aucunement nécessaire de démontrer une intention pour établir une violation, [1] si des représailles sont alléguées, le plaignant doit faire la démonstration que la conduite était destinée à punir ou à exercer des représailles. Se reporter à Jones, précitée; Jones v. Amway of Canada Ltd., 2001 CanLII 26217 (TDP de l’Ont); Ketola v. Value Propane Ltd., 2002 CanLII 46510 (TDP de l’Ont.); Moffatt v. Kinark Child & Family Services (1998), 35 C.H.R.R. D/205 (Comm. d’enq. ont.).

    [32] Le plaignant a contesté ce principe. À son avis, un plaignant ne peut pas savoir ce qu’un intimé avait à l’esprit. Ce n’est pas faux et, dans bien des cas, il n’existe aucune preuve directe de l’intention d’un intimé d’user de représailles. Les représailles, tout comme la discrimination, sont rarement exercées au vu et au su de tous. Quoi qu’il en soit, ce constat ne change rien à l’application de ce principe bien établi dans les affaires de représailles, et il n’interdit pas non plus à un plaignant de prouver l’existence d’une intention. [2] L’intention peut être démontrée par inférence, à partir de l’ensemble de la preuve. Suivant la jurisprudence qui fait autorité depuis longtemps dans les affaires de droits de la personne, dès lors qu’un plaignant a réussi à établir suffisamment de faits pour qu’il soit tranché que le Code a été violé, il revient à l’intimé de fournir une justification valable de la conduite reprochée. Il appartient ensuite au plaignant de fournir des éléments de preuve qui attestent que l’explication n’est pas crédible ou qu’il s’agit seulement d’un prétexte. Le Tribunal appréciera ensuite l’ensemble de la preuve afin de déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si la violation du Code a été démontrée dans l’affaire de représailles sous examen.

    [111]  Dans Entrop, la question du lien a été abordée sur le plan des « liens » [TRADUCTION]. La commission a envisagé l’élément moral non pas du point de vue de l’auteur présumé d’un acte répréhensible, mais plutôt du point de vue de la victime alléguée des représailles, et se demande si la conduite reprochée a donné lieu à une « perception raisonnable » [TRADUCTION] de représailles. Au moins trois raisons m’amènent à conclure que cette approche ne devrait pas être suivie. L’essentiel du raisonnement de la Commission est résumé aux paragraphes 37 à 39 de la décision Entrop (avec mes indications numérotées entre crochets) :

    [TRADUCTION]

    [37] Dans la décision Donaldson v. 463963 Ontario Ltd. (non publiée, 14 janvier 1994; comm. d’enq. ont.), il est mentionné que la définition de « reprisal » dans le dictionnaire Oxford est la suivante : « act of retaliation » (les mots « reprisal » et « retaliation » sont synonymes en anglais). Pour prouver que l’article visé a été violé, la commission doit produire des éléments de preuve attestant qu’un acte répréhensible a été commis ou que des menaces ont été proférées. La commission doit en outre établir l’existence d’un lien entre l’acte répréhensible ou la menace et l’exercice des droits d’une personne en vertu du Code.

    [38] L’existence dudit lien peut être démontrée de plusieurs façons.

    [39] Si un élément de preuve atteste que l’intimé a agi ou a proféré des menaces en guise de représailles à la suite d’une plainte en matière de droits de la personne, le lien requis peut être établi. [1] Cependant, selon la jurisprudence bien établie en matière de droits de la personne, l’incapacité de prouver l’intention ne voue pas forcément la revendication à l’échec. [2] Dans beaucoup de situations, l’intimé n’est pas conscient que son comportement a un effet discriminatoire. Ses actes n’en sont pas moins potentiellement très préjudiciables. Comme le souligne la Cour suprême du Canada dans l’arrêt CN c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne) (1987), 8 C.H.R.R. D/4210, « l’imputation d’une exigence d’“intention”, même non liée à la faute morale, ne répondrait pas adéquatement aux nombreux cas où des politiques et pratiques ont un effet discriminatoire, même si cet effet n’a été ni voulu ni prévu ». Voir également les arrêts Central Alberta Dairy Pool c. Alberta (Commission des droits de la personne), [1990] 2 RCS 489, et Commission ontarienne des droits de la personne c. SimpsonsSears Ltd., [1985] 2 RCS 536. [3] L’objet de la législation sur les droits de la personne n’est pas de châtier, mais d’indemniser les victimes. L’accent est mis principalement sur l’incidence du comportement reproché. La commission d’enquête doit donc se concentrer sur l’effet qu’a eue une conduite sur les perceptions du plaignant. [4] Si le plaignant a raisonnablement perçu que la conduite visait à exercer des représailles à la suite d’une plainte relative aux droits de la personne, cela constitue également un lien suffisant, nonobstant l’intention prouvée de l’intimé. (Voir aussi la décision Donaldson v. 463963 Ontario Ltd., précitée.)

    [112]  En toute déférence, je peux souscrire au raisonnement suivi aux paragraphes précédés des numéros 1 et 2 entre crochets. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi, même si un intimé n’est pas conscient de l’effet discriminatoire d’un comportement, l’élément d’intention ne peut être exigé pour établir l’existence de représailles. Ce n’est pas le comportement discriminatoire en soi, mais la plainte qu’il a provoquée et dont l’intimé est conscient, qui est à l’origine des représailles exercées en guise de revanche. En ce sens, il apparaît illogique (1) de transposer l’exigence relative à l’élément psychologique de l’auteur à la victime, ou (2) d’appliquer un critère axé sur un élément moral objectif ou subjectif lié aux perceptions raisonnables de la victime pour établir l’existence de représailles.

    [113]  Deuxièmement, et c’est le point le plus important, la commission souligne que « [l]’objet de la législation sur les droits de la personne n’est pas de châtier, mais d’indemniser les victimes. L’accent est mis principalement sur l’incidence du comportement reproché. » Le principal objectif de la LPFDAR est d’encourager les donneurs d’alerte à faire des divulgations protégées à l’abri des représailles. Toutefois, les protections offertes sont explicitement distinctes. La première voie prévoit une protection et une indemnisation lorsque le donneur d’alerte a subi des effets indésirables sans que personne ne soit identifié ou déclaré responsable d’avoir usé de représailles. L’autre processus de plainte de représailles repose entièrement sur les sanctions disciplinaires que le législateur a prévues pour punir quiconque a usé de représailles à l’endroit d’une personne qui a divulgué un acte répréhensible allégué. De fait, si le Tribunal parvient à la conclusion qu’une personne a exercé des représailles à l’endroit d’un plaignant, celui-ci n’a aucun pouvoir sur la punition à infliger (se reporter au paragraphe 21.5[5]).

    [114]  Troisièmement, comme l’a évoqué l’employeur, la disposition sur les représailles (article 14.1) de la LCDP se distingue par la correspondance qu’elle établit avec la discrimination. Cette particularité offre un prétexte, dans la mesure où, sous le régime de la LCDP, il est possible d’alléguer un lien requis avec une plainte de discrimination en partant du principe que l’absence de dessein vindicatif de l’auteur à la suite d’une plainte de représailles ne constitue pas un facteur pertinent, au contraire de la perception raisonnable du plaignant de la nature manifestement vindicative des représailles. Cela permettrait, dans une certaine mesure, de sanctionner l’auteur d’un acte répréhensible dans des situations où, malgré le caractère raisonnable de son comportement, telle n’a pas été la perception raisonnable – ni subjective ou objective – du plaignant.

    [115]  Je conviens avec l’employeur qu’à cet égard, la LPFDAR diverge de la LCDP. En intégrant la notion de représailles aux dispositions sur la discrimination, le législateur a donné ouverture à des analogies dans l’interprétation des deux notions. On ne peut pas en dire autant de la notion de représailles sous le régime de la LPFDAR.

    [116]  Enfin, eu égard à une question de fond d’un tout autre ordre, je ne puis souscrire, en toute déférence, au passage du paragraphe 26 de la décision Société de soutien à l’enfance comme quoi « […] une obligation d’établir l’existence d’une intention ferait en sorte qu’il serait fort difficile d’étayer une plainte de représailles » [TRADUCTION]. L’appréciation du caractère insidieux d’une conduite, quelle qu’elle soit, est forcément plus exigeante pour le décideur puisque la preuve n’est ni directe ni évidente. C’est la conclusion manifeste qui se dégagera de l’analyse qui suit. Néanmoins, même si des représailles sont insidieuses, ce n’est rien de nouveau ni d’inhabituel pour les juges de première instance, qui appliquent tous les jours des outils juridiques traditionnels mis au point au fil des siècles pour trancher ces questions. Une plainte de représailles met en cause une forme de plus de cause d’action intentionnelle. Elle suit la procédure décrite dans le passage précité de la décision Noble et peut porter sur toutes sortes de conduites, y compris les agissements insidieux que des personnes reprochent à d’autres.

    [117]  Étant donné que la jurisprudence du TCDP n’a pas tranché la question, je dois procéder à l’interprétation de la définition que la LPFDAR donne au terme « représailles ».

    (iv)  Analyse textuelle et contextuelle

    [118]  La Cour suprême adhère au « principe moderne » d’interprétation des lois, formulé par Elmer Driedger dans son ouvrage Construction of Statutes (2e éd., 1983) (se reporter à Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 RCS 27, au paragraphe 21), selon lequel :

    [TRADUCTION]

    Aujourd’hui, il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

    [119]  L’interprétation d’une loi commence par l’examen du « sens ordinaire » du texte. Le sens ordinaire, celui que comprend un usager compétent de la langue quand il lit les mots dans leur contexte immédiat, est réputé être celui que le législateur avait l’intention de donner au terme en question, à moins que des éléments contextuels suggèrent qu’il voulait apporter des nuances (Ruth Sullivan, Statutory Interpretation, Concord, Ont., Irwin Law, 1997).

    [120]  La définition que les dictionnaires donnent aux termes interprétés s’avère particulièrement utile pour circonscrire la gamme des sens plausibles d’un mot en particulier (ATCO Gas and Pipelines Ltd c. Alberta (Utilities Commission), 2015 CSC 45, au paragraphe 34). En anglais, le terme « reprisal » (« représailles ») est un synonyme peu usité de la forme plus connue retaliation. Dans le dictionnaire Canadian Oxford, le terme « reprisal » est défini comme étant « any act of retaliation ». La définition de « retaliation » est la suivante : « respond to an injury, insult, assault, in like manner; attack in return » [riposte à une injure, une insulte, une agression, infligée de la même manière; attaque à titre de réciprocité]. Le dictionnaire en ligne donne une définition similaire, et lui associe également un caractère « vindicatif ». Dans la version française de la Loi, le terme « représailles » est employé pour traduire « reprisal ». La définition de « représailles » dans le dictionnaire Le Petit Robert invite le lecteur à se reporter au terme venger. À mon avis, le grand public donne au terme « représailles » le sens de l’adage biblique « œil pour œil, dent pour dent ». Bref, il est toujours question de vengeance, un acte dont le caractère intentionnel ne peut être contesté.

    [121]  À l’article 2 de la Loi, le terme « représailles » est défini comme suit : « L’une ou l’autre des mesures ci-après  prises à l’encontre d’un fonctionnaire pour le motif qu’il a fait une divulgation protégée ou pour le motif qu’il a collaboré de bonne foi à une enquête menée sur une divulgation ou commencée au titre de l’article 33 ». [Nos italiques.] Je trouve que la définition de « représailles » est ambiguë, ou du moins que son libellé évite délibérément toute référence à un élément psychologique, de sorte que l’intention peut être inférée à partir du contexte dans lequel le terme est employé dans la Loi.

    [122]  Comme je l’ai mentionné précédemment, le Tribunal a deux possibilités pour rendre des ordonnances distinctes en cas de représailles. Le premier type d’ordonnance, que je décrirais comme étant de l’ordre de la réparation et de l’indemnisation, est visé à l’alinéa 20.4(1)a), et permet de prendre à l’égard du plaignant l’une des mesures de réparation décrites au paragraphe 21.7(1). Le deuxième type d’ordonnance, visé à l’alinéa 20.4(1)b), habilite le Tribunal à ordonner une sanction disciplinaire à l’encontre d’une personne identifiée dans une demande comme étant celle qui a exercé des représailles contre le plaignant.

    [123]  Le régime de la Loi prévoit par conséquent de rendre une ordonnance ou d’ordonner une mesure de réparation en vue de compenser les préjudices que des représailles ont fait subir au plaignant, et de l’indemniser, dans la mesure du possible, jusqu’à concurrence de 10 000 $ pour les souffrances et douleurs endurées. Dans la mesure où le législateur avait l’intention de protéger les personnes contre des mesures prises contre elles « simplement parce qu’elles » ont fait une divulgation protégée, les mesures de réparation et d’indemnisation prévues remplissent cet objectif sans qu’il soit nécessaire de prouver la responsabilité des préjudices subis par quiconque (décision Agnaou c. Canada, 2015 CAF 29, au paragraphe 70).

    [124]  Étant donné qu’une ordonnance de réparation peut être rendue sans qu’il soit nécessaire d’identifier l’auteur des représailles, il est manifeste que l’intention ne peut entrer en ligne de compte puisque personne ne peut être affublé de celle-ci. À cet égard, je conviens avec le commissaire qu’il n’est pas requis de prouver l’intention pour obtenir une ordonnance de réparation ou d’indemnisation du Tribunal en vertu des alinéas 20.4(1)a) ou 20.4(1)b).

    [125]  Le commissaire a renvoyé la présente affaire au Tribunal en vertu de l’alinéa 20.4 (1)b) de la Loi. Ce renvoi ouvre droit à une décision connexe en vertu du paragraphe 21.5(1) s’il est établi que des représailles ont été exercées par la personne nommée dans une demande d’ordonnance de sanction disciplinaire en application du paragraphe 21.5(4). Ces dispositions prises ensemble prévoient que si le Tribunal conclut que des représailles ont été exercées, deux possibilités s’offrent à lui s’il décide de rendre une ordonnance : il peut ordonner une mesure de réparation « à l’égard du plaignant », et « la prise de sanctions disciplinaires » à l’encontre de la personne identifiée par le commissaire dans la demande comme étant celle qui a exercé les représailles. [Nos italiques.]

    [126]  Le fondement exigé pour ordonner une sanction disciplinaire est exposé à l’article 19 de la Loi :

    Il est interdit d’exercer des représailles contre un fonctionnaire, ou d’en ordonner l’exercice.

     

    [127]  Si l’on tient compte de l’économie générale de la loi et de la nature des deux ordonnances différentes que le Tribunal peut rendre à l’égard d’une demande présentée en vertu de l’alinéa 20.4(1)b), je suis convaincu que le législateur voulait éviter le problème survenu dans la décision Entrop, où une décision en matière de représailles établissant un lien avec un élément moral requis a donné lieu à deux ordonnances, l’une visant une réparation indemnitaire pour la plaignante, l’autre visant une mesure disciplinaire importante contre le présumé auteur des représailles. La LPFDAR, en obligeant le Tribunal à faire une distinction entre la question de savoir s’il y a eu des représailles sans tenir compte de la personne les ayant exercées et la question de savoir si une mesure disciplinaire devrait être ordonnée, a clairement établi une distinction entre deux procédures ayant des conséquences très différentes. Je conclus que cette distinction visait à permettre une interprétation du terme « représailles » selon le sens ordinaire de celui-ci, soit une forme de vengeance intentionnelle. Ce faisant, le législateur voulait adopter la norme habituelle en droit de l’emploi, qui exige l’attribution d’une faute avant l’application d’une mesure disciplinaire.

    [128]  Cette conclusion est confirmée par le sens ordinaire du terme « discipline », et donc par ce qui constituerait une mesure disciplinaire conformément à la Loi. En tant que nom, le terme « discipline » est défini comme suit dans le dictionnaire en ligne Oxford : « The practice of training people to obey rules or a code of behavior, using punishment to correct disobedience » (une pratique consistant à entraîner les gens à obéir aux règles ou à un code de conduite, en utilisant la punition pour corriger la désobéissance). En tant que verbe, le terme est défini ainsi : « Train (someone) to obey rules or a code of behavior, using punishment to correct disobedience » (le fait d’entraîner [quelqu’un] à obéir aux règles ou à un code de conduite en utilisant la punition pour corriger la désobéissance) [nos italiques dans les deux définitions]. La désobéissance vise évidemment une certaine forme d’acte répréhensible, selon le code de conduite applicable, d’une gravité suffisamment grande pour exiger une punition sous forme de mesure disciplinaire. J’en conclus qu’il serait extrêmement rare qu’une disposition législative prévoie qu’un employé doit être puni pour cause de « désobéissance » sans que l’employeur ait d’abord prouvé l’existence d’une faute quelconque, soit de la négligence ou un comportement intentionnel, pour justifier la punition. Du moins, le Tribunal ne connaît aucune disposition de ce genre dans le monde de l’emploi.

    [129]  Par ailleurs, il y a, la plupart du temps, deux côtés à une médaille dans le cadre d’une plainte pour représailles où une intention insidieuse est en jeu. Je crois que c’est le cas en l’espèce. Il serait injuste d’imposer une mesure disciplinaire en vertu de la LPFDAR sans d’abord prouver une faute de la part du présumé auteur des représailles, d’autant plus si l’on ne tient compte que du point de vue du plaignant, comme cela semble être l’approche utilisée en droit canadien des droits de la personne.

    [130]  Enfin, je conclus que l’observation du commissaire selon laquelle l’intention n’est pas requise pour prouver des représailles est incompatible avec son propre cas. Tout au long des procédures, l’ensemble des allégations faites contre Mme Lecompte portaient sur le fait qu’elle avait insidieusement exercé des représailles contre Mme Dunn en raison de sa divulgation protégée. Les parties demanderesses n’ont fourni aucun autre fondement factuel pour prouver que Mme Dunn a subi l’une des mesures de représailles énumérées dans la définition, ni que Mme Lecompte a exercé des représailles contre Mme Dunn de façon inoffensive ou par inadvertance pour justifier une mesure de réparation conformément au paragraphe 21.7(1).

    (v)  Conclusion

    [131]  Par conséquent, lorsque le commissaire renvoie une affaire au Tribunal et lui demande de déterminer si Mme Lecompte a « réellement exercé les représailles alléguées » [TRADUCTION] de sorte qu’une mesure disciplinaire serait requise, le commissaire doit prouver que Mme Lecompte avait l’intention d’exercer les représailles selon la norme civile de la prépondérance des probabilités. Cette exigence doit être remplie, que le commissaire allègue ou non une conduite insidieuse de la part de l’auteure présumée des représailles pour justifier une ordonnance visant une mesure disciplinaire contre elle.

    [132]  À titre d’addenda à la présente conclusion, je devrais souligner que la question de l’intention « juste » [TRADUCTION] n’est habituellement pas le point principal de ces affaires qui tournent invariablement autour d’une analyse minutieuse de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du gestionnaire qui porte atteinte à un plaignant. Je renvoie à la décision Noble à cet égard. Elle démontre que, lorsque l’employé prouve une incidence négative à la suite de la décision du gestionnaire, le fardeau se déplace sur ce dernier, qui doit alors prouver que sa décision est raisonnable. Par exemple, dans le cas en l’espèce, il est reconnu que toutes les mesures contestées prises par Mme Lecompte étaient délibérées et que les conséquences étaient voulues, dans ce sens où elles étaient le résultat de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Les mesures contestées ont, pour la plupart, été prises sous forme de directives à l’intention de M. Egglefield ou de Mme Nadon qui, selon le commissaire, avaient pour but de cibler Mme Dunn en raison de la divulgation protégée qu’elle avait faite et de la première plainte de représailles qu’elle avait déposée, de surveiller ses congés et ses arrivées tardives et de l’isoler de ses collègues.

    [133]  Sous cet angle, la question est la même que celle soulevée dans Noble, notamment celle de savoir si les directives (si elles sont prouvées) étaient justifiées dans les circonstances, de sorte qu’elles ne constituaient pas des représailles, mais plutôt un exercice légitime de la prérogative du gestionnaire. S’il est établi que les mesures prises par le gestionnaire ne sont pas raisonnablement justifiées, alors l’intention serait normalement inférée et une ordonnance de mesure disciplinaire serait rendue. Dans ces cas, la détermination de l’intention dépend donc du caractère raisonnable de la conduite du gestionnaire qui entraîne des répercussions négatives sur le plaignant, souvent sur le fondement de la question de savoir si d’autres solutions de rechange raisonnables ont été adoptées.

    (c)  Suffisance du lien de causalité

    [134]  Le Tribunal accepte l’observation du commissaire selon laquelle le lien de causalité entre la divulgation protégée et les représailles est suffisant s’il existe un lien complet ou partiel avec les mesures prises par le défendeur, comme il est décrit plus en détail ci-dessous :

    [TRADUCTION]

    Le commissaire soutient, avec respect, qu’étant donné la nature réparatrice de la LPFDAR et le sens ordinaire des termes prescrits dans la définition de représailles, une mesure n’a pas besoin d’être prise seulement parce qu’un fonctionnaire a fait une divulgation protégée. Le commissaire est plutôt d’avis que tant que l’on peut prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la divulgation protégée est suffisamment liée, en tout ou en partie, aux mesures prises par un défendeur, les protections accordées dans la Loi s’appliquent.

    [soulignement ajouté]

    C.  Mme Lecompte a-t-elle exercé des représailles contre Mme Dunn?

    (1)  Introduction

    [135]  Cette présentation des incidents allégués de représailles est en partie une explication de la longueur et de l’exhaustivité de l’analyse de la preuve qui suit. Deux explications sont offertes. Tout d’abord, il est bien reconnu que la plupart des représailles sont de nature insidieuse. En effet, la plaignante a passé beaucoup de temps à expliquer au Tribunal la nature insidieuse des représailles, particulièrement dans le lieu de travail, et donc, à le convaincre de la nécessité de réaliser une analyse minutieuse et détaillée du contexte dans lequel la conduite contestée a eu lieu.

    [136]  Le terme « insidieux » connote un large éventail de comportements, principalement de nature intentionnelle et malicieuse. Google résume ainsi la définition d’« insidieux » et de ses synonymes:

    [TRADUCTION]

    Procéder de manière graduelle et subtile, mais ayant des effets défavorables.

    Synonymes : furtif, subtile, subreptice, sournois, astucieux, perfide, rusé, malin, louche, indirect, trompeur.

    [137]  Ainsi, l’exercice qui consiste à évaluer les plaintes de représailles nécessite une analyse méticuleuse et granulaire des événements et une attention particulière au contexte des représailles alléguées afin de juger adéquatement si des représailles ont eu lieu.

    [138]  Ajoutant à la complexité et à la nature insidieuse de cette plainte, le cas de la plaignante est fondé presque entièrement sur les éléments de preuve fournis par son gestionnaire et sa seule collègue, soit M. Egglefield et Mme Nadon, respectivement.

    [139]  Normalement, lorsque des témoins tiers (l’un étant le gestionnaire de la plaignante) appuient un plaignant, la tâche du Tribunal devrait être relativement simple, particulièrement lorsque le seul témoin qui comparaît de l’autre côté est Mme Lecompte.

    [140]  Toutefois, en l’espèce, il est devenu immédiatement apparent au Tribunal que les deux témoins de la plaignante entretiennent une hostilité avouée à l’égard de Mme Lecompte. De plus, à plusieurs reprises les incompatibilités entre les versions des deux côtés étaient si irréconciliables que la seule conclusion raisonnable possible était que quelqu’un devait tenter délibérément de tromper le Tribunal. Aucun décideur n’aime être placé dans ce type de situation. Cela complique encore plus la tâche du Tribunal. Ce dernier doit porter une attention particulière aux moindres détails des témoignages et expliquer le raisonnement utilisé pour rejeter des éléments de preuve fournis par des témoins tiers normalement objectifs.

    [141]  Ensuite, le cas en l’espèce, comme la plupart des plaintes en milieu de travail, nécessite que l’on évalue l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire du gestionnaire qui, selon les allégations, a eu des répercussions négatives sur l’employée. Dans son argument sur la conclusion à tirer de tous les éléments de preuve au paragraphe 76 ci-dessous, le commissaire reconnaît qu’il s’agit de la forme d’analyse à appliquer à cette affaire :

    [TRADUCTION]

    76. Selon la totalité des circonstances, le commissaire est d’avis que le fait que Mme Lecompte était au courant des divulgations protégées, le moment où les mesures ont été prises contre la plaignante, et le manque d’éléments de preuve suffisants pour justifier les actes de Mme Lecompte qui ont eu un effet défavorable sur l’emploi et les conditions de travail de la plaignante indiquent qu’il y a eu des représailles.

    [soulignement ajouté]

    [142]  Cependant, lorsque des plaintes surviennent à la suite de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire du gestionnaire, particulièrement lorsqu’il y a des allégations de conduite insidieuse, le décideur doit examiner le caractère raisonnable tant de l’exercice du pouvoir discrétionnaire que celui de la plainte afin de tenir compte pleinement du contexte de la mesure insidieuse. Cela s’explique par le fait qu’il est reconnu que les griefs et les plaintes peuvent être utilisés non seulement comme bouclier afin de protéger l’employé comme présumée victime, mais aussi, à l’occasion, comme épée par un employé mécontent pour diverses raisons. Ces situations peuvent survenir dans plusieurs circonstances, notamment lorsque le gestionnaire essaie de corriger un lieu de travail déficient ou dysfonctionnel, ou lorsque l’employé n’est pas satisfait du pouvoir discrétionnaire exercé par le gestionnaire concernant des processus de dotation, comme c’est le cas en l’espèce. La possibilité de cette épée à deux tranchants est un aspect particulièrement difficile d’une plainte de représailles, car il s’agit d’une grave accusation d’acte répréhensible de la part de l’employeur, qui sert tant à protéger l’employé qu’à attaquer la personnalité et la réputation du gestionnaire.

    [143]  L’employeur et Mme Lecompte soutiennent que la plainte de représailles correspond à ce type de contexte. Ils font valoir que Mme Lecompte était vulnérable en raison du fait qu’un certain nombre de plaintes et de critiques avaient été déposées contre elle par des employés, y compris Mme Dunn, qui étaient mécontents de la façon dont elle gérait la DGSEE et, en particulier, du fait qu’elle ne les avait pas nommés à des postes dans divers processus de dotation qu’elle avait dirigés. Elle est arrivée en janvier 2011 en tant que nouvelle directrice et n’avait aucun lien avec les membres du personnel de la DGSEE. Je conclus qu’il n’y a pas de doute que son mandat était d’instaurer une certaine rigueur et une discipline dans un environnement considéré comme étant dysfonctionnel et un contexte de « laissez-faire », ainsi que pour régler un important arriéré d’enquêtes sur des plaintes présentées à AANC concernant la mauvaise utilisation des fonds publics. Trois mois plus tard, elle a fait l’objet de trois plaintes de représailles. Celles-ci découlaient de processus de dotation pour des postes que son prédécesseur avait laissés vacants et donc, qui étaient occupés sur une base intérimaire pendant plus de un an. Mme Dunn a présenté sa candidature pour deux d’entre eux, étant titulaire intérimaire du poste de niveau AS-5, ainsi que pour le poste de niveau AS-7. Dans ses évaluations des trois années antérieures, son ancien directeur avait qualifié son rendement d’exemplaire. Mme Dunn avait clairement de grandes attentes à l’égard d’au moins un des deux concours.

    [144]  Le Tribunal n’a pas été informé des circonstances des deux autres plaintes de représailles, sauf du fait qu’elles étaient elles aussi liées à des candidatures rejetées dans le cadre de ces processus de dotation. En effet, comme il a été mentionné, la première plainte de représailles déposée par Mme Dunn n’a pas été présentée en preuve. De plus, le Tribunal comprend que d’autres divulgations protégées d’actes répréhensibles ont été faites par des employés durant la période faisant l’objet de l’examen du Tribunal, lesquelles n’ont pas été présentées en preuve non plus et ont seulement été mentionnées lors des témoignages. Néanmoins, l’existence de trois plaintes de représailles au début d’un mandat de transformation d’un gestionnaire et la collecte continue d’éléments de preuve d’une conduite répréhensible de la part de Mme Lecompte durant la période en question soulèvent la question de savoir si elle était la cible d’un mauvais traitement des employés ou, à tout le moins, ils offrent un certain fondement pour ses actes à la lumière du contexte difficile dans lequel elle évoluait.

    [145]  Le mauvais traitement des gestionnaires de cette nature est une préoccupation reconnue dans la fonction publique du Canada, comme l’a récemment décrit l’Association professionnelle des cadres supérieurs de la fonction publique du Canada [APEX] dans son rapport de 2016 (http://apex.gc.ca/uploads/ase/ase%202015-16%20report%20-%20fr.pdf, aux pp. 16-17). Les auteurs ont observé une accentuation du phénomène des plaintes malicieuses comme forme d’intimidation, qu’ils décrivent ainsi :

    [TRADUCTION]

    La persécution collective est un phénomène nouveau et troublant que la Conseillère a entendu de certains clients. C’est une forme extrême d’intimidation et de violence psychologique en milieu de travail. C’est une forme passive agressive de harcèlement fondée sur l’ostracisme de la cible, similaire à ce que l’on voit souvent dans les cours d’école. La recherche démontre que ceux qui sont quelque peu différents (par ex., race, religion, leaders transformationnels) deviennent souvent des cibles. Essentiellement, un nombre d’employés se ligue contre leur supérieur et dépose des plaintes de harcèlement afin de se débarrasser de cette personne.

    Bien que ce soit difficile à prouver, il y a généralement un instigateur qui, délibérément, humilie la cible et pousse la personne à quitter le milieu de travail. Cela peut provoquer des blessures psychologiques graves, notamment lorsque la victime est alors immédiatement et délibérément rejetée par ses supérieurs et ses pairs, relevée de ses fonctions, renvoyée à son domicile ou isolée dans un bureau pour un « projet spécial ».

    Dans de nombreux cas, les allégations sont finalement jugées non fondées, mais la réputation de l’accusé est affectée et parfois son état psychologique a été affecté tout au long du processus. Beaucoup s’enfoncent dans la dépression, le trouble de stress post-traumatique, les traumatismes, l’anxiété, ce qui entraîne parfois des pensées suicidaires ou des tentatives de suicide. Beaucoup doivent assumer les frais juridiques engagés pour se défendre contre les allégations. Les enquêtes sur les cas d’« intimidation collective » prennent beaucoup de temps, d’énergie et de ressources.

    Il convient de reconnaître l’existence de ces types de comportements, et qu’il y a toujours deux côtés à une médaille. Il est donc essentiel de ne pas sauter aux conclusions sans avoir tous les faits. Les hauts fonctionnaires souhaiteront peut-être envisager de faire quelque chose dans les cas où une allégation est jugée non fondée - en particulier dans les cas où il semble y avoir une intention malveillante de la part des accusateurs. Il est rare que de fausses accusations ou que l’organisation d’une campagne de persécution collective ne soit pas assortie de conséquences.

    [soulignement ajouté]

    [146]  Pour toutes ces raisons, je conclus qu’en plus d’une analyse exhaustive de la preuve, étant convaincu que Mme Lecompte n’a pas exercé de représailles contre Mme Dunn, je dois fournir un ensemble de motifs complets pour expliquer ma décision. Cela, sans compter du fait qu’il s’agit de la première affaire instruite sur le fond par le Tribunal.

    (2)  Feuille de route de l’analyse

    [147]  Il n’est pas pratique de structurer l’analyse qui suit selon les trois décisions, comme le prescrit le paragraphe 21.5(1). Mon analyse vise plutôt les deux allégations principales de représailles qui auraient eu des répercussions négatives sur les conditions de travail de Mme Dunn. Premièrement, il est allégué que Mme Lecompte a ciblé Mme Dunn en surveillant ses congés et ses arrivées tardives alors qu’aucun autre membre du personnel ne faisait l’objet d’une telle surveillance. Deuxièmement, le commissaire prétend que Mme Lecompte a isolé Mme Dunn de ses collègues.

    [148]  Je commencerai mon analyse par une évaluation de la partialité reconnue des deux principaux témoins de la plaignante, M. Egglefield et Mme Nadon. Ensuite, j’examinerai les éléments de preuve démontrant l’existence de représailles d’une manière principalement chronologique en examinant les deux allégations générales du commissaire, m’attardant d’abord aux éléments de preuve limités selon lesquels Mme Dunn a été ciblée et ses congés et arrivées tardives étaient surveillés, après quoi j’examinerai les éléments de preuve plus complets sur la plainte de ségrégation. Concernant ce dernier point, j’évaluerai à nouveau les éléments de preuve d’une manière quelque peu chronologique en commençant principalement par ceux portant sur la loyauté de M. Egglefield et ses pauses cigarette à l’automne 2011, puis par les éléments de preuve fournis par Mme Nadon selon lesquels Mme Lecompte aurait isolé Mme Dunn de ses collègues, principalement après le dépôt de la deuxième plainte.

    [149]  La conclusion de l’analyse de ces deux questions tient compte non seulement de la question de savoir si les représailles alléguées ont été exercées par Mme Lecompte contre Mme Dunn, mais si elle avait l’intention d’exercer des représailles, ce qui justifierait une ordonnance de mesure disciplinaire.

    [150]  Je terminerai par un examen des autres allégations formulées qui n’ont pas été renvoyées au Tribunal par le commissaire. Il est allégué qu’elles corroboreraient l’intention de Mme Lecompte d’exercer des représailles. De même, je ferai quelques remarques sur des points supplémentaires qui n’ont pas été plaidés, mais qui sont réputés démontrer la mauvaise foi de Mme Lecompte.

    (3)  Questions liées à la crédibilité ou à la fiabilité des témoins

    [151]  Les allégations de la plaignante reposent principalement sur les éléments de preuve factuels de M. Egglefield et de Mme Nadon. Par conséquent, la tâche du Tribunal consiste en grande partie à examiner les éléments de preuve de ces témoins et à en évaluer leur fiabilité générale. Pour cette raison, je commencerai par énoncer mon opinion générale sur les questions de crédibilité ou de partialité que chacun de ces témoins tiers peut soulever.

    (a)  Animosité de M. Egglefield envers Mme Lecompte

    [152]  Je constate que M. Egglefield arborait une importante animosité envers Mme Lecompte et que cela a considérablement remis en question la fiabilité de son témoignage. Comme je le démontre dans la présente section, il est clair que M. Egglefield croit avoir été la cible de représailles parce que son poste et celui de son cogestionnaire, M. Finn, ont été éliminés dans le cadre d’un processus de réaménagement des effectifs. En plus de fournir un motif de partialité, je conclus qu’une telle supposition est déraisonnable et qu’elle mine davantage la fiabilité que j’accorde à cet élément de preuve.

    [153]  Lorsqu’on lui a demandé ce qu’il pensait du fait que son poste à la DGSEE ait fait l’objet d’un réaménagement, M. Egglefield a d’abord répondu qu’il croyait qu’il était très inhabituel que les deux seuls gestionnaires fassent l’objet d’un tel réaménagement des effectifs, ne laissant qu’un directeur de niveau EX-1 pour gérer le personnel de bureau et des subordonnés directs de niveau AS très débutants. Lorsqu’il a été interrogé davantage, M. Egglefield a convenu qu’il trouvait la situation « injuste » [TRADUCTION] et qu’il croyait que ce réaménagement des effectifs « constituait une mesure de représailles contre [lui], prise par Sylvie [Lecompte] et Anne Scotton » [TRADUCTION].

    [154]  Lorsqu’on lui a demandé s’il avait une dent contre Mme Lecompte, il a d’abord évité la question en parlant du fait qu’il se considérait chanceux d’avoir trouvé un autre emploi. Après avoir été questionné plus rigoureusement sur ce point, il a répondu « Pour l’instant, non, je n’en ai pas » [TRADUCTION]. Puis, lorsqu’on l’a interrogé sur son ressentiment envers Mme Lecompte au moment des événements, il a répondu ainsi :

    [TRADUCTION]

    À ce moment-là, oui, j’étais certainement mécontent de la décision de remplacer deux gestionnaires et de me faire dire, essentiellement, que je n’aurais plus d’emploi si je ne me trouvais pas autre chose dans un certain délai, je ne me souviens plus lequel, mais j’ai une lettre quelque part. C’était certainement une situation dérangeante, particulièrement parce qu’elle était plutôt inattendue.

    [155]  Par la suite, je constate également qu’il a usé de faux-fuyants à la question de savoir s’il a fait part de ses sentiments envers la situation à Mme Dunn, répondant qu’il l’avait fait parce qu’elle avait elle aussi été remplacée. Il a ajouté que lui et M. Finn étaient sous le choc et « n’étaient pas particulièrement heureux de la décision » [TRADUCTION]. Il n’a pas reconnu que le terme « angry » (fâché) serait le mot approprié, mais a plutôt dit que le terme « displeased » (mécontent)  décrirait mieux la situation. Il a reconnu que ces sentiments auraient « certainement » [TRADUCTION] pu influer sur la façon dont il a interagi avec ses employés à ce moment-là.

    [156]  En contre-interrogatoire, M. Egglefield n’a pas blâmé Mme Lecompte, indiquant plutôt que Mme Scotton avait remis en question sa loyauté et que cela aurait été un facteur clé dans la décision de procéder à un réaménagement des effectifs :

    [TRADUCTION]

    Je crois que le fait que ma loyauté ait été remise en question par le Bureau de la vérificatrice en chef [Mme Scotton], vous savez, a été un facteur clé dans cette décision. Vous savez, auparavant, peu après mon arrivée, on m’a demandé d’évaluer une offre d’aide temporaire et la conseillère spéciale de Mme Scotton, Mme Johanne Lamarre, m’a indiqué le travail que je devais faire, précisant qu’elle ne serait pas en mesure de signer le document parce qu’elle était conseillère.

    Vous savez, j’en ai compris que je n’étais probablement pas perçu comme un joueur d’équipe, car je ne faisais pas ce qui semblait devoir être fait dans ce domaine.

    Je vais droit au but, donc si on me demande de faire quelque chose, je le fais selon les lignes directrices à respecter. J’avais l’impression que ce n’est pas ce que l’on attendait de moi parfois.

    [157]  Dans son témoignage ultérieur, il dirige son mécontentement envers Mme Lecompte parce qu’elle aurait remis en question sa loyauté. Toutefois, comme on le verra, d’après les notes qu’il a prises durant cette période, il considérait Mme Scotton comme étant la personne qui doutait le plus de sa loyauté, et il critiquait davantage Mme Lecompte pour son style de microgestion de la Direction générale et en ce qui concerne son engagement envers son emploi. Les deux incidents relativement mineurs survenus en novembre 2011 où sa loyauté aurait été remise en doute n’ont pas une portée ou des répercussions suffisamment larges pour entraîner raisonnablement la perte de son emploi quelques mois plus tard en avril 2012. En effet, aucun autre incident n’a été signalé entre novembre 2011 et le réaménagement des effectifs en avril 2012 mettant en cause Mme Lecompte ou quelqu’un d’autre.

    [158]  Mme Lecompte a nié avoir eu quelque chose à voir dans le choix des postes à éliminer. J’accepte cette observation. Il est déraisonnable de penser que Mme Lecompte voudrait éliminer des gestionnaires intermédiaires qui sont normalement la cible d’une réduction des effectifs. Cela ne ferait qu’ajouter à sa charge de travail et l’aurait obligé à superviser des employés, y compris Mme Dunn et d’autres employés qui avaient déposé des plaintes de représailles encore en suspens. En outre, l’élimination des postes de gestionnaires intermédiaires ayant de l’expérience en matière d’enquête aurait sans aucun doute eu une incidence négative sur la productivité, qui semble avoir été la préoccupation principale de Mme Lecompte en tant que directrice de la Direction générale.

    [159]  Par ailleurs, même si aucun élément de preuve ni aucune suggestion ne démontrent que M. Finn avait des difficultés avec la haute direction, lui aussi a été mis à pied dans le cadre du même processus de réaménagement des effectifs. Le Tribunal ne voit aucune raison pour laquelle M. Egglefield pourrait croire qu’il était la cible de représailles en premier lieu, et cela va simplement au-delà d’un raisonnement normal de penser que Mme Lecompte ou Mme Scotton exercerait des représailles contre M. Egglefield au point d’éliminer un autre poste de gestionnaire qui, de toute évidence, était un enquêteur d’expérience et un bon employé.

    [160]  Comme je l’ai indiqué, je crois que le fait de considérer l’élimination de son poste et de celui de M. Finn comme des représailles est très irrationnel, en plus de constituer une preuve d’état d’esprit suspect sur lequel se fonder pour porter des jugements sur la conduite ou la personnalité de Mme Lecompte. Je rejette également le témoignage de M. Egglefield selon lequel sa malveillance envers Mme Lecompte se serait dissipée lorsqu’il a trouvé un nouvel emploi, possiblement meilleur, dans un autre organisme. D’après son témoignage et son comportement, je conclus que l’adage « les amis viennent et repartent, mais les ennemis restent » [TRADUCTION] s’appliquerait à M. Egglefield, particulièrement parce que le premier reproche qu’il a fait à Mme Lecompte concernant son départ de la DGSEE manque de fondement objectif.

    [161]  Pour en arriver à la conclusion que le témoignage de M. Egglefield est partial contre Mme Lecompte, je reconnais que M. Egglefield a offert quelques commentaires de sympathie et a indiqué à l’occasion que ses conclusions étaient spéculatives. D’après ses cahiers de notes, je conclus également qu’il était un employé travaillant et consciencieux, ce qui, dans une certaine mesure, peut expliquer le fait qu’il croyait que cela était illogique qu’il fasse l’objet d’un réaménagement des effectifs. Néanmoins, dans l’ensemble et particulièrement en ce qui concerne les questions essentielles, d’après l’examen de son témoignage et de son comportement, je conclus qu’il s’est efforcé de faire mauvaise réputation à Mme Lecompte et de favoriser Mme Dunn, ce qui n’est pas démontré par la preuve objective présentée.

    (b)  Fiabilité des notes de M. Egglefield

    [162]  M. Egglefield est la principale source de preuve pour les allégations de surveillance et de ségrégation présentées contre Mme Lecompte. Dans son témoignage, il s’est fondé sur deux cahiers noirs (C-19 et C-20) contenant de nombreuses notes quotidiennes personnelles détaillées qu’il avait compilées durant les événements ou peu après. Les cahiers couvrent la période du 12 juin 2011, lorsqu’il a commencé à travailler à la DGSEE, jusqu’au 9 octobre 2012, lorsqu’il a quitté la Direction. Il a expliqué qu’en tant qu’enquêteur d’expérience, il avait l’habitude de conserver des notes concernant les tâches attribuées et les conversations liées à son travail.

    [163]  M. Egglefield ne s’est pas fondé sur ses cahiers de notes pour se rafraîchir la mémoire au début de l’interrogatoire principal. Il a plutôt présenté au Tribunal des notes dactylographiées qu’il avait préparées en 2016 « dans le contexte d’une série de questions pour lesquelles l’enquêteur [du Commissariat] lui avait demandé de se préparer » [TRADUCTION]. Ultimement, lorsque des difficultés se sont présentées concernant ses notes, les cahiers originaux ont été déposés en preuve à titre de pièces C-19 et C-20. Les écarts entre les notes qu’il avait fournies à l’enquêteur et l’information consignée simultanément sont souvent considérables. Cela démontre une partialité distincte en faveur de Mme Dunn et contre Mme Lecompte.

    [164]  J’utilise à titre d’exemple une situation que je n’ai pas l’intention d’aborder dans l’analyse qui suit, mais sur laquelle la Commission et la plaignante se fondent pour démontrer l’animosité alléguée de Mme Lecompte à l’égard de Mme Dunn. Cet incident s’est produit le 2 octobre 2012 et est consigné ainsi dans le cahier de notes de M. Egglefield :

    [TRADUCTION]

    Discussion avec Chantal, 2 octobre 2012. On a dit à Chantal que Marylène ne devait pas être dans notre bureau. Chantal a dit que c’était de sa faute si Marylène était là parce qu’elle lui avait demandé de signer des documents pour Dakota Tipi qui devaient être envoyés par la poste à la GRC.

    [165]  Je constate que cet incident a été modifié et signalé à l’enquêteur du CISP de manière embellie dans le but de présenter Mme Dunn comme la victime d’une Mme Lecompte en colère :

    [TRADUCTION]

    Chantal a été réprimandée par Sylvie pour avoir demandé à Marylène de descendre à notre bureau afin de signer des documents avant de les envoyer à la GRC.

    [Tel que lu, soulignement ajoutés]

    [166]  Il y a lieu de noter que, dans la version de 2016, il n’y a aucune mention du fait que Mme Dunn a reconnu sa faute, ni aucune suggestion que Mme Lecompte l’a « réprimandée » [TRADUCTION] en soulignant le problème. Par ailleurs, en contre-interrogatoire, il a également été noté que les versions de 2016 ne font aucune mention de la première entrée dans ses notes, la même journée, où il se rappelle que Mme Lecompte a complimenté Chantal pour son travail.

    [167]  En fin de compte, je conclus que les cahiers de notes de M. Egglefield, souvent combinés aux notes dactylographiées de Mme Dunn, sont généralement fiables et décrivent les événements tels qu’ils se sont produits. Il n’en est pas de même pour l’interprétation que M. Egglefield fait de ses cahiers.

    (c)  Conclusion sur la fiabilité de M. Egglefield

    [168]  Bien que M. Egglefield ait fait son témoignage de manière claire et ordonnée, je conclus qu’il est toutefois problématique et qu’il démontre ce que je considère comme une partialité négative envers Mme Lecompte. Le Tribunal admet être sensible au problème de partialité étant donné que M. Egglefield a reconnu qu’il avait l’impression que Mme Lecompte avait exercé des représailles contre lui en raison de son manque perçu de loyauté en raison de sa relation avec Mme Dunn. Je conclus que la partialité originale reconnue par M. Egglefield n’a pas diminué avec le temps. Elle est apparente à quelques occasions où j’ai jugé son témoignage très, et parfois gratuitement, injuste envers Mme Lecompte.

    (d)  Témoignage de Mme Nadon

    [169]  Bien que le Tribunal ait jugé que Mme Nadon était un témoin intelligent et articulé, il a néanmoins des préoccupations similaires à celles qu’il avait concernant M. Egglefield, notamment en ce qui a trait aux incohérences de son témoignage, au manque de logique relativement à son comportement et à son hostilité reconnue à l’égard de Mme Lecompte. Par conséquent, j’accorde moins de poids à son témoignage qui décrit de manière négative la conduite de Mme Lecompte.

    [170]  À titre d’exemple de ce que je décrirais comme une tendance de Mme Nadon à être ambiguë dans son témoignage, je note la fois où elle dit avoir « cessé d’aimer » [TRADUCTION] Mme Lecompte. Elle a présenté cet élément de preuve un peu par inadvertance dans son témoignage en mentionnant que Mme Lecompte lui avait dit de ne pas se lier d’amitié avec Mme Dunn durant leur première entrevue en avril 2011. Elle a témoigné qu’elle comprenait qu’il s’agissait d’un ordre auquel elle devait obéir. Comme elle a reconnu que l’invitation à la fête de Noël qu’elle a envoyée à Mme Dunn et à Mme Gosselin en 2012 allait à l’encontre de l’ordre de Mme Lecompte, le contre-interrogatoire a porté principalement sur le moment où elle a cessé d’obéir à Mme Lecompte. Cela l’a ensuite mené à témoigner que cela s’était passé lorsqu’elle avait cessé d’aimer Mme Lecompte.

    [171]  Elle a d’abord témoigné, lors de son premier contre-interrogatoire, qu’elle avait cessé d’aimer Mme Lecompte « vers septembre 2012 » [TRADUCTION]. Elle soutenait que sur le plan personnel, elle n’avait aucun problème avec elle, mais qu’elle n’aimait pas son style de gestion. Elle a témoigné, se remémorant beaucoup les plaintes de M. Egglefield, que Mme Lecompte n’avait pas « utilisé ses gestionnaires [soulignement ajoutés] ou ses cadres supérieurs à leur plein potentiel » [TRADUCTION] et que « le travail accompli par des employés pleinement compétents était microgéré au point où nous n’étions pas capables de faire pleinement notre travail et d’atteindre notre pleine capacité » [TRADUCTION]. Je conclus qu’il est très peu plausible qu’elle ne cesse d’aimer Mme Lecompte seulement en raison de son style de gestion un an et demi après avoir commencé à travailler avec elle, particulièrement lorsque son témoignage démontre certains parallèles avec le point de vue de M. Egglefield, avec qui elle partage une hostilité similaire envers Mme Lecompte.

    [172]  Lorsqu’elle a par la suite été contre-interrogée, Mme Nadon n’a pas voulu donner de date précise pour sa désobéissance, indiquant seulement que c’était après la deuxième affectation de Mme Dunn [26 septembre 2012]. Par la suite, afin d’éviter de donner l’impression d’une partialité négative nuisant à son témoignage concernant Mme Lecompte au moment où elle a été interrogée par le Commissariat, Mme Nadon a indiqué qu’elle n’était pas « 100 % » [TRADUCTION] en désaccord avec son style de gestion, témoignant qu’elle « ne pouvai[t] pas dire si [elle] étai[t] clairement, dans [s]on esprit, en désaccord avec le style de gestion de Mme Lecompte » [TRADUCTION] au moment de son entrevue, qui s’est apparemment déroulée en 2014. Plus tard, lorsqu’elle a été interrogée sur le moment de l’entrevue avec le Commissariat, elle n’a pas pu donner de date précise dans un intervalle de 24 mois.

    [173]  Je constate toutefois qu’elle a plus ou moins abandonné ce raisonnement dans son dernier témoignage, à propos du fait qu’elle a cessé d’aimer Mme Lecompte. Elle a mentionné qu’il était « difficile d’aimer quelqu’un qui ne vous aime manifestement pas » [TRADUCTION]. Elle a ensuite expliqué qu’elle faisait partie d’un groupe d’employés que Mme Lecompte n’aimait pas :

    [TRADUCTION]

    MME VIRC : Que voulez-vous dire par les sentiments personnels de [Mme Lecompte]?

    MME NADON : Eh bien, c’est... Mme Lecompte a... vous savez si elle vous aime et vous savez si elle ne vous aime pas et il y a... vous le sentez et c’était... le monde le sentait et il y avait de la tension.

    MME VIRC : De la tension parmi qui?

    MME NADON : Juste au sein du groupe, chez différents membres du groupe, il y avait de la tension.

    […]

    MME VIRC : Mais vous ne vous souvenez pas – pouvez-vous peut-être nous dire qui parmi le groupe ressentait particulièrement cette tension?

    MME NADON : Eh bien, il y avait... il me semble qu’il n’y en avait que deux, deux groupes de personnes dans notre Direction générale.

    MME VIRC : Je vois. Voulez-vous peut-être...? Dans quel groupe était Mme Dunn?

    MME NADON : Dans mon groupe, le groupe mal aimé.

    MME VIRC : Je vois. Donc vous croyez que vous n’étiez pas aimée?

    MME NADON : Oui, Madame.

    MME VIRC : Et qui ne vous aimait pas, selon vous?

    MME NADON : Le groupe que Sylvie aimait.

    MME VIRC : Et qu’en est-il de Mme Lecompte?

    MME NADON : Mme Lecompte elle-même, si elle était aimée?

    MME VIRC : Oui – non. Que pensait-elle de vous?

    MME NADON : Je crois qu’elle ne m’aimait pas beaucoup. Je crois que son... elle avait un système de valeurs différent du mien et nous n’étions pas sur la même longueur d’onde. Nous avions des personnalités conflictuelles et ça ne marchait juste pas.

    [174]  Ainsi, au bout du compte, Mme Nadon offre trois motifs expliquant son antipathie envers Mme Lecompte : son style de microgestion, le fait que Mme Nadon faisait partie d’un groupe « mal aimé » par Mme Lecompte, et enfin, le fait qu’elles n’avaient pas les mêmes valeurs et le même type de personnalité. Je constate qu’il est plus que probable qu’elle croyait faire partie d’un groupe d’employés qui était en conflit avec Mme Lecompte. Je suis convaincu que ce groupe incluait M. Egglefield. Il a critiqué Mme Lecompte pour son style de microgestion, ce qui, étant donné l’estime que Mme Nadon avait pour lui, a alimenté l’empathie qu’elle avait pour Mme Lecompte lorsqu’elle est devenue membre de ce groupe, apparemment à la fin de l’été 2012.

    [175]  Il est difficile de comprendre comment un système de valeurs ou d’éthique en milieu de travail aurait pu être un problème entre Mme Lecompte et Mme Nadon. Mme Lecompte a choisi Mme Nadon parmi plusieurs autres candidats lorsqu’elle l’a embauchée. Elle a témoigné que Mme Nadon était très assidue et ponctuelle et qu’il n’y avait aucun problème concernant ses absences du travail, bien que, apparemment, elle ait pris des congés pour un problème médical non divulgué. M. Egglefield a reconnu à son tour que Mme Nadon était une excellente employée qui, contrairement à Mme Dunn, n’avait pas besoin d’un programme d’amélioration du rendement. Aucun éclaircissement n’a été fourni par Mme Nadon concernant les valeurs ou les styles de personnalité qui l’ont menée à cesser d’aimer Mme Lecompte un an et demi seulement après avoir commencé à travailler avec elle. Elle a mentionné quelques incidents importants s’étant déroulés à l’automne 2012, mais aucun autre élément de preuve n’a été fourni concernant l’objet de ces incidents.

    [176]  Je conclus que Mme Nadon croyait faire partie d’un groupe que Mme Lecompte n’aimait guère. Cette conclusion cadre avec la preuve démontrant qu’elle a collaboré avec M. Egglefield et Mme Dunn à l’automne 2012 pour aider cette dernière à fournir de l’information qui étayerait ses plaintes contre Mme Lecompte. Ces éléments de preuve appuient également ma conclusion selon laquelle l’antipathie qu’elle reconnaît avoir envers Mme Lecompte se reflète dans son témoignage. Deux exemples de cette collaboration avec Mme Dunn contre Mme Lecompte sont apparents dans les notes de Mme Dunn.

    [177]  Le premier se trouve dans un commentaire indiquant que Mme Nadon l’avait informée qu’elle « fais[ait] dorénavant l’objet d’une surveillance depuis le vendredi 21 septembre 2012 » [TRADUCTION]. Lorsque ce commentaire a été montré à Mme Nadon, elle a fourni une explication que je considère comme étant illogique, mentionnant que cela « faisait référence au fait qu[‘elle] j’étai[t] surveillée par [avec?] les membres de [s]on équipe » [TRADUCTION]. Dans son témoignage, M. Egglefield a contredit cette déclaration lorsqu’on lui a lui aussi demandé de commenter la note de Mme Dunn en contre-interrogatoire, mentionnant qu’il était « probable que Mme Nadon relevait directement de Mme Lecompte à ce moment-là » [TRADUCTION] et notant que cela s’était passé peu de temps avant son départ en novembre.

    [178]  Quoi qu’il en soit, je suis convaincu que Mme Nadon a fourni cette information à Mme Dunn parce qu’elle savait que M. Egglefield avait informé Mme Dunn que ses congés étaient « surveillés » [TRADUCTION], et qu’elle pensait que des renseignements similaires la concernant seraient utiles à Mme Dunn. Mme Dunn et M. Egglefield ont tous deux utilisé le terme monitoring (surveillance) dans leurs notes et leurs témoignages en ce qui concerne les allégations de représailles liées aux absences du travail de Mme Dunn. Mme Lecompte a témoigné que ce n’était pas un mot qu’elle a utilisé concernant les absences de Mme Dunn. En outre, le moment où Mme Nadon a fourni ces renseignements concernant la « surveillance » coïncide étrangement avec la plainte du 26 septembre de Mme Dunn, qu’elle a déposée auprès du Commissariat cinq jours plus tard. Cette plainte comprenait l’allégation selon laquelle Mme Lecompte surveillait les absences de Mme Dunn à titre de représailles.

    [179]  Le deuxième exemple de la collaboration de Mme Nadon avec Mme Dunn, et à cette occasion avec M. Egglefield, touche une discussion lors d’une pause-café après une réunion du personnel le vendredi 12 octobre. Je comprends que la réunion avait été organisée au préalable afin de discuter du transfert ordonné des dossiers de Mme Dunn à Mme Nadon. Cependant, pendant cette pause, ils ont informé Mme Dunn que Mme Lecompte avait dit au personnel lors d’une réunion que son affectation avait été arrangée en raison de sa plainte de représailles. L’information dont il a été question lors de cette pause-café s’est retrouvée dans les notes de Mme Dunn :

    [TRADUCTION]

    Denis, Terry et moi avons traversé la rue pour aller prendre un café. Denis et Terry ont confirmé que Sylvie avait dit à la réunion du personnel que j’avais déposé des plaintes auprès du Commissariat.

    [180]  Mme Dunn a témoigné qu’elle avait voulu maintenir la confidentialité de sa première plainte (Mme Lecompte n’était pas au courant de sa deuxième plainte du 26 septembre 2012). Mme Lecompte était d’avis que cette information était déjà bien connue au sein de la DGSEE puisqu’il s’agissait d’une petite direction où deux autres employés avaient aussi déposé des plaintes de représailles. Une autre difficulté que je constate au sujet de la plainte de Mme Dunn concernant la divulgation de renseignements confidentiels à ce moment-là est que sa plainte du 26 septembre au Commissariat indiquait que sa plainte précédente au Commissariat était déjà largement connue (« tous les directeurs, conseillers, THS, quelques gestionnaires et d’autres collègues de différentes directions au sein de la Direction générale de la vérification » [TRADUCTION]), ce qui appuie le fait que Mme Lecompte croyait la plainte notoire. On ne peut toutefois pas attribuer à cette dernière cette notoriété. Mais le point ici est que je conclus que ce commentaire qui se trouve dans les notes personnelles de Mme Dunn constitue un élément de preuve supplémentaire du fait que Mme Nadon (avec M. Egglefield) a transmis de l’information négative à Mme Dunn concernant Mme Lecompte, information qui a ultimement été utilisée contre elle dans le cadre des présentes procédures.

    [181]  Enfin, Mme Nadon a également fait l’objet d’une mesure disciplinaire grave imposée par Mme Lecompte, qui a fait en sorte qu’elle a perdu trois jours de salaire. Mme Nadon n’a pas déposé de grief à l’égard de cette mesure disciplinaire et peu d’éléments de preuve ont été fournis à ce sujet. Une perte de trois jours de salaire est une sanction considérable dans le monde de la discipline de l’effectif. Cela indique soit la présence de problèmes disciplinaires progressifs par le passé, ce dont je doute étant donné que la candidature de Mme Nadon avait été retenue dans le cadre du concours et qu’elle est considérée comme une excellente employée, soit un manquement disciplinaire grave. Peu importe la raison, le fait que Mme Nadon ait fait l’objet d’une mesure disciplinaire grave ne peut que s’ajouter à l’antipathie déjà reconnue qu’elle ressentait envers Mme Lecompte.

    D.  Allégation de surveillance

    [182]  Le commissaire prétend que Mme Lecompte a ordonné à M. Egglefield de surveiller les congés et les arrivées tardives de Mme Dunn immédiatement après avoir appris le dépôt de la plainte de représailles en septembre 2011 et qu’aucun autre employé ne faisait l’objet d’une telle surveillance accrue. Les détails de l’allégation sont énoncés dans quatre paragraphes, que j’utiliserai comme fondement de mon analyse.

    [TRADUCTION]

    (1)  Mme Lecompte a reçu pour mandat de régulariser les absences du travail et elle voulait s’assurer que les congés et les arrivées tardives de Mme Dunn soient enregistrés dans le système PeopleSoft parce qu’ils étaient considérablement plus nombreux que ceux de tout autre employé de la DGSEE.

    [183]  L’article 19 et l’alinéa 20(1)b) des Règles de pratique du Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles exigent que la partie dépose un exposé des précisions qui contient, entre autres, les faits importants qu’elle a l’intention de prouver durant l’instruction de l’affaire.

    [184]  Les paragraphes 17 et 19 de l’exposé des précisions du commissaire indiquent qu’aucun autre employé de la DGSEE ne faisait l’objet de la même surveillance que Mme Dunn. Ils sont libellés ainsi :

    [TRADUCTION]

    17. En tant que gestionnaire, M. Egglefield supervisait deux employés, soit la plaignante et une autre enquêteuse de la DGSEE, Mme Teresa Nadon, et relevait de Mme Lecompte.

    […]

    19. À notre connaissance, aucun autre employé de la DGSEE ne faisait l’objet de la même surveillance accrue par Mme Lecompte concernant la présence sur le lieu de travail que la plaignante.

    [185]  Mme Lecompte a témoigné qu’à son arrivée à la Direction générale, Mme Scotton lui a mentionné qu’il n’y avait aucune supervision étroite des déplacements du personnel et que les employés ne travaillaient pas des heures régulières. Elle voulait que Mme Lecompte « normalise les choses » [traduction]. Pour cette raison, Mme Lecompte a demandé aux employés de lui faire savoir leur horaire de travail et les a obligés à travailler toujours aux mêmes heures, autant que possible de 9 h à 17 h. Des éléments de preuve montrent que les employés étaient tenus de lui donner un avis avant de prendre tout type de congé. Par exemple, Mme Nadon devait faire approuver ses congés et d’autres types d’absence par Mme Lecompte, notamment lorsqu’elle suivait des cours à l’université. Mme Dunn était dans la même situation avant l’avis de sa plainte de représailles; par exemple lorsqu’elle a demandé de modifier ses heures de travail afin de commencer plus tard pour s’occuper de sa mère malade. M. Finn ne se rappelait pas si Mme Lecompte avait souligné à l’équipe l’importance d’être assidu au travail, mais a convenu que cela était raisonnable. Mme Lecompte a indiqué que l’assiduité au travail s’est améliorée, même si elle devait envoyer des rappels à l’occasion. Personne ne l’a contestée sur ce point, et je suis convaincu qu’elle a amélioré le taux d’assiduité et mis en place des procédures pour en faire une priorité au sein de la Direction générale.

    [186]  Mme Lecompte était initialement responsable de la gestion des congés de Mme Dunn. Il s’agissait d’un dossier compliqué, car elle prenait « beaucoup de congés » [traduction], ce dont M. Egglefield a convenu. Elle s’absentait parfois pour des problèmes récurrents découlant d’une blessure au dos subie à son ancien lieu de travail. Cette allégation n’a pas été abordée dans son entièreté, car il y avait quelques omissions concernant le signalement et le traitement des procédures de santé et sécurité au travail qui existaient au sein du Ministère. Cette tâche revenait donc à Mme Lecompte. Mme Dunn s’occupait également de sa mère malade, ce qui l’obligeait à prendre quelques jours de congé et à modifier son horaire de travail de façon à arriver plus tard au bureau et à reprendre les heures manquées en fin de journée. Mme Lecompte approuvait ces arrangements sans objection. En effet, M. Egglefield était le seul gestionnaire qui n’approuvait pas certains de ses congés.

    [187]  Selon l’exposé des précisions du commissaire, Mme Dunn était la seule employée à avoir des problèmes concernant son taux d’absentéisme. Aucun des autres employés gérés par M. Egglefield ou M. Finn n’avait de problème d’absentéisme comparable à ceux de Mme Dunn. Par conséquent, Mme Dunn était une exception en ce qui a trait aux absences du travail, non seulement pour le nombre élevé de congés qu’elle prenait, mais aussi pour la nécessité de modifier son horaire de travail. Elle était autorisée à arriver tard au bureau et devait reprendre les heures manquées en fin de journée. Cela étant dit, il n’y avait pas de problème pour ce qui est de la légitimité de ses absences. Mme Lecompte a approuvé son horaire de travail et les congés demandés pour n’importe quelle raison durant la période où elle gérait les congés de Mme Dunn.

    [188]  Dans ces circonstances, je conclus que, lorsqu’il a fallu transférer la responsabilité des congés de Mme Dunn à M. Egglefield immédiatement après avoir pris connaissance de la plainte de représailles contre Mme Lecompte, celle-ci n’a pas insisté sur l’enregistrement des congés de Mme Dunn à titre de représailles, mais plutôt pour assurer le respect du régime d’assiduité strict qu’elle avait pour mandat d’instaurer.

    [TRADUCTION]

    (2)  Lors de la réunion du 12 septembre 2011, M. Egglefield a reçu la directive d’assumer les responsabilités de Mme Lecompte et de gérer adéquatement les congés et les arrivées tardives de Mme Dunn, comme pour les autres employés, car elle ne pouvait plus s’occuper du cas de Mme Dunn en raison de la plainte de représailles. Il a également été chargé de veiller à ce que ces congés soient enregistrés dans le système PeopleSoft.

    [189]  L’un des objectifs de la réunion bilatérale du 12 septembre entre Mme Lecompte et M. Egglefield était de transférer les responsabilités de gestion des congés de Mme Dunn à M. Egglefield. Ce point fait l’objet du paragraphe 16 de l’exposé des précisions du commissaire, lequel, à mon avis, ne tient pas compte du contexte de transfert des responsabilités. Il se lit comme suit :

    [TRADUCTION]

    16. En particulier, le lundi 12 septembre 2011, Mme Lecompte s’est réunie avec le gestionnaire de la plaignante, M. Denis Egglefield, et elle l’a informé de la première plainte de représailles déposée par la plaignante, qui fait maintenant l’objet d’une enquête par le Commissariat, et lui a demandé de la tenir au courant des congés de la plaignante, notamment de ses arrivées tardives au bureau.

    [190]  La description que le commissaire fait des événements relate correctement la demande faite à M. Egglefield de la tenir au courant, mais le fait d’une manière qui laisse entendre qu’il s’agit de représailles en raison de la plainte plutôt qu’une nécessité découlant du transfert de son dossier à M. Egglefield. La preuve contextuelle démontre que Mme Lecompte gérait l’ensemble des absences du travail au sein de la DGSEE dans le cadre de son mandat initial. En raison de la plainte de représailles de Mme Dunn, elle était tenue de transférer sa responsabilité à l’égard du dossier de celle-ci à M. Egglefield. Il se trouve également que Mme Dunn était la seule employée dont le dossier de congés pouvait être décrit comme faisant figure d’exception par rapport aux absences des autres employés et, par conséquent, il était important de veiller à ce que tous les congés pris, pour quelque raison que ce soit, soient consignés. Tant et aussi longtemps qu’ils étaient consignés, Mme Lecompte pouvait évaluer adéquatement la situation des congés au sein de la DGSEE et en faire rapport, conformément aux instructions reçues.

    [191]  C’est dans ce contexte que le Tribunal est tenu d’interpréter le commentaire qui se trouve dans le cahier de notes de M. Egglefield concernant sa réunion avec Mme Lecompte le 12 septembre 2011. Sous la rubrique « Absences » concernant Mme Dunn, il explique que Mme Lecompte « veut être tenue au courant des congés et des arrivées tardives » [TRADUCTION]. Il y a lieu de noter que le terme « surveillance » [TRADUCTION] n’est pas utilisé dans ses notes. Ce commentaire est suivi d’autres sur Mme Dunn, sous la rubrique « Plaintes de représailles » [TRADUCTION], concernant la « dotation » [TRADUCTION] et la « langue française » [TRADUCTION]. Ces commentaires visent sans doute les motifs énoncés dans la première plainte de représailles déposée contre Mme Lecompte.

    [192]  Mme Lecompte ne se souvient pas de la réunion ni de ce qui s’y est passé. Selon la preuve qu’elle a présentée, il n’y avait pas de problème concernant la légitimité des absences de Mme Dunn. Elle voulait seulement qu’elles soient enregistrées dans le système informatique PeopleSoft. Elle a témoigné de ce qui suit :

    [TRADUCTION]

    Encore une fois, je ne me souviens pas de ce que M. Egglefield voulait dire lorsqu’il a écrit : « veut être tenue au courant des congés et des arrivées tardives ». Je pouvais aller vérifier à tout moment dans le système PeopleSoft pour voir qui était présent ou absent. Je pouvais me rendre jusqu’à la mezzanine et voir qui était là. Je lui demandais simplement de s’assurer que les employés entrent leurs demandes de congé dans le système lorsqu’ils s’absentaient.

    [193]  Par ailleurs, le transfert du dossier de congés et d’absences de Mme Dunn à M. Egglefield a eu lieu après qu’elle ait reçu un avis officiel de la plainte de représailles du 11 septembre. Comme mesure de précaution, elle a pris des dispositions pour limiter ses contacts avec Mme Dunn pendant que la plainte était en traitement. Autrement dit, elle a intentionnellement pris des mesures pour éviter toute situation où d’autres allégations de représailles pouvaient être faites contre elle, adoptant sagement cette stratégie, dans la mesure du possible, pour toutes ses relations avec les autres employés qui avaient aussi déposé des plaintes de représailles contre elle.

    [194]  Cette conduite indique une intention de limiter d’autres allégations de représailles, une chose dont les enquêteurs du commissaire ne semblent pas avoir tenu compte et semblent avoir décrit d’une manière tout à fait contraire. À mon avis, ses précautions sont aussi entièrement compréhensibles. Elle venait tout juste d’être la cible de pas moins de trois plaintes de représailles après avoir pourvu des postes durant ses trois premiers mois au sein de la Direction générale. Normalement, les plaintes concernant les processus de dotation sont déposées en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13), qui prévoit que la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral est celle qui mène les enquêtes et rend des décisions indépendantes. Elle a clairement été la cible de ces employés et a pris des mesures appropriées pour s’assurer qu’aucune autre plainte ne soit déposée contre elle. À cet égard, Mme Lecompte croyait également que ces plaintes n’étaient pas fondées puisqu’elles avaient été rejetées, mais seulement quelque deux ans et demi plus tard. Toutefois, comme elle savait qu’elles n’étaient pas fondées, elle s’est rendu compte qu’elle serait la cible d’autres plaintes, qu’elles soient fondées ou non.

    [195]  Ces circonstances reflètent évidemment aussi la raison pour laquelle il était nécessaire que la plainte de représailles de Mme Dunn soit mentionnée et consignée dans les notes de M. Egglefield à la réunion du 12 septembre. C’est la raison pour laquelle le dossier de Mme Dunn a été transféré à ce dernier, et non parce que Mme Lecompte voulait être tenue au courant des congés et des arrivées tardives de Mme Dunn à titre de mesure de représailles découlant de sa plainte.

    [196]  D’après les notes de M. Egglefield, il est évident que les principaux problèmes abordés avec lui concernaient sa prise de responsabilité du dossier d’absence de Mme Dunn. Ses notes sur la réunion contiennent un genre de tableau intitulé « Congés de maladie de Chantal » [TRADUCTION], qui indique un certain nombre de problèmes vis-à-vis desquels des initiales sont inscrites pour désigner le responsable de ce point. Le premier point indiquait « Sylvie s’attendait à recevoir plus d’information » [TRADUCTION] et était assorti de la lettre C, indiquant que la responsabilité revenait à Mme Dunn. Ensuite, un point précisait « besoin d’un rapport d’incident » [TRADUCTION], ce qui, d’après ce que j’en comprends, voulait dire que des documents devaient être remplis pour compléter le dossier d’accident en milieu de travail toujours en suspens. La responsabilité de cette tâche avait été attribuée à M. Egglefield. Le troisième point indiquait « Je suis le responsable, Sylvie me donnera le dossier » [TRADUCTION], ce qui voulait dire que Mme Lecompte devait fournir à M. Egglefield le dossier de congés de maladie de Mme Dunn.

    [197]  Ce n’est qu’après ces notes qu’il est fait mention sur la page des notes de M. Egglefield de la demande de Mme Lecompte pour qu’elle soit tenue au courant des congés et des arrivées tardives de Mme Dunn. Dans ce contexte, ces notes semblent plutôt raisonnables. Elle transférait un dossier d’absence relativement complexe dans une situation où les absences de Mme Dunn sortaient de l’ordinaire et étaient considérablement plus nombreuses que ceux des autres employés gérés par Mme Lecompte. De plus, Mme Dunn travaillait ou avait travaillé selon un horaire qui lui permettait d’arriver plus tard et de reprendre ses heures en fin de journée. Il s’agit d’un autre problème de reddition de compte irrégulière selon les arrangements pris avec l’employeur. Je conclus donc qu’il est raisonnable, dans ce contexte, qu’elle ait voulu être tenue au courant de la situation en raison de son programme visant à normaliser la procédure relative aux congés.

    [198]  En outre, Mme Lecompte a été catégorique : elle souhaitait simplement s’assurer que les absences et les arrivées tardives soient enregistrées dans le système PeopleSoft. Tel qu’il a été mentionné, il n’y avait pas de problème concernant la légitimité des absences ou des arrivées tardives de Mme Dunn. La seule requête était de veiller à ce qu’elles soient toutes consignées et prises en compte. L’objectif de cette comptabilisation était non seulement de maintenir des statistiques appropriées, mais aussi de pouvoir prendre des décisions adéquates concernant les problèmes liés aux congés. Cela a été démontré plus tard en 2012, lorsque Mme Lecompte a refusé d’autoriser une demande de congé de Mme Dunn pour suivre une formation linguistique en français. Selon son examen des absences de Mme Dunn et étant donné la charge de travail imposante, Mme Lecompte a conclu qu’il était prioritaire d’accomplir le travail plutôt que de suivre une formation linguistique.

    [199]  Mme Lecompte et M. Egglefield ont tous deux témoigné qu’après le transfert du dossier à M. Egglefield, Mme Lecompte ne jouait aucun rôle dans l’approbation ou le rejet des demandes de congé de Mme Dunn. M. Egglefield a indiqué qu’à l’occasion, il avait refusé les demandes de congé de Mme Dunn. Comme elle n’avait aucun pouvoir de décision quant aux absences de Mme Dunn, il semblerait que la seule demande que Mme Lecompte pouvait faire était de s’assurer que l’information soit consignée comme il se doit dans PeopleSoft. Le motif des congés et des heures d’absence du bureau devait donc être consigné. Si ces renseignements étaient saisis correctement, elle pouvait assurer le suivi des congés de Mme Dunn sans avoir à parler à M. Egglefield.

    [200]  Je crois qu’il vaut la peine de garder en tête qu’elle « surveillait » l’assiduité de tous les autres employés et, d’après ce que je comprends du témoignage de Mme Nadon, Mme Lecompte approuvait leurs demandes de congé. Je mets le terme « surveillait » entre guillemets, car Mme Lecompte a indiqué qu’elle n’avait jamais utilisé ce mot, bien qu’il l’ait été par M. Egglefield et la plaignante. D’après la preuve qui m’est présentée, les congés et arrivées tardives de Mme Dunn constituaient une anomalie au sein de la Direction générale, et la directive que Mme Lecompte a donnée à M. Egglefield visait simplement à s’assurer que les congés de Mme Dunn seraient surveillés au même titre que ceux des autres employés, dans le cadre d’un régime justifié et adéquatement consigné.

    (3)  Aucune preuve n’indique que M. Egglefield a signalé les congés et arrivées tardives de Mme Dunn à Mme Lecompte.

    [201]  Une autre raison pour laquelle je ne suis pas convaincu que la directive du 12 septembre 2011 sortait de l’ordinaire découle du fait que M. Egglefield ne pouvait pas fournir d’élément de preuve fiable quant à la façon dont il tenait Mme Lecompte au courant des absences de Mme Dunn. Il a déclaré ce qui suit dans son témoignage, lorsqu’il a abordé la directive qu’il avait donnée à Mme Dunn en 2012 d’envoyer une copie conforme de ses demandes de congés à Mme Lecompte :

    [TRADUCTION]

    M. GIRARD : Si l’on vérifiait les mots exacts que vous avez utilisés dans vos notes écrites à la main sous le titre « Absences », il est indiqué : « Veut être tenue au courant des congés ». Est-ce une barre oblique? « Arrivées tardives. » « Veut être tenue au courant des congés/arrivées tardives. » Vous êtes d’accord avec moi qu’il n’est pas écrit qu’elle veut que vous lui transmettiez ses demandes de congé, n’est-ce pas?

    M. EGGLEFIELD : Je suis d’accord avec vous que, vous savez, mot à mot, c’est ce qui est écrit.

    M. GIRARD : Comment avez-vous tenu Mme Lecompte informée des demandes de congé et des arrivées tardives?

    M. EGGLEFIELD : C’est... bien honnêtement, ça fait assez longtemps. Je l’ai probablement fait par courriel, mais je n’en suis pas certain.

    [202]  Si M. Egglefield surveillait les congés de Mme Dunn comme il le dit, et étant donné la preuve ci-dessous où il a témoigné qu’il considérait que le fait d’isoler Mme Dunn constituait un traitement injuste, il est difficile d’accepter qu’il n’ait pas été en mesure, à tout le moins, de se rappeler comment il exécutait la directive de Mme Lecompte. En outre, si de tels courriels existaient, ils auraient dû être présentés au Tribunal à titre de meilleure preuve possible à l’appui de ces allégations.

    [203]  En conclusion, je ne suis pas convaincu que M. Egglefield était tenu de faire quoi que ce soit, sinon de veiller à ce que les absences ou les arrivées tardives non prévues de Mme Dunn soient enregistrées dans le système PeopleSoft. En effet, aucune autre conclusion ne semble possible. Il était responsable d’approuver ou de refuser les demandes de congé de Mme Dunn, à l’égard desquelles il n’a jamais consulté Mme Lecompte. La légitimité de ses demandes de congé n’était pas problématique jusqu’à un moment ultérieur où il a refusé un certain nombre des demandes de Mme Dunn, lesquelles, il est peut-être noté, ont été faites après qu’elle ait été tenue d’envoyer une copie conforme à Mme Lecompte. Sa seule responsabilité n’était que de s’assurer que les nombreuses absences de Mme Dunn étaient adéquatement justifiées et saisies dans le système.

    (a)  Le fait que Mme Dunn devait envoyer une copie de ses demandes de congé à Mme Lecompte conformément à la directive de M. Egglefield ne constitue pas une preuve de représailles

    [204]  Le commissaire a cité à titre de précision des représailles sous forme de surveillance de la part de Mme Lecompte le fait que M. Egglefield ait demandé à Mme Dunn d’envoyer une copie de ses demandes de congé directement à Mme Lecompte :

    [TRADUCTION]

    18.  M. Egglefield a par la suite informé la plaignante de la directive de Mme Lecompte. Avec le temps, afin de réduire le fardeau administratif qui lui incombait, M. Egglefield a informé la plaignante d’envoyer une copie de toutes les communications liées à ses demandes de congé, y compris à ses arrivées tardives et leur justification, directement à Mme Lecompte.

    [soulignement ajouté]

    [205]  Nulle part dans les notes de M. Egglefield n’est-il mentionné qu’il a demandé à Mme Dunn de fournir une copie de ses demandes de congé à Mme Lecompte, et il ne semble pas en avoir témoigné non plus. Les éléments de preuve proviennent de Mme Dunn. Elle indique que la demande lui a été faite le 11 juillet 2012 au moment où elle a été informée par M. Egglefield que Mme Lecompte lui avait ordonné de surveiller ses absences/arrivées tardives. Comme on le verra, le 11 juillet 2012 semble être une date d’une certaine importance, car M. Egglefield a également avisé Mme Dunn que Mme Lecompte avait remis en doute sa loyauté parce qu’on l’avait vu prendre une pause cigarette avec elle.

    [206]  La preuve présentée par Mme Dunn concernant l’obligation d’envoyer une copie de ses demandes de congé à Mme Lecompte est la suivante :

    MME DUNN : J’essaie de me rappeler. Tout ce dont je me souviens, c’est qu’il m’a dit de les enregistrer, mais aussi, en même temps, il a dit que si je devais prendre un congé à l’avenir, je devais envoyer une copie conforme à Sylvie lorsque je lui envoie des courriels concernant mes absences. J’envoyais donc mes courriels à Denis, et j’envoyais une copie conforme à Sylvie et parfois à son adjointe administrative, Tara Lavigne.

    M. YAZBECK : Et y a-t-il une raison pour laquelle vous deviez commencer à envoyer une copie à Sylvie?

    MME DUNN : Il voulait précisément que je lui envoie une copie conforme. Je crois qu’il était un peu fâché peut-être d’avoir à lui signaler tous mes congés, alors je les envoyais à Denis, avec une copie conforme à Sylvie, et parfois à son adjointe administrative Tara Lavigne.

    [soulignement ajouté]

    [207]  Comme je l’ai déjà mentionné, je ne vois aucune preuve démontrant que M. Egglefield avait pour fardeau de signaler les congés et arrivées tardives de Mme Dunn. La routine consistant à déclarer les absences à l’avance visait à ce que Mme Dunn demande l’approbation de M. Egglefield et saisisse ensuite son congé et la justification dans le système PeopleSoft. L’approbation relevait de la responsabilité du gestionnaire, une responsabilité que Mme Lecompte a dû déléguer à M. Egglefield à la suite de la plainte de représailles qui l’empêchait de vérifier l’intégrité des données de PeopleSoft comme elle le faisait pour les autres employés. Le « fardeau » d’approuver les demandes de congé de Mme Dunn s’est poursuivi malgré le fait que cette dernière envoyait une copie conforme de ses demandes à Mme Lecompte, comme M. Egglefield conservait l’entière responsabilité d’approuver ou de rejeter les demandes.

    [208]  D’après les événements du 6 juillet 2012 décrits ci-dessous, M. Egglefield a omis de signaler un des congés de maladie de Mme Dunn, mais je conclus que le signalement à l’avance des demandes de congé de Mme Dunn n’était pas réellement le problème. Il y avait déjà en place une procédure selon laquelle la demande était dûment saisie dans le système par Mme Dunn une fois qu’elle avait été approuvée. La nécessité de signaler les absences était liée aux absences imprévues. Cela vise donc les situations comme celles où Mme Dunn ou sa mère tombait malade de façon imprévisible, ou lorsque Mme Dunn avait besoin de rentrer au travail plus tard ou de quitter le travail plus tôt pour une raison imprévue. C’était en lien avec ces types d’absences que Mme Lecompte souhaitait s’assurer que le gestionnaire saisissait l’information dans PeopleSoft, particulièrement dans le cas des employés qui, comme Mme Dunn, s’absentaient plus souvent que les autres employés de la Direction générale, et souvent de façon imprévue.

    [209]  Je conclus que la directive donnée à Mme Dunn d’envoyer une copie conforme de ses demandes de congé à Mme Lecompte était anodine et peu préoccupante pour cette dernière et ne réduisait pas tellement le fardeau de M. Egglefield puisqu’il était le seul à décider de les accepter ou de les refuser. La principale préoccupation aurait été liée aux événements comme ceux du 6 juillet 2012, où le congé de maladie imprévu de Mme Dunn n’avait pas été consigné. En outre, j’aurais cru que M. Egglefield aurait su que le fait que Mme Dunn envoie une copie conforme de ses demandes de congé à Mme Lecompte ne règlerait pas le problème de congés non consignés et n’allègerait pas son fardeau. Compte tenu des autres circonstances que j’examinerai ci-dessous et qui sont liées aux autres événements du 11 juillet 2012, je crains que l’objectif de la directive donnée à Mme Dunn fût de monter un dossier pour prouver que Mme Lecompte surveillait les absences de Mme Dunn d’une manière beaucoup plus étroite que pour les autres employés. C’est pourquoi il a demandé à Mme Dunn d’envoyer une copie de ses demandes à Mme Lecompte « en même temps » [TRADUCTION], l’ayant informée qu’elle était ciblée, que ses absences étaient surveillées et qu’elle devrait tenir un dossier de leurs discussions.

    (b)  M. Egglefield a manqué à son obligation de loyauté envers Mme Lecompte en informant Mme Dunn qu’on lui avait demandé de signaler ses absences directement à Mme Lecompte, mais pas celles des autres employés, et en lui recommandant de consigner ces commentaires sans d’abord soulever la question auprès de Mme Lecompte

    [210]  Outre la directive donnée par M. Egglefield à Mme Dunn d’envoyer une copie de ses demandes à Mme Lecompte, d’autres événements importants se sont produits le 11 juillet 2012. Je les commenterai dans l’ordre dans lequel ils se sont produits afin d’établir le contexte approprié pour ma conclusion selon laquelle M. Egglefield a agi de façon inappropriée et a encouragé Mme Dunn à croire qu’elle était ciblée en raison de sa plainte de représailles alors que ce n’était pas le cas.

    (i)  Le 6 juillet 2012, Mme Lecompte a rappelé à M. Egglefield qu’il devait veiller à ce que les absences de Mme Dunn soient consignées.

    [211]  Je constate que les événements du 11 juillet ont en réalité débuté le 6 juillet 2012, lorsque Mme Lecompte a confronté M. Egglefield à propos de son défaut de consigner les congés de maladie de Mme Dunn. L’incident est décrit ainsi dans ses notes :

    [TRADUCTION]

    Rencontre (imprévue) entre Sylvie et Denis. On m’a encore une fois demandé de consigner toutes les absences de Chantal (congés de maladie) comme celle de vendredi dernier.

    [212]  On peut les comparer aux notes qu’il a fournies au Commissariat à l’appui de Mme Lecompte, qui décrivent cet incident où il a omis de mentionner que la demande s’expliquait par le fait qu’il ne s’était pas assuré de consigner le congé de maladie de Mme Dunn, mentionnant uniquement ceci : « On m’a encore une fois demandé de signaler toutes les absences de Chantal, comme celle de vendredi dernier. » [TRADUCTION]

    [213]  Il a témoigné ce qui suit concernant ce commentaire dans son cahier de notes :

    [TRADUCTION]

    Sans regarder le... mon cahier et tenter de fournir un contexte, je ne peux pas... je ne me souviens pas quel était le congé ou quel en était le motif. Mais, clairement, je ne l’aurais pas signalé à Mme Lecompte.

    [soulignement ajoutés]

    [214]  Pour sa part, Mme Lecompte a témoigné ce qui suit concernant le commentaire contenu dans le cahier de notes :

    [TRADUCTION]

    Comme je l’ai dit, je ne me souviens pas des faits et je ne me souviens pas de la cause. Mais, lorsque je regarde la date en juillet, M. Egglefield avait déjà reçu sa lettre l’informant qu’il était en affectation à ce moment-là. Comme je l’ai dit, sa tâche principale était de trouver un autre emploi. J’ai donc insisté pour qu’il continue de veiller à ce que les congés de son équipe soient consignés dans le système. Vous comprenez?

    [soulignement ajoutés]

    [215]  Il y a une distinction importante à faire dans le témoignage des deux témoins : M. Egglefield indique qu’il n’a pas signalé l’absence à Mme Lecompte, alors que celle-ci témoigne qu’elle avait simplement demandé à ce que l’information relative aux absences de Mme Dunn soit saisie comme il se doit dans le système PeopleSoft. J’accepte le témoignage de Mme Lecompte et rejette celui de M. Egglefield pour plusieurs raisons. Dans l’ensemble, je suis d’avis que M. Egglefield n’est pas crédible lorsqu’il parle de la conduite de Mme Lecompte. Cela reflète ma crainte qu’il se vengeait contre elle, étant l’une des personnes prétendument responsables du fait que son poste avait été déclaré excédentaire. Ensuite, la note du 6 juillet n’indique pas que M. Egglefield avait omis de signaler l’absence de Mme Dunn à Mme Lecompte. Enfin, je me fonde sur le même raisonnement que celui décrit précédemment pour en arriver à cette conclusion, à savoir : M. Egglefield était incapable de décrire comment il signalait les absences de Mme Dunn à Mme Lecompte; il n’y a aucune preuve que les absences étaient effectivement signalées, ni même dans ses notes détaillées; et, dans la situation où se trouvait Mme Lecompte, la seule demande logique qu’elle pouvait faire à M. Egglefield était de s’assurer que les absences de Mme Dunn étaient dûment consignées dans PeopleSoft. C’est exactement lorsqu’il a omis de signaler son congé de maladie que Mme Lecompte a été tenue de porter cette omission à son attention.

    [216]  J’accepte également que, parce que M. Egglefield cherchait un nouvel emploi, il était raisonnable pour Mme Lecompte d’assurer le suivi de ses efforts pour veiller à ce que les absences de Mme Dunn soient consignées dans le système. Il est raisonnable de penser qu’il avait autre chose en tête que de s’assurer que Mme Dunn saisissait bel et bien ses absences dans le système PeopleSoft. De plus, j’estime que le fait que Mme Lecompte ait assuré le suivi des demandes de congé de Mme Dunn est raisonnable à ce point-ci, étant donné que Mme Dunn était la seule à s’être absentée à neuf reprises entre son retour à la DGSEE le 1er mai et le 11 juillet 2012.

    (ii)  M. Egglefield a abusivement informé Mme Dunn qu’elle était la seule à faire l’objet d’une surveillance par Mme Lecompte et qu’elle devrait tenir un dossier de leurs discussions.

    [217]  En ce qui concerne l’allégation décrite au paragraphe 18 de l’exposé des précisions du commissaire, M. Egglefield a été interrogé sur le fait qu’il ait informé Mme Dunn de la directive de Mme Lecompte de lui signaler ses congés, alors qu’il n’était pas tenu de le faire pour Mme Nadon, l’autre employée qui relevait de lui.

    [218]  Cette discussion a eu lieu le même jour que la réunion du personnel au cours de laquelle Mme Lecompte a rejeté une demande des employés de quitter le travail à 15 h 30. Elle est consignée ainsi dans les notes de M. Egglefield : « Horaire – Sylvie ne veut pas que personne quitte le bureau avant 15 h 30 » [TRADUCTION]. Mme Lecompte a été contre-interrogée concernant cette note. Elle a indiqué qu’elle voulait que le personnel demeure en poste pour répondre aux questions des personnes se trouvant dans les autres fuseaux horaires du Canada. Bien que le refus de la demande ait pu contrarier les membres du personnel, la demande témoignait peut-être d’un sentiment d’insatisfaction général à l’égard de Mme Lecompte concernant sa façon de gérer la Direction générale. Il semble que ce soit Mme Nadon qui ait présenté cette demande, mais Mme Lecompte l’a appliquée à tous les membres du personnel.

    [219]  Mme Dunn a témoigné que M. Egglefield voulait lui parler après le travail. Il n’y a aucune mention de cette discussion dans les notes de M. Egglefield, mais elle est mentionnée dans ses notes à elle comme suit :

    [TRADUCTION]

    Denis m’a dit que Sylvie lui avait demandé de lui signaler directement mes congés, mais pas ceux des autres employés. Il m’a dit de consigner cette information.

    [soulignement ajoutés]

    [220]  M. Egglefield a témoigné que son intention était d’informer Mme Dunn que Mme Lecompte la ciblait injustement :

    [TRADUCTION]

    Vous savez, à ce moment-là, je m’apprêtais à quitter l’organisation. Comme vous le savez, j’essayais de faire des plans. Je tentais de respecter la directive que j’avais reçue. Mais, vous savez, pour être parfaitement honnête, c’est aussi, vous savez, une année où j’ai été témoin, vous savez, d’une conduite que je jugeais inappropriée dans le lieu de travail et, vous savez, je croyais qu’il s’agissait, vous savez, d’une autre situation où, encore une fois, vous savez, on la ciblait.

    [soulignement ajouté]

    [221]  J’ai beaucoup de difficulté, non seulement avec le motif de M. Egglefield derrière cette conversation, mais aussi avec le contenu de sa description. En ce qui concerne l’année passée à observer le traitement de Mme Dunn à la DGSEE, celle-ci était en affectation pendant cinq mois et demi au cours de cette période. Le premier incident allégué par M. Egglefield, soit celui où elle aurait été ciblée, s’est produit le 12 septembre 2011, lorsqu’on lui avait demandé de tenir Mme Lecompte au courant des absences de Mme Dunn. Le deuxième s’est produit le 18 novembre 2011, lorsque sa loyauté a été remise en question parce qu’il a pris une pause cigarette avec elle alors qu’elle était en affectation. Toutefois, en ce qui concerne cet incident, comme nous le verrons dans mon analyse ci-dessous, en novembre 2011, ses notes indiquent que M. Egglefield reprochait à Mme Scotton, et non pas à Mme Lecompte, d’avoir remis en doute sa loyauté parce qu’il avait fumé une cigarette avec Mme Dunn.

    [222]  Pendant le reste de la période de deux mois et demi ayant suivi le retour de Mme Dunn après son affectation, le 1er mai 2012, le seul incident lié à des congés semble s’être produit lorsque Mme Lecompte lui a rappelé le 6 juillet 2012 qu’il avait omis de s’assurer que Mme Dunn avait bel et bien enregistré dans PeopleSoft le congé de maladie qu’elle avait pris le vendredi précédent. En conséquence, j’ignore de quoi il est censé avoir été témoin au cours de l’année concernant le fait qu’elle aurait été ciblée, hormis sa propre interprétation erronée de la directive de Mme Lecompte en septembre 2011, directive qu’il n’a pas exécutée adéquatement comme il en a été question le 6 juillet 2012, et le fait qu’il ne s’est pas assuré que les données saisies dans PeopleSoft étaient complètes.

    [223]  Par ailleurs, je suis préoccupé par le fait que M. Egglefield ait informé Mme Dunn qu’elle était ciblée « contrairement à tous ses autres employés » [TRADUCTION]. Mme Nadon était la seule autre employée qui relevait de M. Egglefield. Il ne s’agissait pas d’une comparaison équitable, puisque les congés de Mme Nadon n’étaient pas problématiques comme ceux de Mme Dunn, qui, comme l’a reconnu M. Egglefield, était la seule employée dont la fréquence des congés posait problème. J’ai d’autres préoccupations concernant la note de Mme Dunn datée du 15 août 2012 selon laquelle, après son quart de travail : « Denis m’a demandé de rester jusqu’à 16 h 45 pour discuter du fait que mes absences étaient surveillées, alors j’ai entrepris d’assurer le suivi de mes heures et de celles de quelques autres employés » [TRADUCTION]. Un commentaire relativement similaire se trouve dans ses notes, indiquant que M. Egglefield l’a informée, le 29 août 2012, que ses « collègues, les autres gestionnaires et le directeur ont passé plus de temps à l’extérieur du bureau durant la même période » [TRADUCTION] [depuis son retour en avril]. Ce dernier commentaire visait l’un des motifs que Mme Lecompte a fournis pour refuser la formation en langue française de Mme Dunn. Il semblerait que M. Egglefield obtenait de l’information de façon proactive et la transmettait à Mme Dunn pour appuyer l’allégation selon laquelle Mme Lecompte la surveillait de façon inappropriée.

    [224]  Ce qui me préoccupe le plus est le fait qu’il aurait recommandé à Mme Dunn de tenir un dossier de leurs conversations. M. Egglefield avait déjà indiqué à Mme Lecompte que Mme Gosselin recueillait de l’information, information qu’elle souhaitait confirmer auprès de lui en vue de l’utiliser contre Mme Lecompte. Le dossier montre qu’à cette date, Mme Dunn consignait déjà des renseignements détaillés sur la conduite de Mme Lecompte, soit depuis son retour à la DGSEE. Une autre divulgation protégée nommant Mme Lecompte a été déposée au cours de la période où Mme Dunn est revenue à la DGSEE. Si l’on prend la situation dans son ensemble, M. Egglefield recommande à Mme Dunn de consigner tous les incidents pouvant être utilisés contre Mme Lecompte et mentionne implicitement qu’il « l’appuierait » [TRADUCTION], pour ainsi dire, si elle avait l’occasion de contester la conduite « inappropriée » [TRADUCTION] de Mme Lecompte dans le lieu de travail.

    [225]  Pour ajouter à ma préoccupation concernant le motif de M. Egglefield, je conclus que celui-ci a, au même moment, informé Mme Dunn que Mme Lecompte avait remis en question sa loyauté parce qu’il avait pris une pause cigarette avec elle. Comme nous le verrons ci-après, il existe une certaine controverse quant au moment où elle a été informée de l’incident relatif à la « loyauté remise en doute à cause de la pause cigarette » [TRADUCTION]. En fin de compte, j’accepte le témoignage de Mme Dunn selon lequel l’incident se serait produit pendant cette réunion, car elle a témoigné qu’il s’agissait du facteur qui avait déclenché sa mémoire et l’avait menée à cette conclusion. De plus, comme il a déjà été mentionné, les notes initiales de M. Egglefield (prises avant que son poste soit visé par le réaménagement des effectifs) jettent le blâme sur Mme Scotton et non sur Mme Lecompte. Ce serait plutôt la première qui aurait remis en doute sa loyauté en raison de l’incident de la « pause cigarette » [TRADUCTION].

    [226]  Le scénario des événements survenus le 11 juillet 2012 s’établirait donc comme suit : M. Egglefield a demandé à Mme Dunn de rester après le travail, après que le personnel a été informé par Mme Lecompte qu’elle n’autoriserait pas les départs anticipés du travail à 15 h 30. Il lui a dit que Mme Lecompte l’avait ciblée, d’abord en lui demandant de signaler seulement ses absences à elle, puis en remettant en question sa loyauté parce qu’il avait été vu en train de prendre une pause cigarette avec elle. Il lui a ensuite demandé d’envoyer une copie conforme de ses demandes de congé à Mme Lecompte et de consigner leurs conversations. Ces renseignements comprennent largement les allégations sur lesquelles s’est fondé le commissaire dans cette affaire, même si aucune preuve ne démontre que cette conduite a eu des répercussions négatives sur les conditions de travail de Mme Dunn. M. Egglefield est le témoin clé sur lequel reposent ces allégations.

    [227]  On a ensuite demandé à M. Egglefield s’il avait fait part de ses préoccupations à Mme Lecompte concernant ce qu’il considérait de toute évidence comme un traitement injuste à l’égard de Mme Dunn, soit le fait « qu’elle soit ciblée » [TRADUCTION].

    [TRADUCTION]

    M. GIRARD : Qu’avez-vous fait à ce propos? Avez-vous parlé à Mme Lecompte? Lui avez-vous dit que vous ne trouviez pas ça correct?

    M. EGGLEFIELD : J’ai parlé à Mme Lecompte de certaines choses qu’elle avait faites envers Mme Dunn et Mme Gosselin à quelques occasions, donc oui, je l’ai fait.

    M. GIRARD : Particulièrement en ce qui concerne les congés?

    M. EGGLEFIELD : Je ne me souviens pas si je lui ai précisément parlé des problèmes liés aux congés.

    M. GIRARD : Donc, vous croyez que Mme Lecompte vous obligeait à la tenir au courant des congés, vous témoignez que vous ne pensiez pas que cela était correct, mais vous ne vous souvenez pas d’en avoir déjà parlé à Mme Lecompte?

    M. EGGLEFIELD : Vous savez, cela fait six ou sept ans maintenant alors, non, je ne me souviens plus si j’ai discuté ou non de cela avec elle.

    M. GIRARD : Il me semble que si vous étiez un gestionnaire qui avait à cœur les intérêts de ses employés, vous auriez soulevé ce point auprès du directeur pour lui dire que vous étiez d’avis qu’il s’agissait là d’une conduite inappropriée, non?

    M. EGGLEFIELD : Mme Lecompte vous confirmera que, lorsque je jugeais que quelque chose n’allait pas, je le portais à son attention.

    [228]  Encore une fois, j’ai beaucoup de difficulté à croire le témoignage de M. Egglefield. Sa première réponse selon laquelle il lui a parlé de « certaines choses qu’elle avait faites envers Mme Dunn et Mme Gosselin » [TRADUCTION] est une réponse évasive à une question toute simple. Il a détourné la réponse pour y inclure Mme Gosselin sans indiquer quelle était la nature de sa discussion avec Mme Dunn.

    [229]  Par la suite, il prétend que sa mémoire lui fait défaut en raison du temps qui s’est écoulé et qu’il ne se souvient plus de ce qui aurait été une réunion particulièrement hors de l’ordinaire avec Mme Lecompte pendant laquelle il aurait soulevé des problèmes en lien avec son traitement inapproprié de Mme Dunn. En outre, il est encore une fois incapable de fournir une note relatant une conversation si importante avec son gestionnaire dans son cahier de notes pourtant très détaillé, où l’on trouve de nombreuses mentions négatives à propos de Mme Lecompte. Je suis convaincu que M. Egglefield n’a pas dit la vérité et s’est montré évasif en laissant entendre qu’il pourrait avoir discuté de cette question avec Mme Lecompte.

    [230]  Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi il n’aurait pas soulevé les préoccupations qu’il aurait pu avoir concernant la directive de Mme Lecompte de surveiller les congés de Mme Dunn. Ces événements se sont produits avant que sa loyauté soit remise en question le 18 novembre 2011. Il avait déjà travaillé au Commissariat et, comme il le reconnaissait lui-même, il était un enquêteur très compétent. Elle l’avait embauché, ce qui est habituellement apprécié d’un employé. S’il croyait qu’elle pouvait s’attirer des ennuis en lui demandant de signaler de tels renseignements, j’ose croire que, normalement, un collègue gestionnaire expérimenté au courant de la première plainte de représailles aurait fait part avec tact de ses préoccupations à son supérieur. À mon avis, la meilleure explication pour justifier le défaut de M. Egglefield d’exprimer ses préoccupations à la suite de sa rencontre avec Mme Lecompte en septembre est qu’il comprenait que sa seule responsabilité à l’égard de Mme Dunn était de s’assurer que ses congés étaient dûment consignés dans le système PeopleSoft; son rôle n’était pas de l’isoler en guise de représailles.

    [231]  Pour ces raisons, je conclus que sa conduite, soit d’avoir informé Mme Dunn qu’elle était ciblée par Mme Lecompte et de lui avoir indiqué qu’il l’appuierait au besoin, était tout à fait inappropriée, ne plus d’être non justifiée et l’unique source de la plainte en matière de surveillance.

    (4)  Conclusion : Mme Lecompte n’a pas exercé de représailles en ce qui concerne la question de surveillance.

    [232]  D’après mon analyse, je conclus que le fait que Mme Lecompte ait demandé à être tenue au courant des absences de Mme Dunn ne constitue pas des représailles, et qu’aucune mesure prise n’a eu de répercussions négatives sur l’emploi et les conditions de travail de celle-ci. Je conclus également que, s’il est déterminé que l’emploi ou les conditions de travail de Mme Dunn ont été affectés par la surveillance de ses absences par Mme Lecompte, celle-ci n’a, à aucun moment, eu l’intention d’exercer des mesures de représailles contre la plaignante par ses agissements; par conséquent, il n’existe aucun fondement pour conclure qu’une mesure disciplinaire devrait être prise à l’encontre de Mme Lecompte concernant cette allégation.

    E.  Allégation d’isolement

    [233]  Les précisions énoncées par le commissaire et la plaignante concernant les incidents relatifs à l’isolement sont les suivantes :

    [TRADUCTION]

    20. Le 18 novembre 2011, Mme Lecompte a encore une fois rencontré M. Egglefield afin de l’interroger sur ses interactions avec la plaignante pendant les heures de travail. Après cette réunion, Mme Lecompte a précisé qu’il devait envisager de limiter ses interactions sociales avec la plaignante et, surtout, qu’il devait tenir compte du contexte entourant les enquêtes du Commissariat. [Précisions du commissaire]

    26. Pendant l’enquête du Commissariat concernant la deuxième plainte, Mme Nadon a déclaré que Mme Lecompte l’avait aussi souvent avertie de ne pas parler à la plaignante, plus particulièrement en octobre 2012, lorsqu’elle a repris les dossiers d’enquête de celle-ci à la DGSEE. En outre, Mme Nadon a indiqué que Mme Lecompte l’avait également avertie de ne pas parler à Mme Marylène Gosselin, l’auteure d’une autre plainte de représailles déposée contre Mme Lecompte et faisant l’objet d’une enquête du Commissariat en date du 8 mars 2012 (no de dossier : PSIC-2010-1438). [Précisions du commissaire]

    [soulignement ajoutés]

    [234]  Aucun autre élément de preuve n’a été présenté au Tribunal pour appuyer l’allégation au paragraphe 20 selon laquelle M. Egglefield devrait envisager de limiter ses interactions sociales avec Mme Dunn, sauf le seul incident où M. Egglefield est d’avis que sa loyauté a été remise en question lors de leur réunion du 18 novembre 2011 parce qu’il avait pris des pauses cigarette avec la plaignante alors qu’elle était en affectation ailleurs. Cet incident est décrit en détail dans les précisions de la plaignante ci-dessous :

    [TRADUCTION]

    7.  En plus d’ordonner aux collègues de la plaignante de ne pas interagir avec elle, Mme Lecompte remettait en question la loyauté des pairs de la plaignante et de M. Egglefield lorsqu’ils interagissaient avec elle. La remise en question de la loyauté des employés a contribué à l’isolement de Mme Dunn de ses collègues. [Précisions de la plaignante]

    [soulignement ajoutés]

    [235]  Encore une fois, aucun élément de preuve n’a été présenté au Tribunal pour démontrer que l’incident relatif à la « loyauté » [TRADUCTION] découlant de la réunion du 18 novembre 2011 a contribué à l’isolement de Mme Dunn de ses collègues, ou en fait, comme on le verra, de M. Egglefield.

    (1)  Preuve de M. Egglefield démontrant que sa loyauté a été remise en question parce qu’il a pris des pauses cigarette avec Mme Dunn

    (a)  17 novembre 2011 – Mme Dunn a pris une pause cigarette avec M. Egglefield immédiatement après son affectation à Ottawa

    [236]  Les événements entourant la discussion sur la loyauté de M. Egglefield semblent avoir commencé après que Mme Dunn ait quitté la Direction générale et son bureau à Gatineau pour partir en affectation le 16 novembre 2011. Elle a témoigné lors de l’interrogatoire principal qu’elle avait préalablement organisé une visite avec M. Egglefield afin de rencontrer quelques Aînés de Premières Nations le jour suivant, soit le 17 novembre 2011. Elle a indiqué être passée prendre M. Egglefield dans son véhicule pour assister à la réunion. Après la réunion, elle et M. Egglefield ont pris une pause pour fumer une cigarette à l’administration centrale d’AANC à Gatineau, où se trouve la DGSEE. La preuve présentée à cet égard est la suivante :

    [TRADUCTION]

    Je me suis souvenue après-coup que, alors nous étions en pause, Denis m’avait dit que Mme Lecompte avait tenté de lui parler de sa loyauté envers elle... et qu’il avait tenu une discussion avec elle. Et je crois que l’incident dont il est question s’est produit lorsque je suis partie pour la première fois en affectation; le jour suivant, j’avais déjà fait des arrangements avec Denis pour lui présenter des Aînés au Kumik. J’avais donc planifié d’amener Denis, de le ramener au travail pour ensuite revenir à Ottawa parce que j’étais en affectation à Ottawa à ce moment-là. Mais, nous avons effectivement fumé une cigarette à l’extérieur.

    [237]  En contre-preuve, après que Mme Dunn ait témoigné du déroulement de la pause cigarette, M. Egglefield s’est rappelé qu’il avait pris une pause cigarette avec elle à ce moment-là.

    [238]  J’en arrive à la conclusion de fait suivante : Mme Dunn et M. Egglefield ont pris une pause cigarette à l’administration centrale d’AANC à Gatineau lors de la première journée suivant son affectation à un nouveau poste à Ottawa. Malgré quelques préoccupations importantes concernant la preuve relative à la réunion avec les Aînés de Premières Nations, j’accepte que cette réunion se soit probablement déroulée de la façon décrite par Mme Dunn.

    [239]  Mes préoccupations à cet égard découlent du fait que M. Egglefield, tout comme Mme Dunn, ont modifié leur preuve sur ce point. M. Egglefield avait initialement témoigné qu’il ne se souvenait pas d’avoir pris une pause cigarette avec Mme Dunn alors qu’elle était en affectation, tandis que Mme Dunn avait initialement témoigné qu’ils n’avaient pas pris de pause cigarette ensemble pendant cette période. Les deux ont par la suite témoigné avoir pris une pause cigarette après leur réunion du 17 novembre 2011, apparemment après que Mme Dunn l’ait reconduit à l’administration centrale.

    [240]  Les deux témoins ont offert cet élément de preuve sans sollicitation, en quelque sorte, c’est-à-dire que l’information a été fournie, mais pas en réponse au sujet ou à la question posée. Dans le cas de Mme Dunn, elle avait demandé l’autorisation au Tribunal de fournir d’autres éléments de preuve après la suspension de l’audience en matinée. Ce faisant, elle a profité de l’occasion pour fournir les détails susmentionnés concernant la raison pour laquelle on l’avait vue en train de fumer une cigarette avec M. Egglefield à l’administration centrale le 17 novembre 2011 après leur visite chez les Aînés de Premières Nations. M. Egglefield a fourni cet élément de preuve en contre-preuve pour corroborer la pause cigarette. Toutefois, il ne s’agissait pas d’une contre-preuve appropriée en ce sens qu’elle ne répondait pas à une preuve de l’employeur. Comme dans le cas de Mme Dunn, il a semblé offrir une explication du fait qu’on aurait pu le voir fumer une cigarette avec Mme Dunn le jour suivant son affectation de l’autre côté de la rivière des Outaouais. De plus, étant donné cette réunion organisée au préalable et les détails des notes de M. Egglefield, je me serais attendu à ce que cette preuve soit corroborée par une mention dans ses cahiers de notes.

    [241]  Mettant de côté ces préoccupations, je n’arrive pas à comprendre comment les précisions concernant l’incident de la pause cigarette n’ont pas été présentées par M. Egglefield soit durant la réunion avec Mme Lecompte le 18 novembre, soit durant celle du 22 novembre 2011. Même si, selon ses propres dires, M. Egglefield était extrêmement mécontent que sa loyauté soit remise en question, il n’a, à aucun moment, souligné la nature fortuite de la pause cigarette qu’il a prise avec Mme Dunn le jour suivant son affectation à l’extérieur de la DGSEE en raison d’une réunion de travail prévue. Il me semble que cela aurait dû être sa réponse d’emblée pour atténuer toute préoccupation que la direction aurait pu avoir par rapport au fait qu’il avait été aperçu en train de fumer avec Mme Dunn dans des circonstances inhabituelles compte tenu du fait qu’elle venait tout juste d’être affectée à l’extérieur de la DGSEE. En toute équité, personne ne semble avoir établi de lien entre la date de l’affectation de Mme Dunn et l’incident relatif à la pause cigarette avant l’audience, lien qui n’a été mis en évidence que lorsque le Tribunal a posé des questions dans le but d’établir la chronologie des faits entourant l’incident de « loyauté » [TRADUCTION].

    [242]  Même si j’ai certaines réserves concernant la réunion organisée au préalable, je ne suis néanmoins pas prêt à conclure que Mme Dunn et M. Egglefield inventeraient une telle preuve pour tromper le Tribunal.

    (b)  Les réunions du 18 novembre 2011 entre Mme Lecompte et M. Egglefield

    (i)  Première réunion du 18 novembre : M. Egglefield est réprimandé pour avoir pris l’initiative de modifier un gabarit.

    [243]  M. Egglefield a témoigné lors de l’interrogatoire principal qu’il avait eu trois ou quatre réunions « bilatérales » (individuelles) avec Mme Lecompte le 18 novembre 2011. Concernant la première réunion pertinente, qui est décrite sous le titre « Rapport d’admissibilité » [TRADUCTION] dans son cahier de notes, il a cité la déclaration suivante de Mme Lecompte et inscrit les commentaires ci-dessous :

    [TRADUCTION]

    « Quand vous serez le patron, vous pourrez décider. »

    Elle n’a pas aimé que je modifie le gabarit pour y ajouter « Mesure prise » et « analyse ». Elle voulait l’information dans de petites cases.

    [244]  Lors d’une autre réunion le même jour, qui portait principalement sur la question de la loyauté de M. Egglefield, il a ajouté une autre note au sujet du gabarit modifié :

    [TRADUCTION]

    Elle m’a demandé de lui faire part des problèmes plutôt que de prendre une initiative comme modifier des gabarits ou demander à Terry de dresser une liste de points d’intérêt pour le ministère.

    [245]  De même, le 22 novembre 2011, après une autre discussion concernant sa loyauté, M. Egglefield a ajouté le commentaire suivant au sujet de la modification du gabarit :

    [TRADUCTION]

    De plus, elle [Mme Lecompte] a nié avoir mentionné qu’elle préférait que je lui fasse part des problèmes plutôt que de faire preuve d’initiative.

    [246]  Il a expliqué ces notes dans le témoignage suivant :

    [TRADUCTION]

    Et, l’un des incidents survenus lors de cette réunion est que Mme Lecompte était livide parce que j’avais modifié un gabarit qui avait été préparé avant mon arrivée au sein de l’équipe. Le document était celui sur lequel on se fondait pour rendre des décisions sur les plaintes reçues. Donc, le problème était que le gabarit ne comprenait aucune zone pour les employés – appelons-les les enquêteurs ici, parce que je n’ai pas de meilleur mot pour les décrire actuellement. Ils ne pouvaient fournir leur analyse nulle part. Il y avait des faits, puis une conclusion, mais aucune analyse, ce qui, dans une perspective d’enquête, n’avait aucun sens. J’ai donc modifié le document afin d’y ajouter une zone où l’enquêteur pouvait me fournir, étant le superviseur, l’analyse de ses constatations en fonction des faits en vue d’étayer la conclusion.

    Mais Mme Lecompte était mécontente parce qu’elle... je suppose qu’il y avait un document, un livre de procédures en cours de préparation qui comprenait des gabarits en voie d’être élaborés, et qu’il était inapproprié pour moi de commencer à changer les choses à cette étape. Je me rappelle avoir discuté de cela avec M. Finn et de lui avoir demandé qui était présent. M. Finn avait déjà travaillé avec moi au bureau de l’ombudsman pour la Défense nationale et avait été promu lorsqu’il a été envoyé à la DGSEE; je savais donc qu’il s’agissait d’un bon enquêteur. Toutefois, lorsqu’ils ont préparé ces procédures et ces gabarits, M. Finn m’a informé qu’il n’était pas présent ce jour-là, que la préparation avait été effectuée par d’autres membres du personnel de la DGSEE, dont aucun, à mon avis, ne possédait l’expérience nécessaire pour prendre ce genre de décision et préparer les documents appropriés, y compris Mme Lecompte, qui n’avait aucune expérience dans le domaine des enquêtes hormis le fait qu’elle avait travaillé au Commissariat en communications. Donc, pour elle, le domaine des enquêtes était nouveau. Alors, j’ai pensé que je faisais ce que l’on attendait de moi en tant qu’employé de niveau AS-7 en tirant parti de mon expertise et en faisant preuve d’initiative. Lors de cette réunion, quelques jours avant le 18 novembre, vous savez, j’ai reçu une directive troublante de la part d’une directrice, soit, vous savez, « faites-moi part des problèmes. Ne prenez pas l’initiative pour les régler. »

    [soulignement ajoutés]

    [247]  Mme Lecompte ne se souvenait pas d’avoir dissuadé M. Egglefield de prendre des initiatives durant leur discussion du 18 novembre 2011. Cela est peut-être justifiable étant donné le long délai qui s’est écoulé depuis cette discussion, considération qui s’applique également à une partie du témoignage de M. Egglefield.

    [248]  M. Finn, qui a été appelé par la plaignante et qui était un ami et collègue très respecté de M. Egglefield, n’a pas été interrogé sur cet incident.

      (I)  Analyse

    [249]  En me fondant sur le témoignage de M. Egglefield, je conclus, d’après ses propres éléments de preuve, qu’il a mal interprété ce qui semble être une « question de lien hiérarchique » [TRADUCTION] pour Mme Lecompte plutôt qu’une incitation à ne pas prendre d’initiatives proactives.

    [250]  Bien que le commentaire soit une forme de reproche, je n’attribue pas de lacunes graves en matière de gestion à Mme Lecompte pour ce qui se veut un commentaire visant à souligner que son initiative, bien que justifiée à ses yeux, aurait d’abord dû être portée à son attention avant qu’il ne procède à la modification du gabarit alors que l’équipe en avait terminé la conception.

    [251]  Par ailleurs, son témoignage lors de l’interrogatoire principal démontre un certain manque de respect à l’égard de la compétence des autres membres de la DGSEE en ce qui concerne leurs enquêtes, ainsi qu’à l’égard de la capacité de Mme Lecompte à diriger une direction d’enquête (« appelons-les les enquêteurs ici parce que je n’ai pas de meilleur mot pour les décrire actuellement » [TRADUCTION] et « dont aucun, à mon avis, possédait l’expérience nécessaire pour pouvoir prendre ce genre de décision et préparer les documents appropriés, y compris Mme Lecompte, qui n’avait aucune expérience dans le domaine des enquêtes, hormis le fait qu’elle avait travaillé au Commissariat en communications. Donc, pour elle, le domaine des enquêtes était nouveau. » [TRADUCTION]). Une telle attitude nécessiterait à juste titre une certaine forme de réprimande de la part de Mme Lecompte afin de maintenir son autorité. Cela justifierait sa remarque selon laquelle elle serait celle qui prendrait les décisions tant qu’il ne serait pas le patron.

    [252]  Je conclus par ailleurs que cette description du fait que Mme Lecompte était « livide » [TRADUCTION] lors de la première réunion n’est pas compatible avec ses notes selon lesquelles elle « n’a pas aimé » [TRADUCTION] sa modification. En outre, j’admets avoir un peu de difficulté avec la déclaration très négative que l’on attribue à Mme Lecompte et que cette dernière aurait prononcée durant la deuxième réunion, après avoir mis en doute la loyauté de M. Egglefield (« Elle m’a demandé de lui faire part des problèmes plutôt que de prendre une initiative » [TRADUCTION]) étant donné sa nature très intense. Cet élément de preuve et celui de Mme Lecompte démontrent que le fait de remettre en question sa loyauté l’a, selon ses propres mots, « extrêmement, extrêmement » [TRADUCTION] dérangé. Comme il a été mentionné, Mme Lecompte ne se souvient pas d’avoir discuté de cet incident où elle l’aurait dissuadé de faire preuve d’initiative, incident qui, d’après M. Egglefield, aurait été soulevé lors de trois réunions différentes. D’après son témoignage, le fait d’avoir douté de sa loyauté a énormément contrarié M. Egglefield, elle-même était mécontente de sa réaction, et la courte réunion a pris fin de façon abrupte lorsqu’il s’est fâché et qu’elle n’est pas parvenue à le calmer. Je ne peux imaginer que le sujet ait été soulevé, ou que Mme Lecompte ait fait une déclaration aussi incendiaire dans le cadre de la deuxième réunion étant donné la réaction de M. Egglefield.

    [253]  Compte tenu de tous les éléments de preuve, je conclus que le fait que Mme Lecompte ait remis la loyauté de M. Egglefield en question a probablement incité celui-ci à modifier son impression de la réunion précédente. Dans cet état d’esprit, il a probablement brodé la déclaration « Quand vous serez le patron... » [TRADUCTION] pour la présenter d’une manière plus négative que ce qui avait d’abord été consigné dans ses notes initiales. Peu importe, il est clair que la description essentielle et le ton des événements de la première réunion dépeignent Mme Lecompte d’une manière plus négative que dans ses notes, après que sa loyauté ait été mise en doute.

    (ii)  Deuxième réunion du 18 novembre : La loyauté de M. Egglefield est remise en question
      (II)  La preuve

    [254]  Les précisions du commissaire concernant la question de l’isolement, qui ont été adoptées par la plaignante, étaient axées, en première instance (avant que Mme Nadon ne présente de nouveaux éléments pour démontrer qu’on lui avait indiqué de ne pas se lier d’amitié avec Mme Dunn en avril 2011) sur le fait que la loyauté de M. Egglefield avait été remise en question parce qu’il avait été vu en train de fumer avec la plaignante. Tel qu’il est démontré dans la discussion qui précède, la deuxième réunion du 18 novembre 2011 était la première occasion où la loyauté de M. Egglefield a été soulevée. Sa brève note sur le sujet, sous le titre « Loyauté » [TRADUCTION] est rédigée comme suit :

    [TRADUCTION]

    Elle a remis en question ma loyauté parce qu’on m’avait vu fumer avec Chantal. Elle a dit qu’il y avait des « rumeurs ».

    [255]  M. Egglefield a témoigné ce qui suit concernant cette note :

    [TRADUCTION]

    C’était en fait une réunion très vexante. J’ai été appelé dans le bureau de Sylvie et j’avais été... ou Sylvie m’a informé que le Bureau de la vérificatrice en chef, Anne Scotton, pas nécessairement elle personnellement, mais son bureau, lui avait dit qu’on m’avait vu fumer une cigarette à l’extérieur avec Chantal Dunn. Je me souviens très bien de cette journée, parce que, particulièrement pour un ancien militaire, le fait de voir sa loyauté remise en question est quelque chose de particulièrement blessant... C’était absolument ahurissant que quelqu’un me fasse un commentaire de ce genre.

    Mme Lecompte semblait croire que j’aidais Mme Dunn dans ses plaintes auprès du Commissariat et que, vous savez, surtout étant donné que j’avais déjà travaillé là, vous savez, je pouvais lui être utile, ce qui était loin d’être la vérité puisque Mme Dunn se faisait un devoir – ce qui est tout à son honneur – de ne parler que très rarement de ces problèmes. En fait, elle préservait la confidentialité de ces affaires, comme, j’en suis sûr, l’enquêteur du Commissariat le lui avait demandé. J’étais mis au courant des moments où elle avait des rendez-vous, mais autre que cela, nous ne discutions pas de ses dossiers avec le Commissariat.

    [soulignement ajoutés]

    [256]  De même, Mme Lecompte a témoigné que M. Egglefield s’était fâché lorsqu’elle lui a parlé de ses pauses cigarette avec Mme Dunn, et qu’elle avait reçu comme directive de la part de Mme Scotton de transmettre cette plainte à M. Egglefield. Cependant, les témoignages de Mme Lecompte et de M. Egglefield varient considérablement en ce qui concerne d’autres aspects.

    [257]  Lors de l’interrogatoire principal, Mme Lecompte a déclaré qu’elle avait d’abord demandé à M. Egglefield de réduire la fréquence et la durée de ses pauses cigarette avec Mme Dunn, précisant : « plusieurs personnes m’ont dit vous avoir souvent vu fumer une cigarette avec Mme Dunn à l’extérieur » [TRADUCTION]. Il a répondu : « J’imagine que ça vient de Mme Scotton ou de Mme Lamarre? » [TRADUCTION] Elle a esquivé la question, répondant plutôt : « [p]eu importe de qui ça vient. Vous êtes souvent allé fumer. Je voulais simplement que vous réduisiez la fréquence de vos pauses. » [TRADUCTION]

    [258]  Toutefois, elle a reconnu dans son témoignage que la plainte venait de Mme Scotton. Mme Lecompte a été avisée par Mme Scotton qu’elle voyait très souvent Mme Dunn fumer avec M. Egglefield. Mme Lecompte a ajouté qu’elle lui avait demandé de dire à Mme Dunn que « cela n’était pas approprié dans le contexte » [TRADUCTION] et que M. Egglefield devrait raccourcir ses pauses. Rien ne prouve que Mme Lecompte en ait parlé à Mme Dunn, qui était en affectation à ce moment-là. Cependant, je ne crois pas que cela était la directive expresse. Il était plutôt entendu qu’elle devait dire à M. Egglefield d’informer Mme Dunn qu’il n’était pas approprié qu’elle se rende à l’administration centrale d’AANC puisqu’elle était en affectation.

    [259]  Mme Lecompte a témoigné qu’elle avait elle-même des préoccupations concernant les pauses cigarette de M. Egglefield et de Mme Dunn. Elle a déclaré que, lorsqu’elle se rendait au bureau de M. Egglefield, il était souvent absent et que ses collègues lui disaient toujours qu’il était parti fumer avec Mme Dunn. On ne lui disait jamais qu’il était parti fumer avec quelqu’un d’autre. Elle a indiqué avoir confronté M. Egglefield parce qu’elle voulait qu’il réduise la fréquence de ses pauses cigarette avec Mme Dunn; elle ne voulait pas les interdire.

    [260]  Mme Lecompte a mentionné qu’après avoir soulevé la question auprès de M. Egglefield, celui-ci est devenu fort contrarié, voire agressif : « Il m’a dit que Mme Scotton et Mme Lamarre ne pouvaient pas lui dire quand et avec qui aller fumer, ni pendant combien de temps, et que cela le rendait furieux » [TRADUCTION]. De manière générale, je suis en désaccord avec la réaction de M. Egglefield. S’il existait des préoccupations légitimes concernant la durée et la fréquence de ses pauses cigarette, il s’agit d’une question que la direction était en droit d’aborder. Par ailleurs, s’il ne prenait ses pauses qu’avec un seul employé, alors cet employé ferait aussi l’objet d’une directive similaire de la direction. Leur conduite, ensemble, aurait pour effet de les isoler et d’attirer l’attention de la direction.

    [261]  Ce n’est qu’en réponse à la colère de M. Egglefield que Mme Lecompte dit avoir soulevé la question de sa loyauté, bien qu’en contre-interrogatoire, elle ait témoigné qu’elle ne croyait pas avoir utilisé ce terme, mais qu’il s’agissait plutôt d’une question de « contexte » [TRADUCTION], même s’il en fait mention encore et encore. Peu importe, elle a témoigné ce qui suit :

    [TRADUCTION]

    Il s’agit aussi d’une question de loyauté et de collégialité avec la direction. Je lui ai demandé de comprendre le contexte de toutes les plaintes de représailles et je lui ai expliqué que c’était le fait qu’il était toujours vu avec Mme Dunn alors qu’elle était en affectation à l’extérieur de notre équipe à ce moment-là.

    [262]  Elle a ensuite ajouté qu’« il était insulté que je remette en question sa loyauté. En fin de compte, comme je voyais qu’il était très contrarié par toute cette histoire, je lui ai dit “Écoute Denis, oublie tout ça” » [TRADUCTION]. Elle a déclaré avoir manqué de « tact » [TRADUCTION] et qu’elle « voulait préserver sa relation avec M. Egglefield » [TRADUCTION]. M. Egglefield a nié que Mme Lecompte lui avait dit d’oublier cette conversation. Mme Lecompte a témoigné que tout ce qu’elle voulait, c’était que M. Egglefield limite ses pauses cigarette avec Mme Dunn. Malgré ses efforts pour calmer la situation, elle a mentionné que la réunion s’était terminée plutôt abruptement.

    [263]  En contre-interrogatoire, M. Egglefield a déclaré qu’il ne se souvenait pas si Mme Lecompte avait proposé qu’il prenne moins de pauses cigarette avec Mme Dunn, bien qu’il ait dit que personne n’abusait de ses pauses cigarette. J’interprète cette déclaration comme signifiant qu’il fumait assez régulièrement avec Mme Dunn pour qu’il soit possible qu’on lui ait demandé de prendre moins de pauses avec elle. Il a aussi témoigné, initialement, qu’il ne se souvenait pas si elle était revenue pour fumer avec lui pendant qu’elle était en affectation. Tel qu’il a été mentionné, en contre-preuve, il a changé son témoignage pour décrire l’occasion telle qu’elle avait été racontée par Mme Dunn concernant la réunion organisée au préalable avec un tiers, ajoutant qu’il est possible qu’il ait pris une pause cigarette à une ou deux reprises avec Mme Dunn pendant qu’elle était en affectation.

    [264]  En contre-interrogatoire, faisant travailler sa mémoire sélective, M. Egglefield a expliqué pourquoi il était incapable de se souvenir si Mme Lecompte avait proposé qu’il prenne moins de pauses cigarette avec Mme Dunn, mais se souvenait clairement qu’elle avait remis sa loyauté en question. M. Egglefield a expliqué à quel point la question de sa loyauté était importante à ses yeux :

    [TRADUCTION]

    Vous savez, lorsque quelqu’un remet votre loyauté en question, comme je l’ai expliqué hier, c’est extrêmement, extrêmement vexant. Cette remise en question était basée, pour autant que je le sache, sur des allégations non fondées qui, vous savez... Pourquoi - pourquoi quelqu’un porterait-il attention à de telles choses? Alors oui, c’était particulièrement vexant. Je me rappelle, vous savez, avoir passé la fin de semaine, vous savez, à ressasser la question et à tenter de comprendre comment je lui en parlerais parce que c’était, vous savez, inacceptable la façon dont, vous savez, j’avais été traité.

    [soulignement ajoutés]

    [265]  D’autres passages pertinents concernant les événements du 18 novembre sont tirés du contre-interrogatoire de Mme Lecompte. On lui a demandé pourquoi il était nécessaire qu’elle demande à M. Egglefield de cesser de fumer avec Mme Dunn ou qu’elle le laisse entendre. La première fois, elle a témoigné qu’elle avait « parlé à M. Egglefield à propos de lui, de ses pauses cigarette » [TRADUCTION], et qu’elle n’avait jamais eu l’intention de l’isoler ni de limiter ses interactions sociales avec M. Dunn. Elle a déclaré : « Je voulais simplement qu’il réduise la fréquence et la durée de ses pauses cigarette, c’est tout. » [TRADUCTION] Toutefois, dans un autre contre-interrogatoire, la preuve a changé ainsi, et je souligne :

    [TRADUCTION]

    M. YAZBECK : D’accord. Alors, pourquoi donc est-ce que cela vous dérangerait qu’ils prennent des pauses cigarette ensemble alors qu’ils travaillent chacun de leur côté de la rivière?

    MME LECOMPTE : Il était encore vu avec Mme... Il a été vu avec Mme Dunn dans le hall d’entrée, ailleurs, près de l’immeuble en train de fumer. Je comprends qu’elle travaillait ailleurs, mais elle est clairement venue à l’administration centrale.

    M. YAZBECK : Eh bien, la question est de savoir comment M. Egglefield – pardon – comment savez-vous que le fait que M. Egglefield fume une cigarette avec Mme Dunn posait problème alors qu’ils travaillaient chacun de leur côté de la rivière?

    MME LECOMPTE : J’ai dit que M. Egglefield avait été vu par des gens de mon entourage, y compris Mme Scotton, en train de fumer, pas de l’autre côté de la rivière, pas sur le pont, mais bien à l’administration centrale. Donc...

    M. YAZBECK : Et dites-moi : Le problème, tel que vous le décrivez, est le comportement de M. Egglefield n’est-ce pas?

    MME LECOMPTE: Oui.

    M. YAZBECK : D’accord. Pourquoi n’avez-vous pas simplement dit à M. Egglefield de réduire la fréquence de ses pauses cigarette, point à la ligne?

    MME LECOMPTE : C’est ce que j’aurais dû faire. Mais chaque fois que je cherchais M. Egglefield dans son bureau avant que Mme Dunn parte en affectation, ses collègues me disaient immanquablement qu’il était parti fumer avec Chantal. Donc, c’est comme s’il passait beaucoup de temps avec elle durant ses pauses cigarette. Alors j’ai ajouté, réduisez vos pauses cigarette avec Chantal.

    M. YAZBECK : Alors, vous dites que vous auriez dû faire ça, mais vous ne l’avez pas fait, n’est-ce pas? Vous lui avez seulement interdit de prendre d’autres pauses cigarette avec Mme Dunn, est-ce exact?

    MME LECOMPTE : Oui, c’est exact. Quel crime ignoble. J’ai tué quelqu’un.

    [soulignement ajoutés]

      (III)  Analyse

    [266]  Je conclus que trois facteurs de motivation ont incité Mme Lecompte à confronter M. Egglefield au sujet de ses pauses cigarette avec Mme Dunn. Premièrement, Mme Scotton l’avait souvent vu prendre une pause cigarette avec Mme Dunn, ce qui a été confirmé par Mme Lecompte. Deuxièmement, M. Egglefield continuait à prendre des pauses cigarette avec Mme Dunn, même si elle avait été réaffectée ailleurs (à sa propre demande, sans aucun lien avec la plainte de représailles) et qu’elle travaillait à une distance considérable de l’administration centrale d’AANC. Troisièmement, le contexte des plaintes de représailles déposées par les employés faisait en sorte que ses pauses cigarette avec Mme Dunn, l’une des plaignantes pendant qu’elle était en affectation, posait problème pour ce qui était de sa loyauté envers l’équipe de direction qui devait composer avec ces plaintes. J’accepte également le témoignage de Mme Lecompte selon lequel elle a uniquement soulevé la question du contexte des plaintes après que M. Egglefield ait répondu avec mécontentement au fait qu’il avait été vu en train de fumer avec Mme Dunn et qu’il ait reproché à Mme Scotton ou à Mme Lamarre d’avoir remis sa loyauté en question. Je juge que plusieurs autres conclusions découlent de ce scénario factuel.

    [267]  Mme Lecompte suivait la directive de sa gestionnaire, Mme Scotton, lorsqu’elle a confronté M. Egglefield au sujet de ses pauses cigarette avec Mme Dunn. Je suis convaincu qu’elle ne l’aurait pas confronté sinon. Bien qu’elle prétende ne pas avoir informé M. Egglefield qu’elle ne faisait que suivre la directive de Mme Scotton, il a néanmoins attribué le blâme à cette dernière, tant dans son témoignage sur la façon dont il a réagi le 18 novembre que dans ses notes sur la réunion du 22 novembre avec Mme Lecompte. En effet, d’après ces éléments de preuve, je conclus que Mme Lecompte était une cible secondaire du mécontentement de M. Egglefield parce que sa loyauté avait été remise en question.

    [268]  Je ne peux pas critiquer Mme Lecompte pour la façon dont elle a d’abord tenté d’aborder le problème de ses pauses cigarette, puisqu’elle a usé de suffisamment de tact dans les circonstances. Cependant, elle ne semble pas avoir suivi la directive de Mme Scotton, qui voulait que M. Egglefield informe Mme Dunn que leurs pauses cigarette étaient inappropriées à proximité de l’administration centrale d’AANC. Elle a confondu cette justification avec sa propre explication additionnelle concernant le « contexte », notamment le fait que Mme Dunn était en affectation et qu’il y avait des plaintes de représailles en cours. Cela a mené M. Egglefield à croire que sa loyauté avait été remise en question, parce que l’interdiction le visait lui plutôt que Mme Dunn.

    [269]  Je suis convaincu que M. Egglefield prenait régulièrement des pauses cigarette avec Mme Dunn avant le 18 novembre 2011. Il avait tenté de cesser de fumer après son opération, mais n’avait pas réussi à surmonter sa dépendance à la cigarette. La preuve qu’il a présentée en contre-preuve relativement au nombre de pauses cigarette est sans équivoque. À mon avis, il s’agit d’un sujet qui aurait dû être abordé lors de l’interrogatoire principal étant donné que l’énoncé des précisions de Mme Lecompte abordait précisément cette question. De plus, je ne puis passer outre le fait que la plaignante a appelé deux témoins, deux témoins qui auraient pu aborder la question. En particulier, Mme Nadon, l’autre employée qui relevant de M. Egglefield, aurait pu fournir des éléments de preuve pour contester le témoignage de Mme Lecompte selon lequel on lui disait souvent que M. Egglefield était parti fumer une cigarette avec Mme Dunn lorsqu’elle le cherchait. M. Egglefield n’a abordé précisément cette question que dans sa contre-preuve. Encore une fois, je me serais attendu à ce que Mme Nadon corrobore les faits, puisqu’elle a aussi été appelée à fournir une contre-preuve.

    [270]  En ce qui concerne la pause cigarette du 17 novembre 2011, Mme Dunn était l’employée qui semble avoir abusé de sa pause en quittant son lieu de travail à Ottawa en même temps que M. Egglefield afin d’aller fumer une cigarette avec lui. À mon avis, il s’agit du point qui laisse la direction perplexe : comment ils ont pu être vus en train de fumer ensemble le jour suivant la réaffectation de Mme Dunn de l’autre côté de la rivière? C’est aussi la raison de ma préoccupation concernant le fait que Mme Dunn et M. Egglefield ont gratuitement témoigné relativement à ces questions, comme il est décrit précédemment, et ont indiqué que cette pause cigarette avait été organisée à l’avance. Cela ajoute à mon questionnement sur la façon dont la réunion organisée à l’avance n’a jamais été mentionnée à Mme Lecompte lors des réunions de novembre, ni mentionnée ailleurs dans la preuve. Néanmoins, aucune explication n’a été fournie à Mme Lecompte.

    [271]  Dans ces circonstances, je suis d’avis que la présence de Mme Dunn le jour suivant son affectation à Ottawa pour fumer une cigarette avec M. Egglefield serait une raison valide liée au travail pour tenter d’interdire à Mme Dunn de prendre d’autres pauses cigarette avec M. Egglefield à l’administration centrale d’AANC pendant ses heures de travail. Je suis porté à croire que ces deux personnes devaient coordonner leur horaire pour être en mesure de prendre ces pauses, sans oublier qu’il fallait beaucoup de temps à Mme Dunn pour se rendre sur place et revenir dans l’unique but de fumer une cigarette en compagnie de M. Egglefield. Je ne considère pas cette activité comme étant liée au travail.

    [272]  Par ailleurs, ces pauses cigarette ne seraient pas un bon exemple de la façon dont les affectations externes sont censées fonctionner. Mme Dunn venait tout juste de partir en affectation, alléguant qu’elle avait besoin de quitter son milieu de travail; or, le jour suivant, elle est de retour sur le lieu de travail, sa présence sur place l’obligeant à prendre une très longue pause en raison du temps de déplacement. Ces circonstances terniraient la réputation de M. Egglefield, qui était son gestionnaire et qui a excusé la conduite de Mme Dunn. Il aurait aussi été au courant que Mme Dunn était l’employée dont les absences étaient les plus fréquentes au bureau pour diverses raisons, en plus d’avoir le privilège d’arriver tard au travail en raison de la maladie de sa mère. Honnêtement, je suis surpris que M. Egglefield n’ait pas reconnu que le fait d’être vu en train de prendre une pause cigarette avec Mme Dunn, dans les circonstances décrites, ferait sourciller l’équipe de haute direction. Cela m’amène encore une fois à me demander pourquoi il n’a pas décrit le motif professionnel, ou du moins connexe, pour lequel il a été vu en train de fumer avec Mme Dunn lors de ses deux réunions avec Mme Lecompte, alors qu’il croyait que sa loyauté était remise en question pour cette raison.

    [273]  Je conclus également que le contexte d’un milieu de travail dysfonctionnel a contribué aux plaintes de représailles et aux autres plaintes et conflits entre les employés et qu’il s’agit d’un facteur contextuel qui justifie qu’il soit fait mention des plaintes de représailles. Je suis en accord avec l’interprétation que fait Mme Lecompte d’un bureau très dysfonctionnel. Bien que M. Egglefield ait témoigné que ce n’était pas le cas, j’attribue ce point de vue à sa volonté de présenter négativement Mme Lecompte en raison de sa partialité déraisonnable envers elle. Il était au courant, par exemple, du fait que deux gestionnaires étaient requis parce que certains employés ne pouvaient pas travailler ensemble.

    [274]  De même, un indice important de la situation précaire qui régnait au sein de la DGSEE est le fait que l’une des premières mesures prises par Mme Lecompte lorsqu’elle est devenue directrice a été l’embauche de M. Sterne, un conseiller en ressources humaines, pour mener un exercice de renforcement de l’esprit d’équipe. À la suite de cet exercice, la plupart des membres du personnel ont adopté une charte d’équipe, dont les conditions sont les suivantes :

    [TRADUCTION]

    Nous, collectivement et individuellement, nous engageons à ce qui suit :

    Communications :

      Communiquer de manière respectueuse, ouverte et courtoise

      Favoriser la fonction de « remise en question »

      Échanger de l’information, des expériences et des connaissances

      Communiquer clairement les attentes

    Relations de travail :

      Être loyaux envers l’équipe en s’appuyant les uns et les autres et en travaillant dans l’intérêt supérieur de l’équipe

      Être ouverts d’esprit et accepter les différences de chacun

      Contribuer à un environnement de travail agréable

      Soulever rapidement toute préoccupation auprès des autres

    Engagement et responsabilisation :

      Être pleinement engagés

      Être responsables de notre succès personnel et de celui de l’équipe

      Participer activement aux réunions de la DGSEE

      Être tenus responsables de notre travail et de nos comportements envers nous-mêmes et envers nos collègues

    [275]  Mme Dunn a refusé de signer la charte d’équipe. Les notes de M. Egglefield indiquent que, le 9 novembre 2011, tous les employés ont accepté de signer la charte d’équipe, sauf Mme Dunn et Marylène Gosselin. M. Egglefield a décrit Mme Gosselin comme une employée très difficile et une amie de Mme Dunn, et comme quelqu’un qui cherchait à monter un dossier contre Mme Lecompte. Mme Gosselin est également impliquée dans des questions d’isolement renvoyées ultérieurement au Tribunal. Les notes de M. Egglefield indiquent aussi qu’il était mécontent que Mme Dunn s’entête à refuser de signer la charte après son retour à la DGSEE, en mai 2012. Selon les notes de Mme Dunn, le 15 août 2012, M. Egglefield lui a proposé de « ne pas s’associer avec Marylène » [TRADUCTION] après qu’elle a refusé de participer à un dîner de travail avec le conseiller parce que Mme Gosselin n’avait pas été invitée.

    [276]  Le refus de Mme Dunn de signer la charte était l’un des facteurs qui l’ont menée à demander une affectation à l’extérieur de la DGSEE. Sa demande a été acceptée et son affectation a débuté le 16 novembre 2011. Une affectation temporaire avec le consentement de l’employé ne constitue pas des représailles aux termes du paragraphe 51.1(5) de la Loi. Dans tous les cas, il n’est pas allégué, et rien ne permet de conclure, que cette affectation découlait des divulgations protégées faites par Mme Dunn ou de sa plainte de représailles.

    [277]  À mon avis, les refus de Mme Dunn et de Mme Gosselin de signer la charte d’équipe en plus des trois plaintes de représailles déposées contre Mme Lecompte, dont deux venaient d’elles, auraient dû susciter une certaine empathie pour la demande formulée par Mme Lecompte, soit de tenir compte du « contexte » du milieu de travail. En tant que gestionnaire, il aurait dû être préoccupé par le fait que ces employés, y compris Mme Dunn et Mme Gosselin, étaient en train de former une alliance contre Mme Lecompte et que leurs plaintes contre elle constituaient des représailles parce qu’ils n’avaient pas été retenus dans le cadre des processus concurrentiels de dotation alors qu’elle n’était directrice que depuis trois mois. D’autant plus que, comme M. Egglefield avait déjà travaillé au Commissariat et était un enquêteur d’expérience, il aurait dû être en mesure d’évaluer la situation.

    [278]  La dernière question factuelle à trancher est celle de savoir si Mme Lecompte a dit à M. Egglefield d’oublier ses préoccupations concernant ses pauses cigarette avec Mme Dunn. En fin de compte, j’accepte son témoignage, non seulement parce que je crois qu’elle est le témoin le plus fiable, mais aussi parce que j’estime qu’il décrit la suite la plus probable et la plus logique des événements qui se sont produits après que M. Egglefield s’est fâché et a choisi de poursuivre ses pauses cigarette avec Mme Dunn. Le fait qu’il ait fait marche arrière sur la question de ses pauses cigarette avec Mme Dunn cadre avec la fois où Mme Lecompte a battu en retraite lors de la réunion tumultueuse avec M. Egglefield parce qu’elle craignait l’avoir offensé. Il était vexé que sa loyauté ait été remise en question et a réagi en conséquence. Ce n’était pas son idée de confronter M. Egglefield en premier lieu. De plus, en tant que son gestionnaire, elle ne faisait qu’appliquer la directive visant en quelque sorte à sauver la face en lui demandant de simplement réduire la fréquence de ses pauses cigarette, de façon à ne pas totalement faire fi de la directive de Mme Scotton.

    [279]  Je constate également que les événements subséquents appuient son témoignage selon lequel elle a retiré toute directive concernant le fait de prendre des pauses cigarette avec Mme Dunn. M. Egglefield a avoué qu’il avait possiblement fumé une cigarette avec Mme Dunn à une ou deux reprises durant son affectation, en plus de la fois du 17 novembre 2011. Je suppose qu’il n’aurait pas désobéi à un ordre direct de Mme Lecompte, même s’il n’était pas en accord avec celui-ci. Le fait d’admettre qu’il est possible qu’il ait pris d’autres pauses cigarette avec elle durant son affectation en revient à accepter qu’il ne faisait l’objet d’aucune interdiction de le faire après ses réunions du 18 et du 22 novembre avec Mme Lecompte. En outre, la preuve démontre de façon incontestable que Mme Dunn et lui ont continué à prendre des pauses cigarette après son retour en mai 2012. Je conclus donc qu’il ne leur était pas interdit de fumer ensemble à tout moment après la réunion du 18 novembre 2011.

    (c)  Réunion du 22 novembre : Remise en question de la loyauté de M. Egglefield

    (i)  La preuve

    [280]  Une réunion de suivi a eu lieu le 22 novembre 2011 et, selon la description de M. Egglefield, celle-ci aurait duré environ une demi-heure. Durant la réunion, il a soulevé son « inconfort face aux déclarations qu’elle a faites concernant [sa] loyauté le vendredi [18 novembre 2011] » [TRADUCTION]. D’après le souvenir que Mme Lecompte a de cette réunion, M. Egglefield avait beaucoup réfléchi à leur discussion du 18 novembre, qui l’avait grandement perturbé, et lui a dit qu’il voulait revenir sur l’incident relatif à la pause cigarette. Pour résumer son témoignage, elle lui a répété de ne pas s’en soucier, qu’elle avait dit ce qu’elle avait à dire, soit qu’il devrait simplement réduire la durée de ses pauses cigarette.

    [281]  M Egglefield a témoigné que Mme Lecompte avait « expliqué les motifs » [TRADUCTION] pour lesquels elle avait remis en question sa loyauté. Ces motifs comprenaient quatre points, qu’il a consignés ainsi dans ses notes :

    [TRADUCTION]

    1)  Le fait que j’aie pris un congé de maladie à mon arrivée, lequel a été prolongé [il a été absent pendant les 12 premières semaines suivant son embauche]

    2)  Ma candidature pour le poste de directeur des Opérations au Commissariat

    3)  Les commentaires/questions d’Anne Scotton concernant ma fiabilité parce que j’ai été vu (par plusieurs) en train de fumer avec Chantal [Dunn]

    4)  Elle ne savait pas si le Commissariat m’avait interrogé concernant les allégations d’actes répréhensibles et de représailles

    [282]  Mme Lecompte a également nié que leur discussion s’était déroulée selon la description faite par M. Egglefield dans ses notes. Elle a répondu à la preuve comme suit :

    [TRADUCTION]

    Non, je ne lui ai jamais fourni de motifs. M. Egglefield les a notés de cette façon. Je ne me souviens pas de lui avoir dit « Je remets votre loyauté en question pour quatre motifs, soit les suivants : vous avez pris un congé de maladie à votre arrivée, vous avez présenté votre candidature pour le poste de... » C’est lui qui... c’est l’interprétation de M. Egglefield. Je ne lui ai pas expliqué les raisons pour lesquelles je lui avais demandé de réduire la durée de ses pauses cigarette.

    [283]  Elle a ajouté qu’elle ne voyait pas de lien entre certains de ces « motifs » allégués et sa loyauté, ce avec quoi je suis d’accord, et ce qui est évident d’après la description qu’en fait M. Egglefield.

    [284]  Contrairement au reste des notes dans les deux cahiers, ces commentaires ne consignent pas d’instruction ou d’événement précis. Si l’on examine tous les points ensemble, il semblerait qu’ils représentent le résumé de M. Egglefield à la fin de la réunion d’une demi-heure concernant les difficultés dans sa relation avec Mme Lecompte et, indirectement, avec Mme Scotton. Je les trouve de nature défensive et je suis d’avis qu’ils visent à exprimer sa version des faits, sans aucune indication qu’il pourrait avoir contribué au problème dans leur relation. Je constate également que seul l’un de ces points se rapporte à la remise en question de sa loyauté, qui se rapporte à son isolation de la plaignante en raison de ses pauses cigarette; le blâme ici est encore une fois attribué à Mme Scotton.

    (ii)  Analyse
      (I)  Motifs 1 et 2 : Le congé de maladie prolongé à sa première journée de travail et sa candidature pour un poste à l’extérieur de la Direction générale sont liés à son engagement et non à sa loyauté

    [285]  Je suis d’accord avec Mme Lecompte que les deux premiers points ne sont pas liés à sa loyauté. Ils portent sur sa regrettable absence à son arrivée en poste au sein de la DGSEE et son manque apparent d’engagement à long terme parce qu’il avait présenté sa candidature pour un autre poste à l’extérieur de la Direction générale. En ce qui concerne le premier point, même si elle ne se souvenait pas de la discussion tenue sur la question le 22 novembre, Mme Lecompte a néanmoins témoigné qu’elle était ennuyée que M. Egglefield s’absente durant ses 12 premières semaines de travail. Elle a témoigné ce qui suit concernant son absence imprévue :

    [TRADUCTION]

    Je ne lui en voulais pas. Il avait des problèmes de santé. Je pensais à ma propre situation. J’avais une charge de travail très très élevée. Je m’attendais à ce qu’il arrive et m’aide à gérer les opérations. Il a signé sur la ligne pointillée et le lendemain, il est parti pour plusieurs mois. J’étais donc très mécontente.

    Il m’avait dit en entrevue qu’il était sur une liste d’attente et que cela pouvait prendre jusqu’à un an. Alors, je ne m’attendais pas vraiment à ce qu’il s’en aille.

    [286]  Son témoignage quant à son manque d’engagement à long terme envers la Direction générale repose sur le fait qu’il a informé Mme Lecompte que sa candidature était toujours à l’étude pour un poste de direction au Commissariat lorsqu’il s’est joint à la DGSEE. Elle avait apprécié son honnêteté, mais a indiqué que, dans les circonstances, elle cherchait désespérément quelqu’un possédant son expérience; voilà pourquoi elle avait retenu sa candidature. Il est juste de conclure qu’il ne s’était pas engagé à demeurer à la DGSEE, qu’il aurait considérée comme une occasion de second choix jusqu’à ce qu’il trouve quelque chose de mieux. Je crois que cela cadre avec son témoignage examiné précédemment selon lequel il croyait être la seule personne possédant les compétences appropriées en matière d’enquête à la DGSEE, hormis peut-être M. Finn.

    [287]  Au mieux, je suis d’avis que ces préoccupations sont pertinentes uniquement parce qu’elles fournissent d’autres motifs expliquant pourquoi M. Egglefield entretient une partialité négative envers Mme Lecompte en présentant d’autres motifs pour justifier sa conviction qu’elle est partiellement responsable du fait que son poste ait été désigné pour un réaménagement des effectifs. En outre, je ne les trouve pas particulièrement bien justifiées, et elles démontrent peu d’empathie pour sa situation.

      (II)  Motif 3 : M. Egglefield considérait Mme Scotton comme étant la source de la remise en question de sa fiabilité, et non Mme Lecompte

    [288]  Ce troisième point décrit dans la note est très pertinent et très disculpatoire à l’égard de Mme Lecompte. Mme Scotton est indiquée comme étant la gestionnaire ayant remis en question la fiabilité de M. Egglefield, et c’est elle qui a ordonné qu’il cesse de prendre d’autres pauses cigarette avec Mme Dunn, et non pas Mme Lecompte. Cette conclusion est tirée directement de ses notes.

    [289]  Malgré l’absence de référence à Mme Lecompte relativement au seul point dans ses notes qui soulève la question de sa loyauté, quand il a été interrogé lors de l’interrogatoire principal, M. Egglefield a témoigné de manière à démontrer que Mme Lecompte avait des préoccupations quant à sa loyauté. Son témoignage à ce sujet est présenté ci-dessous.

    [TRADUCTION]

    M. EGGLEFIELD : Le troisième point concernait les observations, les commentaires qu’elle avait reçus d’Anne Scotton, qui était la vérificatrice en chef, la superviseure de Sylvie Lecompte

    … Et donc Anne Scotton aurait fait des commentaires et remis en question ma loyauté parce que j’avais été vu, semble-t-il, par plus d’une personne, fumer une cigarette avec Chantal.

    M. YAZBECK : …A-t-on expliqué pourquoi on ne devait pas se fier à votre loyauté parce que vous avez fumé une cigarette avec Chantal Dunn?

    M. EGGLEFIELD : Non, ma loyauté a été mise en doute en raison de ces quatre points ensemble.

    M. YAZBECK : D’accord.

    M. EGGLEFIELD : Ma loyauté [a été remise en doute] parce que je discutais avec Chantal – comme je l’ai dit, au moins à une occasion, Mme Lecompte croyait que j’aidais Mme Dunn – vous savez, pour sa partie de l’enquête en raison de mes connaissances et de mon expérience en tant qu’enquêteur et en particulier au sein du Commissariat. Et c’est une chose qu’elle m’a dite. C’était peut-être pendant cette réunion. C’était peut-être pendant une autre réunion. Je ne m’en souviens pas avec certitude.

    [soulignement ajoutés]

    [290]  Il a été contre-interrogé sur cette dernière déclaration par M. Girard, confirmant qu’il s’agissait d’une déclaration qu’elle avait effectivement faite.

    [TRADUCTION]

    M. GIRARD : Vous avez dit dans votre témoignage que Mme Lecompte semblait croire que vous aidiez Mme Dunn dans sa plainte auprès du Commissariat étant donné que vous y avez travaillé. Est-ce votre impression ou est-ce qu’elle vous l’a effectivement dit?

    M. EGGLEFIELD : Elle l’a bien dit.

    [291]  Mme Lecompte a nié avoir fait une telle déclaration et a dit dans son témoignage : « eh bien, je pense qu’il s’agit vraiment de son interprétation. Je n’ai jamais déclaré qu’il l’aidait relativement à sa plainte » [TRADUCTION].

    [292]  Je crois que M. Egglefield a essayé de saper la conclusion évidente tirée de ses notes du 18 et du 22 novembre 2011 selon laquelle Mme Scotton, et non Mme Lecompte, était la gestionnaire qui remettait en question sa loyauté. Au lieu de répondre à la question relative à la note qui faisait référence à Mme Scotton, il a gratuitement attaqué Mme Lecompte pour avoir remis en question sa loyauté, allant jusqu’à prétendre qu’elle lui aurait expressément dit qu’elle croyait qu’il était en train d’aider Mme Dunn relativement à sa plainte auprès du Commissariat. Je conclus que M. Egglefield a inventé à dessein une telle discussion et que Mme Lecompte n’a jamais tenu les propos qui lui sont attribués pour un certain nombre de raisons.

    [293]  Premièrement, lors de l’interrogatoire principal concernant la réunion du 18 novembre 2011, M. Egglefield a d’abord déclaré ce qui suit : « Mme Lecompte semblait croire que j’aidais Mme Dunn relativement à ses plaintes auprès du Commissariat et, vous savez, vu que j’y avais travaillé, vous savez, que j’aurais pu l’aider d’une manière quelconque… » Sembler croire quelque chose est clairement différent que d’entendre une déclaration faite par Mme Lecompte.Le premier cas est une inférence spéculative qui ne prend appui sur aucun autre fait découlant de la réunion, tandis que l’autre cas est un fait énoncé qui, s’il est accepté, constitue un élément de preuve très probant de la façon de penser de l’orateur.

    [294]  Deuxièmement, M. Egglefield affirme que les allégations concernant sa loyauté impliquent désormais non pas seulement la mise en doute de sa loyauté parce qu’il fumait avec Mme Dunn, mais aussi son engagement envers la direction générale par référence à l’ensemble des quatre points contenus dans ses notes, les deux premiers étant liés aux problèmes d’engagement et le quatrième étant, de son propre aveu, spéculatif.

    [295]  Troisièmement, M. Egglefield a indiqué qu’il avait été choqué par certaines déclarations faites par Mme Lecompte, comme quand elle lui a dit de ne pas prendre de mesures proactives en lui soumettant des problèmes. À mon avis, s’il y avait eu une déclaration choquante de Mme Lecompte que M. Egglefield aurait notée immédiatement dans son carnet de notes succinctes, cela aurait été sa déclaration selon laquelle elle croyait qu’il aidait Mme Dunn relativement à sa plainte de représailles. Une telle déclaration, si elle avait été prononcée, aurait clairement démontré que Mme Lecompte mettait profondément en doute la loyauté de M. Egglefield au point de l’accuser de mauvaise foi grave en travaillant avec l’une de ses subalternes dans son dos pour l’aider à formuler ses plaintes à l’encontre de Mme Lecompte. Cela aurait aussi été un comportement extrêmement hypocrite de sa part allant clairement à l’encontre des modalités de la charte de l’équipe qu’elle essayait, la semaine précédente, de faire signer à tous les employés.

    [296]  Quatrièmement, il n’existe aucune preuve que Mme Dunn travaillait sur une plainte de représailles le 22 novembre 2011. Sa première plainte de représailles venait d’être communiquée à Mme Lecompte en septembre. Elle était en affectation à l’extérieur du bureau à sa propre demande, n’ayant plus soulevé d’autres problèmes de représailles contre Mme Lecompte à cet égard. M. Egglefield n’avait pas encore fait part à Mme Dunn des instructions de Mme Lecompte de contrôler ses congés, ses retards et ses absences. Il n’y a absolument aucune indication que Mme Dunn préparait de nouvelles allégations de représailles à l’encontre de Mme Lecompte avant les divulgations de M. Egglefield en juillet 2012. C’est à ce moment qu’il a informé Mme Dunn que Mme Lecompte avait mis sa loyauté en doute et qu’on lui avait ordonné de surveiller les congés et les retards de Mme Dunn.

    [297]  Cinquièmement, je conclus également que M. Egglefield n’est pas crédible dans sa déclaration selon laquelle « [c’était] peut-être pendant une autre réunion » que Mme Lecompte l’avait accusé d’aider Mme Dunn relativement à sa plainte de représailles. Je conclus que M. Egglefield savait qu’en l’absence de mention d’une telle accusation par Mme Lecompte concernant la réunion du 22 octobre 2011, il devait attribuer la déclaration à une autre rencontre. Il n’existe aucune preuve quelle qu’elle soit dans le dossier d’une autre réunion ou d’un autre événement où Mme Lecompte aurait mis en doute sa loyauté.

    [298]  Enfin, il me semble que Mme Lecompte est une gestionnaire beaucoup trop prudente pour relâcher sa vigilance vis-à-vis de M. Egglefield et pour porter une telle accusation manifestement choquante de mauvaise foi à son encontre, en particulier après leur réunion tendue du 18 novembre où il a réagi à ce qu’il pensait être une attaque sur sa loyauté. Concernant le fait qu’il soit devenu immédiatement contrarié une fois que la question de sa pause cigarette avec Mme Dunn a été soulevée, j’accepte le témoignage de Mme Lecompte. De toute manière, le témoignage de M. Egglefield appuie largement le fait qu’il était manifestement contrarié par ce qu’il croyait être, de la part de Mme Lecompte, ou ce celle de Mme Scotton, des critiques injustes quant à sa loyauté : « lorsque quelqu’un remet votre loyauté en question, comme je l’ai expliqué hier, c’est extrêmement, extrêmement grave » [TRADUCTION]. Partant de la question initiale de la pause cigarette avec Mme Dunn, il est très incohérent de sous-entendre que Mme Lecompte aurait prononcé une telle déclaration incriminante qui aurait à coup sûr exacerbé les tensions entre eux.

    [299]  Comme autre point parallèle démontrant le parti pris de M. Egglefield lorsqu’il a raconté ces événements, le Tribunal souligne l’absence de faits pertinents quand il parle de sa loyauté mise en doute parce qu’ « [il avait] été vu, semble-t-il, par plus d’une personne, fumer une cigarette avec Chantal » [TRADUCTION]. Ce témoignage ne tient pas compte du fait qu’on l’a souvent vu prendre des pauses cigarette avec Mme Dunn et que la raison pour laquelle la pause cigarette en cause avait attiré l’attention de la direction est parce qu’elle a été prise à l’extérieur des bureaux de la DGSEE, le jour suivant celui où Mme Dunn a commencé, à sa propre demande, son affectation dans un autre bureau situé de l’autre côté de la rivière des Outaouais, à Ottawa.

    [300]  En conclusion, d’après ce témoignage et d’autres éléments de preuve recueillis tout au long de l’audience, je suis d’avis que Mme Lecompte n’a pas fait de déclaration laissant entendre que M. Egglefield aidait Mme Dunn relativement à sa plainte de représailles. Je conclus qu’il s’agissait, au mieux, d’un moyen de nier ses actes du 11 juillet 2012 et ultérieurement, lorsqu’il a commencé à communiquer des renseignements à Mme Dunn qui ont fini par mener au dépôt d’une autre plainte en matière de représailles. C’est ce jour-là qu’il a fourni à Mme Dunn des renseignements concernant l’ordre de Mme Lecompte de surveiller ses congés et ses arrivées tardives, ajoutant qu’elle devrait consigner cette conversation, et le fait que Mme Lecompte avait remis en question sa loyauté parce qu’il avait pris une pause cigarette avec elle.Ces deux éléments sont des allégations importantes qui sous-tendent cette plainte de représailles.

    [301]  Le fait que M. Egglefield tente d’enrichir de manière aussi négative sa description du traitement que Mme Lecompte lui aurait réservé quant à la plainte de représailles contre elle renforce ma conclusion selon laquelle il s’est montré très partial chaque fois qu’il a témoigné contre Mme Lecompte. C’est une raison supplémentaire pour le Tribunal d’avoir des inquiétudes quant à son rôle dans le déclenchement de ces plaintes contre Mme Lecompte.

      (III)  Motif 4 : Enquête visant à déterminer si M. Egglefield a été interrogé par le Commissariat

    [302]  S’agissant du quatrième élément énuméré selon lequel Mme Lecompte ne savait pas si M. Egglefield avait été interrogé par le Commissariat, M. Egglefield a témoigné comme suit :

    [TRADUCTION]

    Pour ce qui est du quatrième point, elle ne savait pas si le Commissariat m’avait interrogé concernant les allégations d’actes répréhensibles et de représailles. Elle était donc inquiète, comme je viens essentiellement de l’évoquer maintenant, elle était préoccupée par le fait que, vous savez, j’avais peut-être été interrogé par le Commissariat. Vous savez, elle estimait, et je spécule ici, manifestement, que j’avais un devoir de loyauté et que je devais lui signaler que j’avais été interrogé par le Commissariat, ce que je ne lui aurais probablement jamais signalé.

    [303]  Il est difficile de comprendre comment ces commentaires auraient pu être formulés le 22 novembre 2011. Il n’existe aucune raison apparente pour laquelle le Commissariat aurait voulu interroger M. Egglefield en novembre 2011 concernant les plaintes de Mme Dunn déposées en mars de la même année au sujet desquelles il n’avait aucune information. Il a seulement commencé à travailler en juillet 2011. Il n’y a aucune indication d’autres plaintes déposées par Mme Dunn. Les représailles alléguées portées devant le Tribunal concernant la surveillance et l’isolement de Mme Dunn n’auraient pas pu être concrètement devant le Commissariat en novembre 2011.

    [304]  Quoi qu’il en soit, je conviens avec M. Egglefield que ces commentaires, qui ne se rapportent pas précisément à une déclaration faire par Mme Lecompte, constituent une spéculation, en plus de mes précédentes conclusions concernant son parti pris extrêmement défavorable à son endroit. À cette occasion, M. Egglefield tente de présenter Mme Lecompte comme cherchant incorrectement à obtenir de lui des renseignements relatifs à l’enquête sur les plaintes de Mme Dunn. Cela pourrait être présenté comme une conduite remettant en question sa préparation pour saper le processus d’enquête sur les représailles du Commissariat. Par ailleurs, en tentant de démontrer qu’il ne communiquerait pas ces renseignements à Mme Lecompte, il semble buter sur sa propre ambiguïté concernant ce qui constitue un comportement approprié, en précisant cependant qu’il ne lui aurait « probablement » pas fourni ces renseignements.

      (IV)  Mme Lecompte ne s’est jamais excusée, mais a souligné qu’elle même se sentait en danger et était incapable de faire confiance à quiconque

    [305]  La note du 22 novembre contenait aussi une plainte de M. Egglefield concernant le fait que Mme Lecompte « ne s’est jamais excusée ou n’a jamais changé sa position » [TRADUCTION]. Cette remarque a été faite en référence à sa loyauté et à son engagement, comme suit :

    [TRADUCTION]

    J’ai réaffirmé ma loyauté et mon engagement à faire avancer la DGSEE deux ou trois fois, mais Sylvie ne s’est jamais excusée ou n’a jamais changé sa position. Elle a prétendu que de nombreuses [plaintes] existaient contre elle (c.-à-d. Chantal et Marylène) et Anne [Scotton]. Elle ne sait pas à qui faire confiance.

    [Soulignement de M. Egglefield]

    [306]  Il y a quelques éléments supplémentaires à tirer de cette note et du témoignage concernant la question de la loyauté. Premièrement, M. Egglefield a décrit les problèmes dans sa relation avec Mme Lecompte comme étant relatifs à la loyauté et à l’engagement. Cela reflète le fait que les deux premiers éléments dans sa note seraient des questions d’engagement, par opposition à celles de loyauté. J’ai déjà mentionné qu’il avait essayé d’étendre la question de sa loyauté au-delà de celle liée à ses pauses cigarette avec Mme Dunn. Cet élément de preuve, en fait, affaiblit l’argument selon lequel Mme Dunn était isolée en raison de la pause cigarette où il a été question de la loyauté de M. Egglefield. C’est simplement devenu un facteur de plus qui explique pourquoi il a cru que Mme Lecompte remettait en cause sa loyauté.

    [307]  De même, la note donne aussi du sens à l’utilisation par Mme Lecompte du terme « contexte » lorsqu’elle a fait des commentaires sur sa préoccupation concernant « les nombreuses plaintes déposées contre elle » [TRADUCTION] et Mme Scotton et le fait que ses préoccupations quant à la confiance n’étaient pas limitées à Mme Dunn. À cet égard, je répète ma surprise que M. Egglefield n’ait pas exprimé plus d’empathie pour la situation de gestion difficile dans laquelle se trouvait Mme Lecompte.

    [308]  Troisièmement, il semblerait que Mme Lecompte se soit confiée quelque peu en essayant d’expliquer sa situation manifestement précaire découlant des trois plaintes de représailles, lesquelles, même si elle savait qu’elles étaient non fondées (ce qui était effectivement le cas), l’ont mise dans une situation où les employés se sont ligués contre elle, une situation dans laquelle elle comptait sur M. Egglefield pour l’aider. Dans son témoignage ultérieur, il n’était pas d’accord avec la description faite par Mme Lecompte, qui déclarait avoir hérité d’un milieu de travail dysfonctionnel et toxique dans lequel elle s’est rapidement empêtrée; ce désaccord prouve, à mon avis, son parti pris manifeste et son manque flagrant de compassion à l’égard de Mme Lecompte. Il ne se préoccupe absolument pas des circonstances de gestion difficiles dans lesquelles se trouvait Mme Lecompte, ni le 18 novembre quand elle lui a demandé de tenir compte de la situation dans laquelle elle se trouvait, ni le 22 novembre lorsqu’elle a parlé davantage de ses préoccupations quant aux personnes à qui elle pouvait faire confiance. Du point de vue de M. Egglefield, toute l’affaire semble porter sur le fait qu’il n’a pas obtenu d’excuses de Mme Lecompte, même si sa note indique que c’était Mme Scotton qui avait remis en question sa loyauté.

    (d)  M. Egglefield révèle à Mme Dunn que sa loyauté a été remise en question parce qu’il a pris des pauses cigarette avec elle

    (i)  La preuve

    [309]  Le dernier incident factuel à aborder en lien avec la question de la loyauté et de l’isolement découle du témoignage de Mme Dunn qui déclare que M. Egglefield lui a révélé que sa loyauté avait été remise en question parce qu’on l’avait vu prendre une pause cigarette avec elle. Le témoignage de Mme Dunn concernant le moment où cela s’est produit et l’impact que cela a eu sur elle est très incohérent, et trois versions différentes ont été offertes. Son témoignage a une incidence sur les questions de fond ainsi que sur sa crédibilité et celle de M. Egglefield concernant cette question. J’examinerai seulement le témoignage de Mme Dunn, puisque M. Egglefield n’a pas abordé cette question, bien qu’elle ait été expressément soulevée dans l’exposé des précisions de l’employeur.

      (I)  Première version

    [310]  Mme Dunn a d’abord témoigné sur cette question lors de l’interrogatoire principal lorsqu’on lui a demandé de répondre au commentaire que M. Egglefield avait inscrit dans ses notes au sujet des propos de Mme Lecompte : « Elle a remis en question ma loyauté parce qu’on m’avait vu fumer avec Chantal » [TRADUCTION]. Lorsqu’on lui a demandé comment elle était au courant de ces commentaires, elle a initialement répondu que c’était « après [sa] deuxième affectation et après que Denis Egglefield a quitté le ministère » [TRADUCTION], c.-à-d. en octobre 2012. Elle a également affirmé que M. Egglefield ne l’avait pas informée que Mme Lecompte l’avait interrogé au sujet de sa pause cigarette avec elle.

    [311]  Elle a en outre déclaré que lorsqu’elle a fini par apprendre que la loyauté de M. Egglefield était remise en question en raison de la pause cigarette avec elle, elle était « un peu contrariée parce qu’elle ne voulait pas que les gens se mettent dans le pétrin parce qu’ils été vus en train de [lui] parler » [TRADUCTION] [nos italiques]. Dans son témoignage, elle a attribué cette conclusion au fait que la loyauté de M. Egglefield avait été remise en question. Le Tribunal n’accepte pas que la remise en question de la loyauté de M. Egglefield, dont les autres membres de la direction n’étaient pas au courant, ait pu avoir une incidence sur la réticence des membres de l’équipe à lui parler ou à tisser des liens avec elle.

    [312]  On a également demandé à Mme Dunn, lors de l’interrogatoire principal, de parler des « prétendues pauses cigarette » [TRADUCTION], de leur fréquence, moment où elles étaient prises et de leur durée. Elle a témoigné de ce qui suit :

    [TRADUCTION]

    Les pauses n’étaient pas très longues. Lorsque Denis est revenu après son opération au dos, il ne fumait pas. Ensuite, j’ai eu ma première affectation en novembre2011, jusqu’au…. 1er mai 2012; je n’ai donc eu aucun contact avec M. Egglefield à ce moment-là. Et c’est quand je suis revenue que j’ai constaté qu’il y avait plus de tension au bureau, lorsque nous avons déménagé à la mezzanine. À ce moment-là je sortais fumer, pas trop souvent, de temps à autre. Mais il sortait aussi avec d’autres employés comme Donna Young. Il prenait souvent des pauses café avec Brian Finn.

    [313]  Je n’accepte pas les parties pertinentes de ce témoignage. Même s’il est vrai que M. Egglefield avait arrêté de fumer après son opération au dos, il a recommencé et prenait des pauses cigarette régulières avec Mme Dunn, comme l’a dit Mme Lecompte. M. Egglefield n’a jamais réfuté ce témoignage. Le témoignage de ce dernier se limitait à affirmer qu’il ne se souvenait pas si elle lui avait demandé de réduire le nombre de ces pauses lorsque la question a été abordée le 18 novembre 2011. De plus, la DGSEE a déménagé à la mezzanine en septembre 2011, avant que Mme Dunn aille en affectation.

    [314]  De même, l’affirmation selon laquelle Mme Dunn n’avait pas pris de pause cigarette avec M. Egglefield pendant qu’elle était en affectation avant son retour le 1er mai 2012 est contredite par M. Egglefield. Il a reconnu qu’ils avaient pris des pauses cigarette avec lui (peut-être jusqu’à trois) pendant cette période. Ce témoignage et la preuve qu’ils prenaient des pauses cigarette ensemble après son retour sembleraient appuyer la déclaration de Mme Lecompte selon laquelle elle ne leur avait pas interdit de prendre d’autres pauses cigarette ensemble, mais avait seulement demandé à M. Egglefield de réduire leur fréquence.

      (II)  Deuxième version

    [315]  Après la pause matinale lors de son témoignage, Mme Dunn a demandé au Tribunal de corriger certains éléments de son témoignage concernant le moment où elle a été informée par M. Egglefield que sa loyauté avait été mise en question, ce que j’ai autorisé. Elle a corrigé son témoignage en commençant par indiquer qu’elle en avait été informée le 11 juillet 2012, puis en disant : « Je me souviens que Denis m’a dit que Mme Lecompte avait essayé de lui parler de sa loyauté envers elle » [TRADUCTION].

    [316]  Mme Dunn a aussi rectifié son témoignage selon lequel elle n’avait pas pris de pause cigarette avec M. Egglefield lorsqu’elle était en affectation à partir du 16 novembre 2011. Ce faisant, elle a profité de l’occasion pour fournir les détails non liés susmentionnés concernant la raison pour laquelle on l’avait vue en train de fumer une cigarette avec M. Egglefield à l’administration centrale le 17 novembre 2011 après leur visite chez les Aînés de Premières Nations.

    [317]  Mme Dunn a en outre déclaré que c’était à cette époque en juillet qu’elle avait appris de M. Egglefield que ses congés étaient surveillés par Mme Lecompte. Elle a déclaré que cela l’avait amenée à demander une autre affectation, qui, selon son témoignage, a été rejetée jusqu’à ce qu’elle dépose d’autres plaintes en septembre 2012, plaintes qui font l’objet de la première instance.

      (III)  Version définitive

    [318]  Lors du contre-interrogatoire, on a renvoyé Mme Dunn au « Rapport d’enquête final » dans lequel, à la rubrique « Isolement de Mme Dunn par rapport à ses collègues en remettant en question leur loyauté chaque fois qu’ils s’associaient à elle » [TRADUCTION], le rapport soulignait que Mme Dunn avait expliqué que, le 6 décembre 2011, « M. Egglefield lui avait dit que Mme Lecompte avait remis en question sa loyauté parce qu’on l’avait vu fumer une cigarette avec elle » [TRADUCTION]. Lorsqu’on lui a parlé de ce commentaire, Mme Dunn a reconnu que le 6 décembre 2011 était effectivement la date à laquelle M. Egglefield lui avait dit que sa loyauté avait été remise en question par Mme Lecompte parce qu’on l’avait vu fumer une cigarette avec elle.

      (IV)  Analyse

    [319]  Je conclus que le scénario le plus probable concernant les discussions entre Mme Dunn et M. Egglefield au sujet de la remise en question de sa loyauté par Mme Lecompte est une combinaison des deux dernières versions du témoignage de Mme Dunn. Je veux dire par cela que M. Egglefield a informé Mme Dunn que sa loyauté avait été mise en doute en décembre 2011, mais lui a seulement dit que celle-ci avait été remise en question par Mme Lecompte le 11 juillet 2012.

    [320]  Il me semble peu probable qu’il ait informé Mme Dunn en décembre 2011 que sa loyauté avait été remise en question par Mme Lecompte. Ses notes, tant celles du 18 novembre que celles du 22 novembre, démontrent qu’il n’accusait pas Mme Lecompte d’avoir remis en question sa loyauté parce qu’on l’avait vu fumer une cigarette avec Mme Dunn. Il a rejeté la faute sur Anne Scotton ou Joanne Lamarre. Même s’il était mécontent de n’avoir pas reçu d’excuses de Mme Lecompte, c’était relativement au fait qu’il avait été rabroué pour avoir pris des initiatives.

    [321]  Ses notes démontrent aussi que Mme Lecompte s’était confiée à lui concernant sa vulnérabilité attribuable aux plaintes de représailles et à sa situation en général quant aux gens à qui elle pouvait faire confiance. Le fait qu’il l’ait désignée comme étant la personne remettant en question sa loyauté alors que ce n’est pas ce qu’il disait dans les notes, en sachant qu’aucun autre problème n’a été relevé entre lui et Mme Lecompte jusqu’en décembre 2011, constitue selon moi une violation inexcusable de la loyauté qu’il prétendait être très importante pour lui. Je ne lui attribuerais pas une telle une telle violation de son code de déontologie sans qu’il ait une raison valable de témoigner à Mme Lecompte un tel mépris.

    [322]  Je conclus que M. Egglefield s’est uniquement retourné contre Mme Lecompte après que lui-même et M. Finn ont été ciblés durant le processus de réaménagement des effectifs. M. Egglefield a reconnu qu’il considérait que la suppression de son poste était un acte de représailles de la part de Mme Lecompte, car (selon lui) elle ne le considérait pas comme une personne digne de confiance. Mme Dunn se souvient du 11 juin 2012, car c’est également à cette date que M. Egglefield lui a dit qu’on lui avait demandé de surveiller ses absences, et qu’il lui a conseillé de consigner leur conservation; à mon avis, ces faits témoignent de sa profonde animosité envers Mme Lecompte. De plus, l’indice mnémonique utilisé par Mme Dunn pour se rappeler à quel moment M. Egglefield l’avait informée que Mme Lecompte avait remis en question sa loyauté parce qu’il avait pris une pause cigarette avec elle montre que ces deux divulgations importantes de M. Egglefield ont eu lieu au même moment. Ce scénario semble plus plausible dans le contexte global des événements que celui basé sur une date isolée, inexpliquée et non corroborée en décembre 2011, qui a été mentionnée quelque temps après par l’enquêteur du Commissariat.

    (e)  Conclusions sur l’allégation d’isolement en lien avec la remise en question de la loyauté de M. Egglefield

    (i)  Aucune mesure de représailles n’a été prise à l’encontre de Mme Dunn relativement à la remise en question de la loyauté de M. Egglefield en lien avec leurs pauses cigarette

    [323]  Il n’existe aucune preuve de l’isolement de Mme Dunn ou des effets négatifs sur son emploi ou ses conditions de travail en lien avec la remise en question de la loyauté de M. Egglefield par la direction. Rien ne prouve que des questions de loyauté quelles qu’elles soient concernant M. Egglefield ont eu une incidence sur les relations des autres employés avec Mme Dunn. De plus, j’en arrive à la conclusion de fait que M. Egglefield et Mme Dunn ont continué à prendre des pauses cigarette ensemble après le 18 novembre 2011, tant pendant sa période d’affectation qu’après son retour de l’affectation en mai 2012, sans aucune inquiétude quant au fait de désobéir à un ordre de la direction.

    [324]  D’après le témoignage de Mme Dunn, son départ en novembre 2011 faisait suite à sa demande. Rien n’indique que ce départ était lié à des mesures prises par Mme Lecompte qui auraient été communiquées à Mme Dunn. Il n’existe pas non plus de preuves démontrant que la question de la loyauté de M. Egglefield a eu un effet sur les conditions de travail de Mme Dunn après son retour à la DGSEE en mai 2012. Aucun autre employé n’aurait été au courant de ces problèmes si elle n’en avait pas parlé. Ces problèmes étaient uniquement liés à la relation de gestion entre Mme Lecompte et M. Egglefield.

    [325]  J’accepte également le témoignage de Mme Lecompte qui a déclaré que pour tenter d’apaiser la situation après avoir parlé à M. Egglefield de sa loyauté en tant que gestionnaire, elle avait annulé son ordre d’arrêter de prendre des pauses cigarette avec M. Egglefield à la direction générale, mais avait simplement demandé de réduire leur fréquence et leur durée.

    [326]  Je conclus aussi que M. Egglefield a violé son obligation de confidentialité en tant que gestionnaire en disant à Mme Dunn pour la première fois en décembre 2011 que sa loyauté avait été remise en question, et ensuite en juillet 2012 lorsqu’il a identifié Mme Lecompte comme étant la gestionnaire qui avait remis en question sa loyauté, sans avoir d’abord abordé la question avec Mme Lecompte. Je conclus en outre que l’information fournie à Mme Dunn était trompeuse, dans la mesure où les éléments de preuve démontrent que M. Egglefield a attribué les déclarations mettant en doute sa loyauté à Mme Scotton et non à Mme Lamarre. Il a aussi  fait abstraction du fait que les problèmes ont découlé de la pause cigarette prise avec Mme Dunn le lendemain de l’affectation de cette dernière hors du secteur de la DGSEE.. Je conclus également que la divulgation de ces renseignements par M. Egglefield en juillet, si elle n’était pas destinée à susciter une plainte de représailles contre Mme Lecompte, y a tout de même contribué de façon inappropriée, sur la base d’une conclusion déraisonnable et spéculative selon laquelle Mme Lecompte était responsable de l’élimination de son poste.

    (ii)  L’intention de Mme Lecompte n’était pas d’empêcher Mme Dunn de prendre des pauses cigarette avec M. Egglefield.

    [327]  D’après le témoignage de Mme Lecompte et les éléments de preuve présentés par M. Egglefield, conformément à ses notes, je conclus que Mme Lecompte exécutait l’ordre de Mme Anne Scotton d’empêcher M. Egglefield de fumer avec Mme Dunn sur le lieu de travail pendant qu’elle était en affectation. Elle n’aurait pas pris les mesures qu’elle a prises le 18 novembre 2011 si elle n’y avait pas été obligée. Si des représailles en ont découlé, telle n’était pas l’intention de Mme Lecompte qui ne cherchait pas à se venger d’une plainte déposée par Mme Dunn.

    (2)  Témoignage de Mme Nadon à l’effet que Mme Lecompte a isolé Mme Dunn de ses collègues

    [328]  Mme Nadon a été convoquée par la plaignante pour fournir son témoignage surtout en ce qui concerne la question de l’isolement. Son témoignage visant à démontrer que Mme Lecompte avait isolé Mme Dunn renvoie à trois incidents, comme suit :

    (i)  Lorsqu’elle a commencé à travailler en avril 2011, Mme Lecompte lui a dit que Mme Dunn avait un caractère difficile et qu’elle ne devait pas se lier d’amitié avec elle.

    (ii)  À un moment donné pendant la deuxième affectation de Mme Dunn, Mme Lecompte a réprimandé Mme Nadon pour avoir eu une conversation sociale avec Mme Dunn dans le hall du bâtiment.

    (iii)  Mme Lecompte a demandé à Mme Nadon de retirer les invitations de Mme Dunn et de Mme Gosselin pour la fête de Noël de 2012 parce qu’elles étaient en affectation.

    (a)  Mme Lecompte n’a pas dit à Mme Nadon au cours de l’une de leurs premières réunions en avril 2011 que Mme Dunn avait un caractère difficile et elle ne lui a pas ordonné non plus de ne pas se lier d’amitié avec elle

    [329]  Je conclus que Mme Lecompte n’a pas dit à Mme Nadon que Mme Dunn avait un caractère difficile et, en particulier, qu’elle ne lui a pas ordonné de ne pas se lier d’amitié avec elle. J’accepte le témoignage de Mme Lecompte qui nie catégoriquement avoir tenu de tels propos.

    [330]  Tout d’abord, concernant les représailles dont Mme Dunn aurait fait l’objet à la suite de l’ordre allégué de Mme Lecompte à Mme Nadon de ne pas se lier d’amitié avec elle, aucun élément ne tend à prouver que cela a eu une incidence quelconque sur le travail de Mme Nadon ou sur ses relations personnelles avec Mme Dunn. Il semblerait que les deux employées aient maintenu une relation de travail amicale et professionnelle pendant toute la période où elles ont travaillé ensemble sous la direction de M. Egglefield. La directive alléguée de Mme Lecompte, par conséquent, n’a pas eu « un effet défavorable sur l’emploi et les conditions de travail » [TRADUCTION] de Mme Dunn.

    [331]  En outre, le Tribunal conclut que le témoignage de Mme Nadon selon lequel on lui avait demandé de ne pas se lier d’amitié avec Mme Dunn n’est pas crédible. Je conclus qu’il n’est tout simplement pas plausible que cette prétendue directive, qui est très critique à l’égard de Mme Lecompte, n’ait pas été communiquée à M. Egglefield et à Mme Dunn ni trouvée quelque part dans leurs notes, et qu’elle ne soit évoquée pour la première fois que six années plus tard, à l’audience.

    [332]  De même, il est incompréhensible qu’une preuve aussi incriminante émanant d’une personne qui déteste fortement Mme Lecompte, et qui ne ménageait pas sa peine pour la critiquer, n’ait pas été fournie au Commissariat et évoquée de manière notable dans le rapport d’enquête. Aucune mention n’en a été faite, alors que l’exposé des précisions faisait référence aux éléments de preuve concernant Mme Lecompte se rapportant principalement aux événements survenus « à l’automne 2012 » [TRADUCTION], et non au printemps 2011.

    [333]  L’avocat de la plaignante cherchait à étayer cette preuve en demandant à Mme Nadon de raconter comment elle avait pu garder un souvenir aussi clair de cette discussion avec Mme Lecompte. Elle a déclaré que son vif souvenir de ces discussions pouvait être attribué à sa situation en avril 2011 : elle avait auparavant travaillé dans un environnement de travail toxique où les gens n’étaient pas inclus, et ce n’était quelque chose qu’elle voulait vivre une nouvelle fois. En ce qui concerne de telles formes de corroboration, ce témoignage contribue peu à la crédibilité de la déclaration principale qu’il est censé renforcer, étant donné qu’il ne sert que ses propres intérêts sans la moindre possibilité de corroboration externe. Cependant, dans ce cas, je conclus que cet ajout contribue à réduire la fiabilité de son témoignage parce qu’il fait ressortir les incohérences de Mme Nadon qui n’y a pas fait référence la première fois. Si cet incident avait laissé une impression aussi indélébile sur Mme Nadon comme elle le prétend, il serait d’autant plus probable qu’elle l’ait dit à M. Egglefield, à Mme Dunn, ainsi qu’à l’enquêteur du Commissariat menant l’enquête sur l’objet même de cet incident.

    [334]  En outre, je conclus que le témoignage de Mme Lecompte est très cohérent par rapport aux circonstances auxquelles elle faisait face. Lors de l’interrogatoire principal, elle a catégoriquement nié avoir demandé à Mme Nadon de ne pas se lier d’amitié ou de ne pas entretenir de relations avec Mme Dunn. En tant que directrice, elle a indiqué qu’elle ne savait pas pourquoi elle aurait dit ça, parce que cela aurait été complètement inapproprié. Cette conclusion est renforcée par le fait qu’elle prenait des mesures, ayant organisé une réunion avec M. Sterne pour élaborer une charte d’équipe et créer un environnement de travail positif au sein de la direction générale.

    [335]  Lors du contre-interrogatoire, elle a encore nié qu’elle pensait que Mme Dunn avait un caractère difficile. Elle a reconnu que Mme Dunn n’était pas heureuse au travail après son échec pour obtenir une promotion. Son témoignage (qu’elle a donné en français) se lit comme suit :

     

    [TRADUCTION]

    Mme Dunn n’était vraiment pas heureuse au travail après que la décision a été prise de l’écarter du concours. Elle a présenté des demandes d’accès à l’information. Elle s’est efforcée de trouver la raison. Elle était dans son droit de bien comprendre le processus. Elle a ensuite porté plainte, ce qui était également son droit.

    Où allais-je avec cela? Je participais à de nombreuses activités avec M. Sterne, des activités de promotion du travail d’équipe. Donc, je n’aurais certainement pas dit à Mme Nadon de ne pas se lier d’amitié avec Mme Dunn. Il y avait tellement de conflits interpersonnels, je ne voulais vraiment pas... Je ne demanderai jamais à quelqu’un de limiter... de ne pas se lier d’amitié avec un autre employé.

    [336]  Mme Lecompte a aussi fait référence au problème de Mme Dunn avec sa collègue, Mme Young, qui a été profondément touchée par la plainte déposée contre elle parce qu’elle n’avait pas le statut d’autochtone requis pour le poste qu’elle occupait. Mme Young était très en colère contre M. Nicholl, qui a déposé la plainte, mais aussi contre Mme Dunn parce qu’elle avait témoigné contre elle.

    [337]  Dans ces circonstances, je conviens qu’il serait complètement illogique qu’un directeur, tout en faisant appel à un conseiller externe pour éliminer certains problèmes relationnels entre les membres de son personnel, demande à un nouvel employé de ne pas se lier d’amitié avec Mme Dunn. Non seulement un tel comportement nuirait-il au travail du conseiller, mais il présenterait Mme Lecompte comme une personne extrêmement hypocrite.

    [338]  Aucun des témoignages de Mme Nadon n’est conforme à mon évaluation de Mme Lecompte. J’ai conclu qu’elle était en général un témoin très crédible qui a fourni des explications rationnelles et plausibles, avec très peu d’incohérences tout au long de son témoignage. Dans l’ensemble, elle a contredit de manière convaincante les nombreuses allégations critiques formulées à son encontre, dont la plupart étaient à mon avis non fondées et donnent une mauvaise impression de ses accusateurs.

    [339]  Étant arrivé à cette conclusion, il est évident que cela oppose la crédibilité de Mme Nadon directement à celle de Mme Lecompte sans laisser place à beaucoup de nuances. Pour toutes les raisons indiquées concernant le manque de cohérence du témoignage de Mme Nadon et son parti pris contre Mme Lecompte, en plus des autres commentaires qui suivent ci-dessous, j’accorde peu de poids au témoignage de Mme Nadon sur ce point essentiel, et tout au long de l’instance lorsqu’elle brosse un portrait négatif de Mme Lecompte.

    (b)  Mme Lecompte n’a pas exercé des représailles d’isolement lorsqu’elle a demandé à Mme Nadon et au personnel que Mme Dunn et Mme Gosselin ne devaient pas avoir accès au lieu de travail dans la mezzanine durant leur affectation volontaire pour éviter qu’on lui attribue tout autre acte de représailles.

    [340]  Cette allégation confère une spécificité à la déclaration de la plaignante concernant l’isolement selon laquelle « Mme Nadon a dit que Mme Lecompte l’a aussi souvent avertie de ne pas parler à la plaignante, plus particulièrement en octobre [2012] » [TRADUCTION]. Le témoignage de Mme Nadon indique qu’elle avait été « réprimandée » [TRADUCTION] par Mme Lecompte pour avoir tenu une conversation dans un contexte social avec Mme Dunn alors qu’elle était sur le lieu de travail de la DGSEE, qui était situé dans la mezzanine de l’immeuble. J’ai déjà noté que M. Egglefield a aussi décrit le scénario suggérant que Mme Lecompte avait « réprimandé » [TRADUCTION] un employé dans le tableau du Commissariat, ce qui n’était pas le terme employé dans ses notes. Mme Lecompte ne se souvient pas d’avoir « réprimandé » [TRADUCTION] Mme Nadon pour avoir tenu des conversations dans un contexte social avec Mme Dunn dans la mezzanine. Compte tenu de mes opinions sur la crédibilité de Mme Nadon, je ne suis pas convaincu qu’elle a été « réprimandée » [TRADUCTION] par Mme Lecompte comme on le prétend.

    [341]  Cependant, Mme Lecompte n’avait pas peur d’admettre qu’elle avait donné aux employés des instructions selon lesquelles Mme Dunn et Mme Gosselin n’étaient pas autorisées à se rendre dans la mezzanine. Elle a expliqué le raisonnement qui sous-tend cette directive comme suit :

    [TRADUCTION]

    La mezzanine était -- comme je l’ai expliqué, c’était un espace sécurisé, et il était réservé aux personnes qui travaillaient sur les dossiers d’enquête. J’ai donc jugé qu’il était inapproprié qu’elles s’y rendent puisque nous parlions ouvertement des dossiers, les dossiers étaient sur les bureaux, etc., mais plus précisément parce que Mme Dunn et Mme Gosselin avaient demandé une affectation et se sentaient -- étaient mal à l’aise, plus que mal à l’aise, n’aimaient pas être en ma présence et estimaient que je les harcelais et ainsi de suite. J’ai donc pensé qu’il n’était pas du tout approprié pour elles de se trouver dans le même milieu de travail que moi. Cela m’a rendue vulnérable.

    [342]  Je ne crois pas que les personnes qui ont choisi elles-mêmes de s’isoler d’un lieu de travail par crainte de représailles ou de harcèlement sont en droit de se plaindre lorsque la gestionnaire qui partage une crainte réciproque de vulnérabilité chaque fois qu’elles sont présentes sur le lieu du travail agit en fonction de leur choix de s’isoler. À ce moment-là, un an et demi environ après le dépôt des trois premières plaintes de représailles, il y a eu une autre divulgation protégée par « l’équipe » [TRADUCTION], comme elle qualifiait ses accusateurs, qui lui reprochait d’autres actes répréhensibles, et ce, sans oublier la prise de notes manifestement négatives par de nombreux employés témoignant contre elle; il était donc parfaitement compréhensible qu’elle veuille tenir Mme Gosselin et Mme Dunn à distance de manière à éviter toute possibilité de nouvelles critiques. Ce raisonnement est amplifié davantage dans le cadre du témoignage concernant le prochain et dernier incident que j’aborde ci-dessous impliquant Mme Nadon, qui aurait reçu l’ordre d’annuler les invitations à la fête de Noël 2012 envoyées à Mme Dunn et à Mme Gosselin.

    (c)  Mme Lecompte n’a pas exercé des représailles d’isolement lorsqu’elle a ordonné à Mme Nadon de retirer les invitations à la fête de Noël 2012 qu’elle avait envoyé à Mme Dunn et à Mme Gosselin, alors qu’elles s’étaient volontairement retirées du lieu de travail.

    [343]  Tel qu’il a été mentionné dans le rapport d’enquête et dans l’exposé des précisions, la plupart des éléments de preuve des représailles fournis par Mme Nadon sont survenus après le dépôt de sa deuxième série de plaintes. La plupart étaient également liés aux incidents survenus dans la mezzanine, lorsque Mme Dunn ou Mme Gosselin, qui étaient en affectation, ont fait acte de présence.

    [344]  En l’espèce, Mme Nadon avait entrepris d’inviter Mme Dunn et Mme Gosselin à la fête de Noël de fin d’année. Mme Nadon a affirmé dans son témoignage qu’elles faisaient encore partie de l’équipe même si elles étaient en affectation et, par conséquent, qu’elles auraient dû être invitées à la fête de Noël. Mme Nadon a reconnu avoir désobéi à un ordre en procédant ainsi. Je conclus, et elle-même l’a admis,  qu’elle a invité ces employées en sachant pertinemment que cela aurait pour effet de contrarier Mme Lecompte. Elle aurait dû, à tout le moins, demander à Mme Lecompte si cela était approprié dans les circonstances avant d’envoyer l’invitation.

    [345]  Concernant l’invitation à la fête de Noël, Mme Lecompte a expliqué comme suit son annulation des invitations en se basant sur sa situation de vulnérabilité personnelle et les attentes des deux invitées, qui ne se seraient pas attendues à recevoir une invitation :

    [TRADUCTION]

    M. YAZBECK : Bon. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi cela aurait été inapproprié?

    MME LECOMPTE : Ces deux employées étaient en affectation en raison des problèmes de conflits de travail qu’il y avait entre elles et moi. Il était donc tout à fait inapproprié de les inviter... à une réception des Fêtes rassemblant une petite équipe, où nous nous serions forcément retrouvées face à face. Cela m’a semblé très logique.

    M. YAZBECK : Elles étaient en affectation. Est-il exact que leurs postes d’attache étaient encore associés à l’équipe?

    MME LECOMPTE : Oui, c’est exact.

    M. YAZBECK : Avez-vous consulté des gens qui comptaient assister fête de Noël pour leur demander si la présence de ces employées les rendrait mal à l’aise?

    MME LECOMPTE : Non, c’est que... Je parlais pour moi-même. J’aurais été très mal à l’aise, et je me serais encore sentie vulnérable, exposée aux choses que j’ai peut-être dites ou faites. C’était tout à fait inapproprié. Au moment de partir, Mme Gosselin a laissé entendre...qu’elle avait un certificat médical attestant que je l’avais harcelée, apparemment. Vous ne pouvez donc pas mettre deux personnes... une qui se sent harcelée avec l’autre, face à face lors d’une fête de Noël.

    M. YAZBECK : D’accord, cela s’applique à Mme Gosselin, mais cela ne s’applique toutefois pas à Mme Dunn, est-ce exact?

    MME LECOMPTE : C’est exact, mais Mme Dunn était aussi partie en affectation à ce moment-là.

    M. YAZBECK : Avez-vous tenu compte de l’incidence de cette exclusion sur Mme Dunn ou Mme Gosselin?

    MME LECOMPTE : L’incidence sur qui? Sur elles? Sur l’équipe?

    M. YAZBECK : Oui, sur elles.

    MME LECOMPTE : J’aurais été grandement étonnée qu’elles se soient attendues à recevoir une invitation. Lorsqu’un employé est en affectation, il est rarement invité aux événements organisés pour son équipe d’attache, surtout s’il part dans le contexte d’un conflit de travail.

    [346]  En d’autres mots, Mme Dunn et Mme Gosselin ont choisi de s’éloigner afin d’éviter d’autres actes de représailles ou de harcèlement prétendument perpétrés par Mme Lecompte à leur encontre. L’avocat de Mme Dunn a comparé la situation avec celle des autres employés qui étaient en affectation et qui ont été invités à participer aux événements sociaux. Je conclus qu’il n’y a pas lieu de comparer la situation de Mme Dunn et de Mme Gosselin avec celle d’autres employés qui ne se sont pas éloignés de leur gestionnaire sur la base d’allégations de représailles à leur encontre. En outre, je ne vois pas comment Mme Lecompte aurait pu faire exception pour Mme Dunn, mais pas pour Mme Gosselin. La preuve indique clairement que les deux recueillaient des renseignements pour étayer leurs futures plaintes contre Mme Lecompte.

    [347]  La capacité de Mme Dunn et de Mme Gosselin à retourner sur le lieu de travail pendant leur affectation sous le couvert de leur auto-isolement n’aurait pas eu de répercussions sur elles. Ces deux amies auraient plutôt été en mesure, de concert avec leur alliée, Mme Nadon, de concocter d’autres allégations d’irrégularités contre Mme Lecompte. Je trouve que c’est un comportement insidieux de la part de Mme Nadon et de Mme Dunn d’alléguer des actes répréhensibles de la part de Mme Lecompte simplement parce qu’elle ne leur a pas permis de créer des circonstances qui l’exposeraient à d’autres plaintes par l’une de ses antagonistes, voire toutes les trois, et que, pour ce motif, elle leur a interdit de retourner sur le lieu de travail pendant leur auto-isolement.

    (d)  Les plaintes de représailles de Mme Dunn ont eu d’importantes répercussions négatives pour Mme Lecompte sur les plans personnel et professionnel.

    [348]  Le sentiment de vulnérabilité éprouvé par Mme Lecompte l’a incitée à solliciter l’aide de sa sous-ministre en juin 2012 dans un courriel (qui n’a pas reçu de réponse), courriel à propos duquel elle a été contre-interrogée. À ce moment-là, le processus de réaménagement des effectifs étant en cours, Mme Dunn était retournée à la mezzanine. Mme Lecompte a écrit ce qui suit dans son courriel, en faisant référence à Mme Dunn : « [l]’une des employées en question est revenue dans mon équipe, et il semblerait qu’elle recueille encore des renseignements sur tout ce que je dis ou fais » [TRADUCTION]. Quant à Mme Dunn, elle a admis qu’il s’agissait plutôt d’une perception ou, peut-être plus exactement, d’une inférence (laquelle s’est toutefois avérée tout à fait correcte) en se fondant principalement sur le comportement de Mme Gosselin, qui était une amie proche de Mme Dunn. Elle a témoigné sur ce sentiment de vulnérabilité comme suit :

    [TRADUCTION]

    Il s’agissait plutôt d’une perception. Mme Gosselin avait... avait aussi déposé une plainte de représailles contre moi. Et j’ai reçu un avis de requête de Mme Gosselin en mars 2012. Il y avait quatre allégations. Et en juin et juillet, six autres allégations ont été faites. J’ai donc déduit qu’il s’agissait de Mme Dunn et de Mme Gosselin, qui, vraiment, prenaient des notes sur tout ce que je disais et tout ce que je faisais. J’aurai fini perdante... Elles auraient certainement interprété une phrase ou un geste hors contexte. Donc, j’avais l’impression de toujours devoir marcher sur des œufs.

    […]

    Je n’ai pas accès à ces notes. Je vais vous donner un exemple. Mme... M. Egglefield m’avait dit de prêter une attention très particulière à Mme Gosselin parce qu’elle... lors des réunions de gestion, c’est-à-dire les réunions des membres de la petite équipe de gestion, elle prenait toujours beaucoup de notes. Par la suite, elle voulait comparer ses notes à celles de M. Egglefield.

    Il m’a dit qu’elle constituait un dossier contre moi, et qu’elle prenait des notes sur tout ce que je disais, et tout ce qui pouvait être pris hors contexte. M. Egglefield lui a dit qu’il ne voulait pas être mêlé à cette histoire, et qu’il ne voulait pas partager ses notes. Il m’a toutefois mise en garde contre Mme Gosselin.

    Je sais donc -- je parle maintenant de Mme Gosselin -- Mme Gosselin et Mme Dunn étaient de grandes amies. J’associais les deux ensemble. Donc, à mes yeux, les deux prenaient des notes sur ce que je disais, ce que je faisais et ce qui se passait dans un contexte comme celui-là.

    […]

    Mme Gosselin m’a dit à l’automne 2011 qu’un groupe externe la protégeait, sans toutefois nommer le Bureau du commissaire, et que le groupe en question s’intéressait grandement à tout ce que je disais et faisais. Il était donc clair pour moi que Mme Gosselin et Mme Dunn estimaient être dans une situation où elles avaient besoin d’être protégées contre moi, disons.

    [349]  L’avocat de la plaignante a aussi fait référence à une autre note dans le courriel de Mme Lecompte : « Vous comprendrez que je me sens vulnérable, exposée à d’autres allégations de plaintes de la part de ces deux employées. » [TRADUCTION] À la question de savoir pourquoi elle se sentait exposée à d’autres allégations de la part de Mme Dunn et de Mme Gosselin, elle a répondu ce qui suit :

    [TRADUCTION]

    Bien, une fois encore, comme je vous l’ai dit, lorsque les plaintes ont été déposées -- et j’utiliserai encore une fois Mme Gosselin à titre d’exemple -- il y avait quatre allégations. Puis, j’ai ensuite reçu une autre lettre. Il y a ensuite eu six autres allégations qui se sont ajoutées. C’était sans fin. Il ne semblait pas y avoir de moment précis. Les employés pouvaient simplement continuer à soumettre toutes sortes de plaintes. Du moins, c’était mon impression.

    [350]  Mme Lecompte a aussi fait référence à la réception d’une divulgation d’un avis d’actes répréhensibles à l’été 2012, ce qui a accentué son sentiment de vulnérabilité. Elle a déclaré que, même si la divulgation du nom de l’employé était protégée, les allégations concernaient tout ce qu’elle faisait : les ressources humaines, les finances et les contrats. La divulgation d’actes répréhensibles concernait son travail. Elle soupçonnait que Mme Dunn était impliquée parce que la divulgation faisait mention des processus de dotation des postes des niveaux AS-5 et AS-7 auxquels elle a participé. Elle a déclaré : « [j]e savais donc que cela provenait de l’équipe » [TRADUCTION].

    [351]  J’ignore si Mme Dunn était l’auteure de cette divulgation ou des autres divulgations protégées. La question a été soulevée par son avocat, mais je n’ai pas entendu son témoignage sur la question. M. Egglefield, à un moment dans son témoignage, a mentionné sa divulgation protégée. Il est clair cependant que les trois plaintes de représailles initialement déposées en plus de toutes les divulgations d’actes répréhensibles ont été rejetées. En outre, le Tribunal est en mesure d’établir qu’aucun des motifs évoqués dans la plainte du 26 septembre 2012 n’était fondé. En ce qui concerne les deux derniers chefs d’accusation contre elle, j’ai également conclu qu’ils étaient dépourvus de tout fondement.

    [352]  Mme Lecompte a décrit comme suit l’incidence de ces plaintes et des longues enquêtes auxquelles elle a été assujettie :

    [TRADUCTION]

    Il a fallu plus de deux ans au moins pour qu’une première décision soit prise afin de rejeter une plainte. Une autre a ensuite été rejetée en 2014. La durée du processus d’enquête présentait un véritable défi; on ne savait pas à quel moment les employés porteraient plainte, s’ils avaient porté plainte, ou quelles décisions seraient prises. Et les plaintes s’éternisaient toujours. Par exemple, j’ai eu une plainte de représailles contre Mme Gosselin qui comprenait quatre allégations. J’ai ensuite reçu une lettre m’informant qu’elle y avait ajouté six autres allégations. Donc, j’avais toujours l’impression que le processus était sans fin. Je ne sais pas ce que... si j’ai répondu à votre question.

      M. GIRARD : Quelle a été l’incidence de ce processus sur vous personnellement?

      MME LECOMPTE : Comme Mme Dunn, j’ai consacré une grande partie de mon temps personnel à répondre aux nombreux rapports préliminaires envoyés par le Bureau du commissaire. J’avais une charge de travail très lourde. Cela a donc augmenté mes tâches de gestion. Je me sentais très vulnérable vis-à-vis de mes employés. Je savais que beaucoup de notes étaient prises concernant les choses que je disais et faisais.

      Je savais que je n’étais pas parfaite, et que certaines choses seraient utilisées contre moi alors que j’exécutais mes tâches officielles. Cela a terni ma réputation. Mme Nadon, par exemple, a dit que j’avais souvent du vin dans mon bureau. Ces rapports sont parvenus à notre sous-ministre. Et j’estimais que cela portait vraiment atteinte à ma réputation...

    Oui. J’ai souvent des événements vins et fromages dans mon bureau, donc je crois que cela a porté atteinte à ma réputation. Les rapports étaient... des mensonges qui ont terni ma réputation. Je trouvais cela injuste. J’ai eu de très grandes...de nombreuses répercussions financières parce que je devais payer mes frais judiciaires et, chaque fois, j’étais obligée de demander l’aumône au Bureau du commissaire, pour qu’il me donne 1 500 $ ou 3 000 $.

      À mes yeux, c’était plutôt injuste. Sans oublier que j’étais visée par ces procédures. Lorsque toutes les plaintes ont été rejetées en 2014, j’ai présenté une demande à la sous-ministre pour le remboursement des frais judiciaires non recouvrés par le Bureau du commissaire. Cela a pris quelques mois de plus, et Mme Swords, qui était la sous-ministre à l’époque, a reconnu que les mesures que j’avais prises s’inscrivaient dans mes tâches; elle m’a donc accordé un remboursement total.

    Mais ensuite, lorsque le Bureau du commissaire a décidé de rouvrir l’enquête, il a fallu une fois de plus que je retienne les services d’un avocat privé. Une fois encore, mes frais étaient très élevés. On m’a demandé de participer à une procédure de médiation auprès du Tribunal. J’ai accepté, étant persuadée que ma sous-ministre rembourserait mes frais. En décembre, j’ai demandé le remboursement des frais encourus au mois d’août 2016. Puis, en décembre 2016, ma sous-ministre a répondu qu’elle n’était pas disposée à les rembourser à ce moment-là. À cette époque, mes frais s’élevaient à plus de 17 000 $. J’ai donc décidé de poursuivre sans représentation parce que le fardeau financier était trop important.

    Je n’ai jamais eu l’impression que le ministère me soutenait tout au long de cet éprouvant processus d’enquête.

    Je crois aussi que cela a compromis mes possibilités de perfectionnement professionnel. J’ai tenté de changer de lieu de travail à maintes reprises au cœur de toutes ces plaintes. Je dirais, surtout en 2013 et 2014. Même à l’interne, c’était très difficile parce que tout le monde était au courant des plaintes. Mme... à la fin, les plaignantes travaillaient dans d’autres secteurs, donc il était... il était évident que beaucoup de gens au ministère étaient au courant de ces plaintes.

    Je pense donc que cela a aussi compromis mes possibilités de perfectionnement professionnel. Cela a compromis mes chances de travailler dans d’autres emplacements... et d’explorer d’autres possibilités.

    [353]  Je conclus que le pressentiment de Mme Lecompte que Mme Dunn cherchait des motifs pour ajouter d’autres plaintes contre elle était fondé et justifiait ses préoccupations relatives à sa vulnérabilité face à toute rencontre ou relation avec ces deux employées. J’admets également que c’était le choix volontaire de Mme Dunn et de Mme Gosselin de quitter le lieu de travail, probablement en raison de préoccupations relatives à leur propre vulnérabilité. Ainsi, ne pas avoir réuni ces personnes dans le cadre d’un événement censé être festif tel qu’une fête de Noël de fin d’année, était justifié dans le contexte de l’attitude très antagoniste de Mme Dunn et de Mme Gosselin, sans parler de Mme Nadon. Je ne vois pas de représailles de la part de Mme Lecompte dans le fait qu’elle ait retiré les invitations que Mme Nadon savait pertinemment qu’elle n’aurait jamais dû envoyer en premier lieu. En outre, étant donné les circonstances, je ne considère pas non plus que leur non-participation à cet événement répond aux exigences minimales d’un comportement susceptible d’avoir un effet négatif sur l’emploi ou les conditions de travail des employés.

    (3)  Autres incidents relatifs à l’isolement allégué de Mme Dunn

    (a)  Mme Lecompte aurait ordonné à Mme Dunn de ne pas demander à Mme Gosselin de se présenter sur le lieu de travail pendant son affectation

    [354]  Mme Dunn a prétendu qu’elle était menacée de mesures disciplinaires si elle s’associait aux autres employés qui avaient déposé des plaintes de représailles. Il n’existe aucune preuve qu’elle a été menacée de mesures disciplinaires par Mme Lecompte pour sa conduite. Cette allégation se rapporte à deux ou trois situations où Mme Dunn avait invité Mme Gosselin qui était en affectation à revenir sur les lieux de travail. M. Egglefield considérait Mme Gosselin comme une « employée particulièrement difficile » [TRADUCTION] qui « agissait de façon tout à fait inappropriée en milieu de travail, en particulier vis-à-vis de Mme Lecompte » [TRADUCTION]. J’ai déjà souligné que les notes de Mme Dunn et celles de M. Egglefield mentionnaient qu’elle n’avait soulevé aucune objection par rapport à la directive; or, M. Egglefield a indiqué que Mme Lecompte avait « réprimandé » [TRADUCTION] Mme Dunn pour cet incident. Peu importe, cette directive visait Mme Gosselin, non pas Mme Dunn; elle ne peut pas être considérée comme ayant une incidence négative sur son emploi ou ses conditions de travail.

    (b)  Omission d’inviter Mme Dunn, M. Egglefield et un travailleur de soutien temporaire à un événement social

    [355]  Mme Lecompte a reconnu qu’en raison d’un malentendu avec un autre employé, qui avait mal interprété sa directive selon laquelle Mme Gosselin ne devait pas être invitée à un événement social le 13 septembre 2012, Mme Dunn, M. Egglefield et un travailleur de soutien temporaire du nom de M. Benoit, n’avaient pas reçu d’invitation. L’incident est survenu lorsque Mme Dunn a demandé à l’employé qui organisait l’événement si Mme Gosselin (qui avait été affectée hors du lieu de travail) y assisterait. Lorsque la question a été posée à Mme Lecompte, elle a indiqué que Mme Gosselin ne devait pas être invitée, mais qu’elle aurait apparemment fait un geste vers l’endroit où se trouvaient Mme Dunn, M. Egglefield et M. Benoit, ce qui a été interprété à tort comme une indication qu’ils ne devaient pas non plus être invités.

    [356]  Après que M. Egglefield lui a envoyé un courriel lui demandant pourquoi trois membres de l’équipe n’avaient pas été invités à la réception, Mme Lecompte s’est immédiatement excusée auprès de M. Egglefield par courriel, et lui a ensuite répété son explication plusieurs fois. M. Egglefield a indiqué dans ses notes qu’il n’avait pas considéré cette explication comme étant véridique. Mme Dunn n’avait pas fait de témoignage sur cet incident, et l’incident n’était pas un motif invoqué dans la plainte de Mme Dunn du 26 septembre 2012. Mme Lecompte a reconnu qu’elle ne s’était pas excusée auprès de Mme Dunn, mais elle s’attendait toutefois à ce que M. Egglefield lui transmette ses excuses.

    [357]  En me basant sur tous les éléments de preuve dont je dispose, je conclus que l’omission d’inviter Mme Dunn et son gestionnaire ainsi qu’un employé de soutien temporaire n’était pas une mesure de représailles visant à l’isoler de ses collègues, ou une mesure liée d’une façon quelconque à sa divulgation protégée, mais plutôt le fruit d’un malentendu non intentionnel entre elle et une collègue.

    (4)  Conclusion : aucune mesure de représailles n’a été prise par Mme Lecompte à l’encontre de Mme Dunn relativement à la question de sa responsabilité dans l’isolement de Mme Dunn de ses collègues.

    [358]  Je conclus qu’aucune mesure de représailles n’a été prise à l’encontre de Mme Dunn de manière à l’isoler de ses collègues, et qu’elle n’a subi aucune mesure ayant un effet négatif sur son emploi ou ses conditions de travail au sens du terme « représailles » en vertu de la Loi. Je conclus également que, s’il est déterminé que l’emploi ou les conditions de travail de Mme Dunn ont été affectés par le fait qu’elle ait été isolée de ses collègues, Mme Lecompte n’a, à aucun moment, pris des mesures de représailles puisque cela n’était pas intentionnel; en conséquence, il n’existe aucune base pour conclure qu’une mesure disciplinaire devrait être prise à l’encontre de Mme Lecompte.

    F.  Allégations supplémentaires ne figurant pas dans l’exposé des précisions

    [359]  La plaignante a formulé d’autres allégations dans son exposé des précisions qui n’ont pas été renvoyées au Tribunal, comme suit :

    [TRADUCTION]

    9. En plus des faits relatés dans ses deux allégations qui ont été renvoyées au Tribunal, la plaignante est d’avis que le Tribunal aurait dû entendre des témoignages concernant le schéma d’événements complet, afin de déterminer adéquatement si des représailles ont eu lieu. La plaignante maintient que les faits suivants sont pertinents pour l’enquête du Tribunal :

    a. Mme Lecompte a communiqué de manière inappropriée aux directeurs, aux gestionnaires, aux conseillers et à d’autres employés que la demanderesse avait déposé une plainte de représailles. Elle a informé le personnel le 12 octobre 2012 que Mme Dunn quittait son poste pour une affectation en raison « des démarches en cours au Commissariat » [procédures devant le Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada]. Il y avait aussi une célébration vins et fromages ce même jour.

    b. Mme Lecompte a informé M. Egglefield qu’elle voulait imposer des mesures disciplinaires à la plaignante pour avoir omis de la saluer dans le couloir le 6 septembre 2012.

    10. Bien que ces allégations n’aient pas été renvoyées au Tribunal, elles fournissent un contexte important pour les allégations qui seront examinées lors de l’audition de la présente demande. Par exemple, le fait que Mme Lecompte comptait imposer des mesures disciplinaires à Mme Dunn pour un incident anodin est pertinent pour aider le Tribunal à déterminer si, globalement, les actes de Mme Lecompte représentaient des représailles sens de la Loi.

    [360]  Le Tribunal accepte l’argument de la plaignante selon lequel cette preuve contextuelle est pertinente dans une action pour représailles, mais seulement pour ce qui est de possiblement corroborer les allégations selon lesquelles Mme Lecompte aurait agi intentionnellement ou de mauvaise foi relativement aux deux allégations qui définissent la portée de l’audience. Sinon, ces deux allégations n’ont aucune incidence sur les deux principaux motifs de représailles qui ont été renvoyés au Tribunal. À ce titre, j’examinerai les précisions supplémentaires de la plaignante sur les représailles.

    (1)  Mme Lecompte n’a pas exercé de représailles contre Mme Dunn en informant son personnel lors d’une réunion que Mme Dunn avait été affectée parce qu’elle avait déposé des plaintes auprès du Commissariat, et elle n’a pas non plus célébré son départ en organisant des vins et fromages.

    (a)  Communication de Mme Lecompte aux membres du personnel de la Direction générale le 12 octobre 2012 les informant que Mme Dunn était en affectation parce qu’elle avait déposé une plainte de représailles contre elle

    [361]  Je conclus que Mme Lecompte a fourni une justification satisfaisante à l’explication donnée à son personnel le 12 octobre 2012 concernant la raison pour laquelle Mme Dunn quittait la Direction générale pour une deuxième affectation. Pour cette raison, l’incident ne peut pas être considéré comme un acte de représailles à son encontre.

    [362]  Le témoignage de Mme Lecompte, qui n’a pas été contesté, était qu’elle avait été complètement été prise de court par la deuxième affectation de Mme Dunn. Elle a dit dans son témoignage qu’elle arrivait d’une réunion à l’extérieur du bureau lorsqu’elle a été informée d’une crise survenue en son absence, qu’elle a décrite comme Mme Dunn ayant été escortée du bureau par M. Egglefield. Elle a été informée qu’un cadre supérieur chargé des divulgations internes s’était présenté au bureau de Mme Dunn et lui avait ordonné de rassembler tous ses effets personnels et de quitter immédiatement les lieux. Mme Lecompte a témoigné qu’elle avait été très contrariée par la manière un peu brusque par laquelle l’affectation avait été mise en œuvre, par le fait qu’elle n’en avait pas été informée au préalable de celle-ci et par le fait que cela ait semblé bouleverser le personnel.

    [363]  Mme Lecompte a aussi affirmé que le départ de Mme Dunn avait été mené comme si Mme Dunn avait fait quelque chose de répréhensible ou d’inapproprié, puisqu’elle avait été escortée hors du bureau par la direction à la vue de tous. Elle a déclaré qu’elle croyait que le personnel se demandait si Mme Dunn était punie pour quelque chose. Mme Nadon, notamment, est venue demander à Mme Dunn ce qui se passait. Mme Lecompte a conclu qu’il y avait beaucoup de rumeurs et un manque de compréhension au sein de l’équipe concernant cette situation. Elle a ensuite appelé Mme Scotton et le cadre supérieur chargé des divulgations internes, et on l’a informée que Mme Dunn avait quitté son poste pour une affectation à sa demande, conformément aux dispositions prises par l’agent du Commissariat auprès du Ministère, et qu’elle n’était pas sous le coup d’une punition.  Elle n’avait pas été informée par le Commissariat de la deuxième série de plaintes déposées par Mme Dunn du 26 septembre 2012 jusqu’en 2013.

    [364]  Étant donné les circonstances, elle avait décidé de tenir une réunion avec le personnel en partie « pour reprendre la direction de l’équipe » [TRADUCTION], ce qui reflétait le fait que ces mesures avaient été prises sans qu’elle n’en soit informée ou sans qu’elle n’ait eu l’occasion de se préparer de quelque façon que ce soit. À la réunion, elle a informé le personnel que Mme Dunn avait quitté volontairement son poste pour une affectation en raison de ses plaintes de représailles comme suit :

    [TRADUCTION]

    M. GIRARD : Dans le cadre de l’enquête concernant les représailles menée par le Commissariat, avez-vous expliqué cela à l’enquêteur?

    Non [à la question de savoir si l’enquêteur avait été informé], mais, comme je l’ai expliqué plusieurs fois, c’était une petite équipe. Beaucoup de gens avaient déjà été interrogés par le Bureau du commissaire. Tout le monde savait que Chantal avait déposé des plaintes, ainsi que Mme Dunn et Mme Gosselin. Mme Gosselin en particulier était très volubile à ce sujet. Elle parlait très ouvertement des plaintes qu’elle avait déposées contre moi. Ce n’était donc pas un secret, mais je faisais l’objet de nombreuses plaintes au sein du ministère. Je n’avais nullement l’intention de nuire à Mme Dunn. J’avais plutôt l’intention de reprendre la direction de l’équipe et de communiquer le peu d’information dont je disposais, soit qu’elle était partie de son propre chef -- de son plein gré.

    [365]  J’estime que les mesures de Mme Lecompte étaient justifiées dans les circonstances. Elle a raisonnablement cherché à clarifier une situation imprévue et bouleversante. Il était également nécessaire qu’une explication soit donnée concernant le départ de Mme Dunn afin de protéger sa réputation, étant donné les questions soulevées par le personnel. Je ne vois aucune mesure de représailles dans cette conduite.

    [366]  Je conclus aussi que la tentative de Mme Dunn de se servir de ces événements est un exemple de nombreuses plaintes non fondées qui ont été logées contre Mme Lecompte. Mme Lecompte ne savait pas que Mme Dunn avait déposé d’autres plaintes le 26 septembre 2012. Dans son témoignage, Mme Lecompte a indiqué que, à son avis, tous les membres du personnel au sein de leur petite direction étaient au courant que Mme Dunn avait déposé des plaintes en 2011, tout comme Mme Gosselin et M. Nicholl. Mme Nadon, par exemple, n’a pas témoigné qu’elle avait été informée de la plainte de représailles lorsqu’elle s’est entretenue avec M. Egglefield et Mme Dunn après la réunion du personnel portant sur cette question; on lui a rappelé que cela s’était produit. Lorsqu’elle a été interrogée à l’origine sur cette question, elle ne se souvenait de rien de particulier concernant la réunion du personnel, jusqu’à ce que sa mémoire ait été rafraîchie à l’aide des notes de Mme Dunn. Si elle avait entendu parler de la plainte de représailles pour la première fois lors de cette réunion du personnel, l’incident aurait été plus mémorable.

    [367]  De même, le Tribunal souligne que Mme Dunn a allégué une violation à sa vie privée contre Mme Lecompte dans sa plainte du 26 septembre 2012 au motif que « tous les directeurs, conseillers, services de soutien temporaires, quelques gestionnaires et d’autres collègues de différentes directions au sein de la Direction générale de la vérification étaient au courant des plaintes déposées auprès du Commissariat » [TRADUCTION] (soulignement ajouté par Mme Dunn). Mme Dunn a aussi reconnu qu’elle avait elle-même informé Mme Gosselin de cette plainte, qui avait également déposé une plainte contre Mme Lecompte. Je conclus que son allégation de représailles selon laquelle Mme Lecompte aurait divulgué les plaintes logées contre elle au personnel comme raison de son départ était artificielle. Plusieurs semaines avant la réunion du personnel, elle avait déposé une plainte semblable contre Mme Lecompte, c’est-à-dire que d’autres directions avaient eu connaissance de sa plainte, sans parler du fait qu’elle accusait Mme Lecompte alors qu’elle n’avait aucune preuve pour étayer une telle allégation.

    [368]  J’ai déjà souligné dans le résumé introductif des faits que, le 11 octobre 2012, M. Egglefield a envoyé un courriel à Mme Dunn, qui était alors en affectation, pour l’informer que Mme Lecompte avait dit au personnel de la DGSEE qu’elle était en affectation en raison des plaintes qu’elle avait déposées auprès du Commissariat. Il a aussi demandé l’adresse de courriel de l’enquêteur. M. Egglefield a déclaré dans son témoignage qu’il avait envoyé ce courriel parce qu’il avait été très démoralisé par le traitement qui avait été réservé à Mme Dunn. J’ai déjà indiqué que je remettais sérieusement en question les motivations à la base des actions de M. Egglefield, qui aidait Mme Dunn relativement à ces plaintes. Je note également qu’il semble avoir demandé de manière proactive l’adresse courriel de l’enquêteur, probablement parce qu’il était la seule personne au courant de l’existence de la deuxième plainte et voulait communiquer avec l’inspecteur. Je note également que Mme Lecompte a déclaré, lors de son témoignage qu’elle avait demandé à M. Egglefield s’il savait pourquoi Mme Dunn était partie avec lui en affectation, question à laquelle il n’a pas donné réponse.

    [369]  Enfin, j’ajouterais également qu’il n’est pas clair aux yeux du Tribunal pourquoi le fait que Mme Lecompte, la cible des plaintes de représailles, ait informé son personnel de l’affectation volontaire de Mme Dunn en attendant l’issue de sa plainte de représailles déposée contre elle, poserait problème. On peut comprendre la nécessité d’assurer la confidentialité des divulgations protégées pour encourager l’information anonyme sur les actes répréhensibles signalés. Toutefois, dès que les divulgations d’actes répréhensibles se transforment en accusation de représailles par un autre employé, je ne vois pas comment un voile du secret peut être justifié s’il est préjudiciable aux circonstances de l’auteur présumé de l’acte répréhensible. De toute évidence, la révélation d’une demande de représailles doit être appropriée et juste dans le contexte du lieu de travail. Je conclus que l’explication de Mme Lecompte du contexte du renvoi inconvenant de Mme Dunn du bureau était appropriée, plutôt que de laisser toutes les rumeurs circuler au sujet de la Direction générale. Je ne considère d’aucune façon que cet incident constitue des représailles.

    (b)  Célébrations vins et fromages des affectations de Mme Dunn hors du lieu de travail

    [370]  M. Egglefield a témoigné qu’il y avait eu des célébrations à deux occasions lorsque Mme Dunn est partie en affectation. Ni Mme Nadon ni M. Finn n’ont témoigné relativement à cette allégation. M. Egglefield a d’abord témoigné que la célébration « coïncidait toujours [avec] le moment où Mme Dunn quittait le lieu de travail pour une affectation » [TRADUCTION]. Lorsqu’on lui a demandé combien de fois cela s’était produit, sa réponse a été « au moins deux fois » [TRADUCTION]. Cela renvoie évidemment à ses deux affectations hors du lieu de travail.

    [371]  Il a décrit l’événement comme étant une « célébration d’une façon ou d’une autre. C’est vraiment l’impression qu[’il]... avai[t] personnellement » [TRADUCTION]. Lors du contre-interrogatoire, M. Egglefield a reconnu que Mme Lecompte « n’a jamais dit, à [sa] connaissance, qu[’ils] célébr[aient] le départ de Chantal. C’était sous-entendu. » [TRADUCTION]

    [372]  Le seul fondement sur lequel reposait son hypothèse pour expliquer l’humeur festive de Mme Lecompte à l’égard du départ de Chantal était qu’elle « coïncidait avec les événements qui avaient lieu » [TRADUCTION]. Son premier départ a eu lieu le 16 novembre 2011; le jour suivant, on l’a aperçu en train de prendre une pause cigarette avec Mme Dunn. Étant donné la coïncidence de tous ces événements, on aurait cru que ceux-ci auraient ravivé la mémoire de M. Egglefield pour corroborer quelque peu la tenue de l’événement. En ce qui a trait au second départ brutal de Mme Dunn tel qu’il a été susmentionné, Mme Lecompte s’est retrouvée dans une situation troublante en raison de la nature inattendue et controversée de son départ. La tenue d’une réunion du personnel en vue de restaurer l’autorité et la cohésion de l’équipe semble raisonnable dans les circonstances. Il semblerait également que cet événement ait eu lieu quatre jours après le départ de Mme Dunn, ce qui porte à croire que l’événement avait pour but d’accroître la cohésion de l’équipe et non de souligner le départ de Mme Dunn.

    [373]  Lorsqu’on lui a demandé en contre-interrogatoire si des vins et fromages semblables avaient eu lieu à d’autres occasions, M. Egglefield a d’abord répondu « à Noël, une année », oubliant manifestement qu’il était au service de la Direction générale depuis un an seulement. Il a ensuite témoigné qu’il ne se souvenait pas de situations précises, disant que cela « faisait longtemps » [TRADUCTION]. « Je ne me souviens pas du nombre précis de fois où il y a eu des vins et fromages. Il y en a eu quelques-uns, oui effectivement, il y en a eu » [TRADUCTION]. Si d’autres vins et fromages festifs ou événements semblables ont eu lieu avec les membres du personnel, à moins que M. Egglefield puisse établir une distinction entre ces événements et ceux qui avaient eu lieu lors du départ de Mme Dunn, aucun élément ne permet d’évaluer son opinion hypothétique.

    [374]  Étant donné l’animosité que nourrit M. Egglefield envers Mme Lecompte concernant son départ forcé, et compte tenu de la nature très négative de son témoignage à l’égard de Mme Dunn tout au long des présentes procédures, je conclus que ces remarques ne sont pas de simples spéculations; elles ont pour but de présenter Mme Lecompte sous un angle négatif qui reflète sa façon de penser, et non les événements tels qu’ils se sont produits.

    [375]  D’autres exemples soutiennent ma conclusion selon laquelle il avait généralement imputé de la mauvaise foi à Mme Lecompte alors qu’il n’existait aucun fondement pour ce faire. Son témoignage sur le souhait de Mme Lecompte de produire une évaluation négative sur le rendement de Mme Dunn reflète sa tendance à spéculer de façon négative à son égard. Il a témoigné comme suit sur ce point :

    [TRADUCTION]

    Je sais que Sylvie n’a pas aimé les évaluations que j’ai produites pour Chantal parce qu’elle aurait aimé utiliser une évaluation négative afin de pouvoir gérer son rendement en conséquence.

    [soulignement ajoutés]

    [376]  En commentant cette remarque, il a témoigné comme suit :

    Bien, j’étais d’avis, et, vous savez, c’est une opinion que me suis faite, ma propre conclusion... j’avais l’impression que les évaluations que je préparais ne cadraient pas nécessairement avec celle que Mme Lecompte aurait donnée. Toutefois, comme vous le savez, tout à son honneur, je ne me souviens pas qu’on m’ait demandé d’apporter des changements considérables aux rapports d’évaluation.

    [377]  M. Egglefield n’a fourni aucun élément de preuve ou motif permettant de « savoir » que Mme Lecompte n’aimait pas son évaluation du rendement de Mme Dunn. Par ailleurs, c’est ultimement M. Egglefield qui a décidé de gérer le rendement de Mme Dunn, et il n’existe aucune indication que Mme Lecompte a joué un rôle dans cette décision.

    (2)  Mme Lecompte n’a pas avisé M. Egglefield qu’elle souhaitait imposer des mesures disciplinaires à Mme Dunn pour sa conduite lorsqu’elle a croisé M. Sterne et elle-même lors de son entrée sur le lieu de travail le 6 septembre 2012

    (a)  Mme Dunn s’est montrée impolie envers M. Sterne et Mme Lecompte en détournant irrespectueusement le regard et en les ignorant au moment de les croiser à son arrivée sur le lieu de travail.

    [378]  Le détail concernant « l’incident Sterne », comme je décrirais sa caractérisation adéquate, dénature les faits pertinents en déplorant que « Mme Lecompte a informé M. Egglefield qu’elle voulait imposer des mesures disciplinaires à la plaignante pour avoir omis de la saluer dans le couloir le 6 septembre 2012 » [TRADUCTION]. L’incident se rapporte au fait que Mme Lecompte avait été décontenancée parce que Mme Dunn avait détourné le regard et ignoré M. Sterne, le consultant externe, alors qu’il entrait sur le lieu de travail avec Mme Lecompte :

    [TRADUCTION]

    Oui, et j’étais avec lui; Mme Dunn a tourné sa tête ou l’a baissée, je ne m’en rappelle pas. Elle nous a vraiment ignorés, et j’estimais que cette conduite, en présence de M. Stern[e], manquait de professionnalisme. Je me rappelle avoir dit à M. Egglefield que je souhaitais vraiment clarifier mes attentes auprès de Mme Dunn. Elle était capable de m’ignorer mais lorsque j’étais avec des gens comme ça, j’estimais que ce comportement était inacceptable.

    [soulignement ajoutés]

    [379]  Mme Dunn a fourni une version différente des faits, témoignant ce qui suit : « [I]ls étaient en train de discuter; donc, alors que j’entrais par la porte pour me rendre au bureau, j’ai simplement hoché la tête et poursuivi mon chemin. Ils étaient en pleine conversation et je ne voulais pas interrompre leur entretien. » [TRADUCTION] Ceci cadre quelque peu avec la note de la même date qu’elle avait dactylographiée décrivant qu’elle avait hoché la tête, sauf qu’au lieu d’excuser sa propre conduite, elle reprochait à Mme Lecompte de ne pas l’avoir saluée à son tour, comme suit : « [e]lle est passée à côté de moi pour l’accompagner à l’intérieur de l’immeuble et ne m’a pas saluée après que je lui ai fait un signe de tête. » [TRADUCTION]

    [380]  Les notes de M. Egglefield sur sa rencontre avec Mme Lecompte immédiatement après l’incident confirment la version de Mme Lecompte, c.-à-d. que Mme Dunn « a baissé sa tête (impolie) » [TRADUCTION]. Elles ne font nullement mention de sa discussion avec Mme  Mme Dunn plus tard dans l’après-midi. Il a cependant témoigné au sujet de l’entretien qu’il avait eu avec Mme Dunn, au cours duquel, selon ses dires, elle aurait mentionné qu’elle avait fait un signe de tête, sans toutefois faire mention de reproches à l’égard de Mme Lecompte pour le fait qu’elle ne l’avait pas saluée en retour. J’interprète cela comme une explication neutre de sa part sur la raison pour laquelle Mme Dunn n’avait pas obtenu réponse à son signe de tête.

    [381]  Malgré cela, j’estime que M. Egglefield modifie son témoignage en acceptant implicitement la version de Mme Dunn concluant qu’il s’agissait d’un malentendu, tout en reprochant à Mme Lecompte d’avoir mal interprété le signe de tête de Mme Dunn, en témoignant comme suit : « Je crois que c’était plus tôt ce matin-là que [j’ai] indiqué que Mme Dunn avait fait un signe de tête par courtoisie, signe que Mme Lecompte avait interprété comme étant un geste impoli. Je pense que c’était un simple malentendu entre les deux. » [TRADUCTION] [soulignement ajoutés.]

    [382]  Je ne sais pas trop comment M. Egglefield interprète la preuve de Mme Dunn selon laquelle son signe de tête n’avait pas été remarqué par Mme Lecompte, comme ayant été remarqué par Mme Lecompte, mais en tant que geste impoli. Je ne comprends pas comment il pourrait, d’une part, être en mesure de porter un jugement sur la véracité des deux énoncés, alors qu’il n’a été témoin d’aucun d’entre eux et qu’il n’a pas noté l’explication fournie par Mme Dunn pour aider à se remémorer les événements cinq ans plus tard et, d’autre part, qu’il puisse rejeter catégoriquement la version de Mme Lecompte selon laquelle Mme Dunn aurait intentionnellement détourné le regard ou baissé la tête de façon impolie, alors que les notes qu’il a prises immédiatement après l’incident appuient cette version.

    [383]  Il n’y a rien dans la preuve en soi qui lui permettrait d’interpréter les deux versions de cette façon. Étant donné son parti pris contre Mme Lecompte, je ne suis pas étonné qu’il appuie Mme Dunn et qu’il tente de présenter une version totalement contraire à ce qui, selon moi, s’est produit, en faisant valoir que Mme Lecompte a fait une interprétation totalement erronée d’un signe de tête courtois de la part de Mme Dunn.

    [384]  Ensuite, l’avocat de Mme Dunn a tenté d’expliquer la situation comme étant un malentendu par rapport à des perceptions, évidemment de la part de Mme Lecompte. Mme Lecompte a reconnu qu’il était possible qu’il s’agissait d’un malentendu; cela dit, en fin de compte, elle a maintenu sa position en faisant référence au fait que M. Sterne avait remarqué le même comportement. En outre, je juge les deux versions irréconciliables à titre de malentendu.

    [385]  J’accepte la version de Mme Lecompte. Premièrement, je juge que, d’ordre général, elle a été un témoin considérablement plus fiable que Mme Dunn. À cet égard, Mme Dunn modifie le sens de sa propre description de ces événements tel qu’ils avaient initialement été consignés ou, du moins, mentionnés dans sa version dactylographiée des notes. Elle reprochait originalement à Mme Lecompte de ne pas avoir remarqué son signe de tête, mais j’estime qu’elle tente maintenant d’expliquer un malentendu par le fait que Mme Lecompte et M. Sterne étaient en pleine discussion et n’étaient pas pleinement conscients de ce qui s’était produit. Cette version est très différente de celle que donne M. Egglefield au sujet d’événements dont il n’a pas été témoin.

    [386]  Deuxièmement, la version de Mme Lecompte est étayée par les notes de M. Egglefield prises immédiatement après l’incident, qui décrit sa réaction par rapport au fait que Mme Dunn ait baissé la tête, un geste qu’elle considérait comme étant impoli. Il n’y a aucune note à propos de la seconde rencontre, alors que l’on s’attendrait à certains commentaires étant donné que M. Egglefield affirmait qu’il étudiait la situation et entendait en rendre compte à Mme Lecompte.

    [387]  Troisièmement, l’implication de M. Sterne avait déjà causé des problèmes à Mme Dunn. En novembre 2011, elle et Mme Gosselin avaient refusé de signer la charte de l’équipe créée par les membres du personnel avec l’aide de M. Sterne. En ce qui concerne ce refus allégué, Mme a indiqué qu’une violation de la charte ne pouvait pas être utilisée à des fins disciplinaires et que, par ailleurs, cela aurait été contraire à tout ce qu’elle tentait d’accomplir à l’égard des membres du personnel en leur demandant de signer la charte. Une telle préoccupation aurait très bien pu être présentée à Mme Lecompte et à M. Sterne afin de confirmer que la charte ne pouvait être utilisée à telle fin. Par la suite, M. Egglefield a critiqué Mme Dunn lors de son retour au travail en mai 2012 parce qu’elle refusait catégoriquement de signer la charte de l’équipe (« Pourrait y avoir un problème avec Denis Egglefield (gestionnaire). Il n’est pas content que je ne signe pas la charte de l’équipe. » [TRADUCTION]). Il semble aussi y avoir certaines critiques à l’égard de Mme Dunn, y compris par M. Egglefield, pour ne pas avoir assisté à un déjeuner-causerie le 17 août 2012 avec M. Sterne parce que Mme Gosselin n’y avait pas été invitée. Dans ce contexte, je juge qu’il est raisonnable de supposer que, en apercevant M. Sterne qui entrait dans l’immeuble en compagnie de Mme Lecompte, Mme Dunn aurait éprouvé un certain ressentiment à leur égard, l’incitant spontanément – je dirais même involontairement – à réagir d’une façon pouvant être interprétée comme étant impolie.

    [388]  Quatrièmement, si Mme Dunn avait effectivement hoché de la tête, les agissements de Mme Lecompte auraient été complètement déraisonnables et contraires à toutes les précautions qu’elle prenait pour éviter une autre plainte de représailles relativement à un incident qu’un témoin tiers d’une grande crédibilité serait en mesure de décrire. M. Sterne n’a pas été appelé à témoigner, sans doute parce que l’incident n’était pas inclus dans les détails du commissaire sur les représailles; Mme Lecompte a toutefois témoigné que M. Sterne « n’avait pas vu Mme Dunn lever la tête non plus » [TRADUCTION].

    [389]  Cinquièmement, je n’accorde aucune importance à la tentative de M. Egglefield « d’étayer » son jugement non fondé selon lequel le témoignage de Mme Dunn devrait être privilégié. Il témoigne que la salutation par hochement de tête était une « pratique courante » [TRADUCTION] dans le bureau. Par la suite, il ajoute qu’« [à] [s]on avis, selon [s]es observations, Mme Dunn faisait toujours preuve de courtoisie envers tous les membres du personnel, y compris Mme Lecompte » [TRADUCTION], c.-à-d. que jamais Mme Dunn n’aurait été impolie envers Mme Lecompte. Il fait ainsi totalement abstraction de ce qui lui avait été expliqué, à savoir que le problème venait du fait que Mme Dunn avait été impolie envers M. Sterne.

    [390]  Il a également fait un éloge semblable à l’égard de Mme Dunn dans sa description de ces événements figurant dans les notes dactylographiées qu’il a fournie au Commissariat concernant sa recommandation à Mme Lecompte qu’elle ne devrait pas confronter Mme Dunn pour lui expliquer ses attentes, comme suit :

    [TRADUCTION]

    J’ai recommandé qu’elle ne le fasse pas tant que Chantal travaillait pour moi. Sa conduite avec tous les autres employés n’a pas été problématique, elle a une excellente attitude, et j’aimerais connaître sa version avant de l’accuser.

    [soulignement ajoutés]

    [391]  Ses notes sur la réunion avec Mme Lecompte ne contiennent aucun commentaire élogieux sur l’attitude de Mme Dunn, ni sur son désir de connaître la version des faits de Mme Dunn avant d’accepter les accusations que Mme Lecompte portait contre elle. Le commentaire dans les notes est simplement le suivant : « J’ai recommandé à Sylvie d’attendre que je quitte avant d’avoir la réunion sur les attentes » [TRADUCTION]. Autrement dit, il ne voulait même pas rencontrer Mme Dunn, même si Mme Lecompte a témoigné qu’il la rencontrerait. Honnêtement, je n’arrive pas à comprendre pourquoi M. Egglefield ne devrait pas assister à la réunion proposée avec Mme Dunn. Mme Lecompte ne voulait pas rencontrer Mme Dunn sans la présence d’un témoin pour faire en sorte que son explication de ses attentes ne soit pas interprétée de façon erronée comme des représailles. M. Egglefield serait la personne la plus appropriée pour y assister, étant son gestionnaire. Je pense que l’explication la plus plausible est celle donnée par Mme Dunn selon laquelle il ne voulait pas être impliqué dans cette affaire parce qu’il était sur le point de quitter la Direction générale.

    [392]  Plus important encore, je juge qu’il est peu probable que M. Egglefield aurait formulé l’un de ces commentaires à Mme Lecompte à titre de recommandation. En fait, il décrit la conduite de Mme Lecompte au Commissariat comme étant impulsive, tout en se présentant comme le gestionnaire équitable qui tente de composer avec une directrice hors de contrôle en enquêtant de manière rationnelle et en obtenant la version des faits auprès de Mme Dunn, afin d’être en mesure de se prononcer sur son « son accusation » [TRADUCTION] contre Mme Dunn. Une telle réponse aux attentes de Mme Lecompte de la part de M. Egglefield aurait été totalement inacceptable pour Mme Lecompte.

    [393]  Elle et M. Sterne étaient eux-mêmes participants à l’incident et il est totalement improbable que Mme Lecompte accepte qu’il la rencontre pour lui présenter la version de l’histoire de Mme Dunn avant d’agir. Durant son témoignage, elle a déclaré qu’il avait reconnu que le comportement de Mme Dunn était inacceptable. Son intention était de rencontrer Mme Dunn et M. Egglefield pour informer Mme Dunn de ses attentes quant au fait de saluer les gens qui visitent la DGSEE. Selon ses notes, sa seule préoccupation était de ne pas être présent à la réunion parce que, selon Mme Dunn, il ne voulait pas s’impliquer. Malgré ce qu’indiquent ses notes, il a rencontré Mme Dunn, mais il n’existe aucun élément de preuve écrit de ce qu’il a appris ni aucune indication du fait qu’il a informé Mme Lecompte de ce qui s’est passé durant sa rencontre avec Mme Dunn, c.-à-d. qu’elle avait une version très différente des événements.

    [394]  D’ailleurs, la description de M. Egglefield de « l’attitude formidable » [TRADUCTION] de Mme Dunn n’est pas étayée par les éléments de preuve présentés au Tribunal. Les éléments de preuve indiquent qu’elle avait de sérieux problèmes relationnels avec d’autres employés qui ne peuvent pas tous leur être imputés. Elle a également, à plusieurs reprises, omis de suivre le conseil de M. Egglefield de signer la charte d’équipe, comme l’avaient fait les autres employés, sauf son amie Mme Gosselin dont M. Egglefield a vivement critiqué la personnalité. Les notes de M. Egglefield indiquent qu’il avait aussi eu à lui parler concernant des commentaires défavorables formulés par d’autres employés à propos de son comportement. Je conclus encore une fois que M. Egglefield tentait d’aider la cause de Mme Dunn qui alléguait avoir été victime de représailles de la part de Mme Lecompte, en offrant notamment cette description gratuite de la formidable attitude de Mme Dunn pour renforcer le fait qu’elle n’aurait pas été impolie envers Mme Lecompte ou M. Sterne, et ce, afin de nuire à la crédibilité de Mme Lecompte et qu’il soit établi que cette dernière avait exercé des représailles contre Mme Dunn. Je rejette tous les éléments de preuve à cet égard.

    [395]  En conclusion, j’estime que Mme Dunn a agi de la manière indiquée par Mme Lecompte en tournant ou en baissant la tête pour les éviter, elle et M. Sterne, lorsqu’elle les a rencontrés à leur arrivée au bureau, ce qui a inévitablement mené à la réunion qui a suivi avec M. Egglefield dans le but d’éviter qu’un tel comportement se reproduise à l’avenir.

    (b)  Mme Lecompte n’avait pas dit à M. Egglefield qu’elle envisageait de prendre des mesures disciplinaires contre Mme Dunn pour cet incident; cependant M. Egglefield a affirmé le contraire à Mme Dunn.

    [396]  Le fait que Mme Dunn ait été impolie ou non en ne saluant pas comme il se doit M. Sterne n’est pas la principale question dans la présente plainte de représailles. La plainte porte sur des allégations de menaces de sanctions disciplinaires pour une question insignifiante d’impolitesse, comme l’affirme la plaignante :

    [TRADUCTION]

    Par exemple, le fait que Mme Lecompte comptait imposer des mesures disciplinaires à Mme Dunn pour un incident anodin est pertinent pour aider le Tribunal à déterminer si, globalement, les actes de Mme Lecompte représentaient des représailles sens de la Loi.

    [397]  Si la menace de mesures disciplinaires était acceptée, je conviens que cela démontrerait un certain degré d’hostilité et un exercice inapproprié du pouvoir discrétionnaire de la part de Mme Lecompte à l’égard de Mme Dunn, même si son comportement envers M. Sterne était impoli.

    [398]  Toutefois, je conclus que Mme Lecompte n’a jamais donné à M. Egglefield de raison de croire qu’elle avait l’intention de prendre des mesures disciplinaires contre Mme Dunn pour l’incident, ni l’intention de menacer de le faire. Elle nie catégoriquement avoir soulevé la question des mesures disciplinaires. Par ailleurs, les notes de M. Egglefield indiquent clairement que l’objet de la réunion proposée était « d’expliquer ses attentes » [TRADUCTION] quant aux relations avec les personnes fréquentant le bureau, comme M. Sterne. Malgré cela, je juge que M. Egglefield, par une série de témoignages évasifs et contradictoires, tente encore une fois de présenter les événements comme une situation où il est possible que des mesures disciplinaires aient été mentionnées et où l’ensemble de l’affaire était un malentendu de la part de Mme Lecompte.

    [399]  Mme Lecompte a témoigné comme suit sur ce point en contre-interrogatoire :

    [TRADUCTION]

    M.YAZBECK : Bon, Mme Dunn a expliqué qu’elle avait hoché la tête pour vous saluer tous les deux, qu’elle ne voulait pas vous interrompre et qu’elle a continué à marcher. N’est-ce pas une bonne explication à son comportement?

    MME LECOMPTE : Écoutez. J’étais avec M. Sterne. Il n’a pas vu Mme Dunn nous saluer non plus. J’ai vu l’explication de Mme Dunn après avoir lu les dossiers. Je n’ai parlé de cela qu’à M. Egglefield. Je lui ai dit qu’un tel comportement était inacceptable, et que j’avais l’intention de parler de mes attentes directement à Mme Dunn.

    M. Egglefield m’a demandé d’être patiente, il a dit qu’il allait lui parler et qu’il reconnaissait que cela n’était pas acceptable. Ensuite, Mme Dunn a écrit que j’avais menacé de prendre des mesures disciplinaires. J’ai catégoriquement nié avoir menacé de prendre des mesures disciplinaires pour quelque chose comme ça

    M. YAZBECK : Bon, je ne parle pas de ce comportement précisément, mais en général, si un employé adopte un comportement inacceptable au travail, cela pourrait donner lieu à des mesures disciplinaires. C’est bien une possibilité?

    MME LECOMPTE : C’est effectivement une possibilité, mais c’est tout un processus. Il y a d’abord les réunions informelles, comme vous le savez très bien. Ce n’est pas... la première mesure n’est pas une mesure disciplinaire.

    [soulignement ajoutés]

    [400]  Comme il a été mentionné, M. Egglefield a d’abord témoigné que les mesures disciplinaires n’étaient pas envisagées :

    [TRADUCTION]

    M. YAZBECK : M. Egglefield, vous souvenez-vous de discussions où il a été question que Mme Dunn fasse l’objet de sanctions de la part de Mme Lecompte?

    M. EGGLEFIELD : Non, je ne peux pas dire que je me souvienne. Selon mon souvenir, le moment où j’ai vu Mme Lecompte la plus contrariée vis-à-vis de Mme Dunn était lors de l’affaire avec M. Sterne dont nous avons parlé, vous savez, il y a 15 minutes, et je ne crois pas qu’il y avait une intention quelconque de la sanctionner à ce moment-là.

    [soulignement ajoutés]

    [401]  J’y vois un témoignage clair de la part de M. Egglefield selon lequel Mme Lecompte n’avait pas l’intention d’envisager d’imposer des mesures disciplinaires à Mme Dunn par rapport à l’incident Sterne, ou par rapport à quoi que ce soit. Il a d’abord répondu à une question ouverte en indiquant qu’il ne se souvenait pas que Mme Lecompte ait envisagé, à quelque moment que ce soit, d’imposer des mesures disciplinaires à l’encontre de Mme Dunn. Dans sa réponse, il affirme qu’il ne se souvient pas, mais ensuite il met l’accent sur l’incident où il peut se souvenir précisément que Mme Lecompte était fâchée contre Mme Dunn concernant l’incident Sterne. Il conclut que, même dans ce cas précis où il était fort probable que cela se produise (« à ce moment-là »), il n’existait aucune intention d’imposer des mesures disciplinaires à Mme Dunn.

    [402]  Cependant, en contre-interrogatoire, face à la note prise par Mme Dunn lorsqu’il lui avait dit que Mme Lecompte envisageait de lui imposer des mesures disciplinaires, il utilise de faux-fuyants comme suit :

    [TRADUCTION]

    [Citant la note de Mme Dunn] « 1:05 Denis m’a parlé de sa conversation avec Sylvie ce matin. Elle lui a dit que je ne lui avais pas dit bonjour. C’est injuste. Denis a dit qu’il ne voulait pas s’impliquer puisqu’il espère quitter le ministère au cours des prochaines semaines. Il a quand même dit qu’elle allait envisager de m’imposer des mesures disciplinaires et que je devrais être prête. »

    Êtes-vous d’accord avec cela?

    M. EGGLEFIELD : J’ai déclaré plus tôt que je ne me souvenais pas, vous savez, de toute intention d’imposer des mesures disciplinaires à Mme Dunn en raison de l’incident dans le couloir, lorsqu’elle a croisé M. Sterne. Je ne m’en souviens pas.

    M. GIRARD : Je ne pense pas que vous ayez déclaré que vous ne pouviez pas vous souvenir, je pense que vous avez dit – je devrai vérifier la transcription – qu’il n’existait aucune intention d’imposer des mesures disciplinaires.

    M. EGGLEFIELD : Je ne me souviens pas qu’il existait une intention d’imposer des mesures disciplinaires à cette étape.

    M. LE JUGE ANNIS : Je veux simplement avoir cette réponse, je ne comprends pas bien. Qu’avez-vous dit alors, s’il vous plaît?

    M. EGGLEFIELD : J’ai dit, vous savez, ça fait longtemps. Honnêtement, je ne me souviens pas, vous savez, que Mme Lecompte ait indiqué son souhait d’imposer des mesures disciplinaires à Mme Dunn en raison de l’incident. Mes notes reflètent, et je les ai vues plus tôt, qu’elle voulait lui lire ou lui indiquer ce qu’étaient ses attentes concernant la conduite à avoir au travail.

    M. LE JUGE ANNIS : Est-ce sur cela que nous devons nous appuyer alors?

    M. EGGLEFIELD : Oui.

    [soulignement ajoutés]

    [403]  M. Egglefield fait référence ici aux notes relatives à sa rencontre du 6 septembre 2012 avec Mme Lecompte, comme suit :

    [TRADUCTION]

    – rencontre Sylvie/Chantal, 7 septembre : je ne ferai qu’écouter; Sylvie va expliquer les attentes.

    – j’ai recommandé à Sylvie d’attendre que je parte avant d’avoir la réunion sur les attentes et de n’aborder que la question des escaliers.

    [soulignement ajoutés]

    [404]  L’avocat de l’employeur a ensuite poursuivi avec des questions destinées à montrer que M. Egglefield n’avait aucune raison de dire qu’il ne pouvait se souvenir des événements au lieu de s’appuyer sur ses notes, qu’il avait utilisées tout au long de l’instance pour appuyer son témoignage. M. Egglefield revient à son témoignage selon lequel il ne pouvait se souvenir si des mesures disciplinaires étaient en cause. Il a tenu les propos suivants :

    [TRADUCTION]

    M. GIRARD : Vous convenez avec moi qu’il n’est pas effectivement question de « mesures disciplinaires » dans les notes dactylographiées (fournies au Commissariat) et dans vos notes manuscrites?

    M. EGGLEFIELD : C’est exact.

    M. GIRARD : C’est vraisemblablement un point important. Si une personne s’apprêtait à imposer des mesures disciplinaires à un autre employé, l’auriez-vous noté?

    M. EGGLEFIELD : Je suppose que oui, je l’aurais noté.

    M.GIRARD : Quoi qu’il en soit, faisant partie de l’équipe de direction, est-ce quelque chose que vous devriez dire à un employé que vous supervisez?

    M. EGGLEFIELD : Il s’agit des notes de Mme Dunn, donc, vous savez, si son interprétation était qu’on allait lui imposer des mesures disciplinaires, c’est son interprétation. J’ai indiqué que je ne pouvais me rappeler, vous savez, que des mesures disciplinaires étaient en cause. Je me rappelle précisément avoir tenté d’obtenir sa version des faits au sujet de l’incident, et je crois que c’était plus tôt ce matin-là que j’ai indiqué que Mme Dunn avait fait un signe de tête par courtoisie, signe que Mme Lecompte avait interprété comme étant un geste impoli. Je pense que c’était juste un malentendu entre les deux.

    [soulignement ajoutés]

    [405]  En résumé, M. Egglefield commence en reconnaissant que Mme Lecompte ne lui a pas mentionné d’intention d’imposer des mesures disciplinaires à Mme Dunn par rapport à l’incident, ce qui confirme le témoignage qu’il a donné précédemment lors de l’interrogatoire principal, où il a décrit l’incident. Toutefois, face à sa déclaration incohérente consignée par Mme Dunn voulant qu’elle se prépare à des mesures disciplinaires, il témoigne qu’il « ne peut se souvenir » [TRADUCTION] d’avoir dit « qu’elle allait envisager d’imposer des mesures disciplinaires et qu’elle devrait être prête » [TRADUCTION], étant donné le laps de temps. Il ne contredit pas ses notes, il dit seulement qu’il s’agissait d’une question d’interprétation. Il ne dit pas que c’était une interprétation inexacte ou sans fondement. Je conclus qu’il a indiqué des mots de cette nature de sorte que Mme Dunn pense qu’elle ferait l’objet de mesures disciplinaires suffisantes pour en faire une allégation dans sa plainte en vue d’être appuyée par M. Egglefield.

    [406]  Quand on lui parle à nouveau de cette incohérence et de son incapacité à se rappeler la question des mesures disciplinaires, il s’appuie sur un manque de mémoire quant à la question de savoir si une intention d’imposer des mesures disciplinaires existait, ce qui en fait donc une possibilité. Il le fait même si ses notes indiquent clairement, à deux reprises, l’intention de Mme Lecompte de simplement clarifier les attentes afin d’éviter d’autres incidents semblables à l’avenir. Lorsque le Tribunal demande directement s’il s’agit de la version sur laquelle ce dernier devrait se fonder, M. Egglefield répond par l’affirmative.

    [407]  Toutefois, lorsque l’avocat cherche à approfondir la question, M. Egglefield déclare qu’il « suppose » [TRADUCTION] qu’il aurait indiqué les mesures disciplinaires dans ses notes si elles avaient été mentionnées. Lorsqu’on lui demande, à titre de question complémentaire, s’il était approprié de parler à un employé d’éventuelles mesures disciplinaires évoquées lors d’une réunion confidentielle avec son gestionnaire, il revient au fait qu’il ne se souvient pas que des mesures disciplinaires aient été évoquées, laissant encore ainsi planer l’incertitude quant à ce que Mme Lecompte lui a indiqué. Enfin, il clôt la discussion sans répondre à la question, mais en supposant plutôt qu’il pensait que toute l’affaire était un malentendu de la part de Mme Lecompte ayant mal interprété un signe de tête courtois de Mme Dunn. En réalité, il prend le parti de Mme Dunn concernant la nature de l’incident et laisse entendre que l’on n’aurait jamais dû y donner suite.  Cette conclusion qu’il a tirée ne découle pas de son observation de l’incident, et certainement pas de ce que Mme Lecompte lui avait dit, malgré les diverses versions que Mme Dunn a présentées quant à ce qui s’est produit.

    [408]  Le Tribunal estime que Mme Lecompte n’a jamais manifesté d’intention ou lancé de menaces d’imposer des mesures disciplinaires à l’encontre de Mme Dunn. Je conclus en outre que M. Egglefield a donné une fausse image de sa conversation avec Mme Lecompte, de sorte que Mme Dunn a pensé qu’elle pourrait faire l’objet de mesures disciplinaires pour une question anodine et qu’elle devrait « s’y préparer » [TRADUCTION]. Je conclus qu’une telle représentation inexacte de l’intention de Mme Lecompte d’imposer des mesures disciplinaires à l’encontre de Mme Dunn aurait contribué à la décision de cette dernière de déposer, deux semaines plus tard, sa seconde plainte de représailles contenant une allégation concernant l’incident, que je rejette.

    [409]  Si j’ai analysé et interprété en détail le témoignage de M. Egglefield concernant cet incident, c’est parce que je juge que dans une affaire axée sur la crédibilité des témoins, il s’agit d’un exemple de témoignages qui appuie ma conclusion générale selon laquelle M. Egglefield était un témoin extrêmement peu fiable, puisqu’il était nettement contre Mme Lecompte.  Les éléments de preuve appuient également ma conclusion selon laquelle ses agissements ont contribué à la plainte sans fondement de Mme Dunn contre Mme Lecompte, non seulement pour ce qui est d’avoir menacé d’imposer des mesures disciplinaires dans une affaire relativement insignifiante, mais dans les autres cas d’allégations non fondées, comme exposé et rejeté ci-dessus.

    VII.  Conclusion : Mme Lecompte n’a pas exercé de représailles contre Mme Dunn

    [410]  Au vu de l’analyse qui précède, je conclus que Mme Lecompte n’a pas exercé de représailles contre Mme Dunn. Cela constitue un second motif de rejet de la demande en plus de ma conclusion selon laquelle il n’existait aucune divulgation protégée pour former un lien avec les allégations de représailles, même si elles étaient établies.

    VIII.  Réparation

    [411]  Bien que j’aie conclu qu’aucunes représailles n’avaient été exercées ou que les représailles alléguées n’avaient aucun lien avec une divulgation protégée, je suis d’avis que je dois néanmoins présenter mes conclusions au sujet des mesures de réparation réclamées par la plaignante, au cas où l’affaire ferait l’objet d’une demande de contrôle judiciaire.

    [412]  La plaignante sollicite une indemnité en guise de réparation sous forme de dommages-intérêts généraux pour la douleur et les souffrances dues à des représailles, en plus de dommages-intérêts particuliers pour le remboursement des frais de stationnement et des congés.

    [413]  La plaignante affirme qu’on devrait lui accorder le montant maximal prévu de 10 000 $ pour chacune des deux allégations de représailles, soit 20 000 $ au total.  Une adjudication pour douleur et souffrances est de nature purement compensatoire. Elle ne comprend aucun contenu dissuasif, étant donné que la voie disciplinaire des procédures de représailles tient compte de toute intention législative de ce type. Cependant, j’accepte dans une certaine mesure l’argument du commissaire selon lequel le caractère et la conception de la conduite de l’auteur des représailles sont un critère dans l’évaluation de la douleur et des souffrances adjugées, mais seulement pour fournir un lien causal afin de justifier le montant réclamé.

    [414]  Je souscris également à la thèse partagée par l’employeur et le commissaire selon laquelle il n’existe aucune base sur laquelle évaluer les dommages-intérêts liés à la douleur et à la souffrance à l’égard de chacune des allégations de représailles démontrées, ou que chaque allégation est soumise aux 10 000 $ prévus par la loi. Dans la plupart des cas, comme en l’espèce, le Tribunal ne pouvait distinguer quel aspect de la douleur et des souffrances générales s’appliquait à quelle allégation de représailles, en particulier dans la mesure où elles seraient probablement de nature cumulative et de gravité croissante, si elles sont nombreuses et se produisent pendant une longue période. La douleur et les souffrances doivent faire l’objet d’une évaluation globale effectuée par le Tribunal à la conclusion de l’instance lorsque tous les aspects des représailles et leurs effets sont connus et soumis à la limite unique de 10 000 $ imposée par la Loi.

    [415]  La plaignante a fourni peu d’éléments de preuve démontrant l’incidence qu’ont eue sur elle les représailles alléguées. Aucune preuve médicale n’a été fournie pour étayer sa demande. Les représailles alléguées en l’espèce ne sont pas importantes ou de longue durée. Je ne peux guère imaginer autre chose que l’évaluation d’une somme symbolique située entre 1 000 $ et 2 000 $, si les représailles avaient été prouvées.

    [416]  La plaignante a également sollicité 1 000 $ pour le stationnement. Je conviens avec l’employeur qu’il n’était pas nécessaire qu’elle garde deux espaces de stationnement, ce qui est le fondement cette demande. En ce qui concerne la demande de congé pour le temps consacré à la plainte, je conclus que lorsqu’il y a un différend possible quant aux effets des représailles, il faudrait présenter des éléments de preuve au Tribunal afin qu’il statue, plutôt que de demander une décision obligeant l’employeur à fournir une indemnité appropriée pour ces réclamations. Néanmoins, l’employeur s’est montré disposé à envisager une réparation pour les congés utilisés par la plaignante. Cette réparation serait toutefois limitée au temps réclamé à titre de congé seulement, et ne comprendrait pas les éléments comme la préparation pour les enquêtes ou la présence à l’audience, à moins que des congés n’aient été accordés à cette fin.

    [417]  La plaignante a également sollicité le versement d’un montant de 1 291,53 $ pour le remboursement de ses frais judiciaires. Ce montant ne correspond d’aucune façon aux frais judiciaires engagés par la plaignante pour les six jours d’audience sous la direction d’un avocat expérimenté, ni à tous les frais de préparation et frais préliminaires qui s’y rapportent. J’en conclus que l’employeur a indemnisé Mme Dunn pour la presque totalité des frais facturés, n’excluant qu’une faible proportion. La demande de remboursement minimum rend la discussion sur les paramètres juridiques devant guider la question en litige quelque peu théorique dans les circonstances.

    [418]  Les frais ne font pas partie des éléments visés par la Loi. Le commissaire a fait valoir, à juste titre à mon avis, que les frais judiciaires de la plaignante ne devraient pas être alloués ou considérés comme une mesure de réparation en vertu de l’alinéa 21.7(1)e) qui prévoit ce qui suit : « lui accorder le remboursement des dépenses et des pertes financières qui découlent directement des représailles » [soulignement ajoutés]. Je conviens que les frais judiciaires ne peuvent pas être considérés comme découlant directement de représailles. Normalement, si l’intention du législateur était d’indemniser un plaignant ayant gain de cause pour les frais qu’il a engagés, le libellé de la loi serait rédigé en ce sens.

    [419]  De plus, il semble que la Loi considère le commissaire comme étant celui devant conduire l’instance, ce qui est contraire à ce qui s’est produit en l’espèce. Il faut reconnaître que la plaignante est partie à l’instance; une représentation par un avocat devrait donc normalement être envisagée pour lui permettre de participer pleinement à l’audience. Cependant, il ne devrait pas être du ressort du Tribunal de décider qui, du commissaire ou de la plaignante, devrait conduire l’affaire et qui devrait assumer les frais engagés par la plaignante. Le Tribunal ne devrait pas non plus servir de filet de sécurité pour un plaignant, lorsque le commissaire ou l’employeur refuse de payer les frais judiciaires engagés.

    [420]  Je conclus que l’intention du législateur n’était pas d’indemniser un plaignant pour les frais engagés dans une action pour représailles, qu’il ait ou non gain de cause. Comme la Loi ne vise que la protection des fonctionnaires, et comme on sait que les fonctionnaires peuvent solliciter, à la fois à titre de plaignants ou de cibles de réclamations pour représailles, le remboursement de frais engagés, comme cela a été fait en l’espèce, l’interprétation que je fais de la loi est qu’il appartient à l’employeur et au commissaire de trancher la question du remboursement des frais judiciaires engagés par les parties dans une action pour représailles. Je suis d’accord avec le commissaire pour dire que cette question ne relève pas de la compétence du Tribunal.

    IX.  Conclusion

    [421]  Le Tribunal conclut que Mme Lecompte n’a pris aucune mesure contre la plaignante, que ce soit eu égard aux allégations de traitement distinct de Mme Dunn en surveillant ses absences, en l’isolant de ses collègues, ou toute autre conduite qui est alléguée comme ayant eu des répercussions négatives sur son emploi ou ses conditions de travail, ou constituant par ailleurs des représailles aux termes de la Loi.

    [422]  Je conclus en outre que les mesures alléguées comme ayant eu des répercussions négatives sur son emploi ou ses conditions de travail, lesquelles n’ont pas été prouvées, n’ont aucun lien avec la divulgation protégée de la part de la plaignante.

    [423]  Par conséquent, la demande est rejetée.

    LE TRIBUNAL ORDONNE que la présente demande soit rejetée.

    Peter Annis

    Membre

    FAIT ce 3e jour d’octobre, 2017.

    Appendice A

    Allégations de représailles exercées par Mmes Scotton et Lecompte tirées de

    la deuxième plainte déposée par Mme Dunn auprès du Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada – Le 26 septembre 2012

    Par Anne Scotton

    1)  Anne a approuvé le paiement de mes frais d’adhésion à l’ACFE pour les années 2008 et 2009. Lorsque la divulgation a eu lieu en 2010, elle a refusé le paiement des frais d’adhésion pour 2010.

     

    2)  Comportement non professionnel : ma culture, mon travail et mon poids ont fait l’objet de discussions lors de réunions de gestion et avec mes collègues.

     

    3)  Intimidation et perte d’emploi : elle a déclaré, devant un conseiller principal en ressources humaines, que je n’étais pas qualifiée pour un poste de responsable de la vérification interne de niveau AS04 et que je devais rester à la DGSEE. Dans ma lettre d’offre, j’étais (à l’époque) désignée comme responsable de la vérification interne de niveau AS04.

     

    4)  Pendant que j’étais partie en affectation, elle a fait des commentaires à mon sujet aux cadres supérieurs du Bureau de l’interlocuteur fédéral (elle a ainsi perturbé mon affectation).

     

    5)  De nombreuses demandes ont été faites pour prolonger mon affectation afin de me sortir de cette situation; toutes les demandes ont été refusées. Mme Lévesque m’a dit que j’avais besoin de la permission de Sylvie et d’Anne afin de prolonger mon affectation. Je suis revenue à la DGSEE le 2 mai 2012. Je crois qu’il est possible que cela ait été fait de bonne foi, puisque Sylvie et Anne continuent de recourir à des services d’aide temporaire (quatre personnes) au niveau AS07. Mon retour au sein de la DGSEE n’était pas requis en raison de préoccupations quant aux ressources, tel qu’il a été mentionné précédemment.

     

    6)  Confidentialité : tous les directeurs, les consultants et les services d’aide temporaire, de même que certains gestionnaires et d’autres collègues des différentes directions au sein de la Direction générale de la vérification sont au courant de ma plainte auprès du Commissariat.

     

    Par Sylvie LeCompte

    • 1) Frais d’adhésion à l’ACFE. Sylvie a déclaré qu’elle en avait parlé à Anne; le paiement de mes frais d’adhésion à l’ACFE a été refusé pour 2010, 2011 et 2012. J’ai payé moi-même ces frais afin de maintenir mon titre professionnel. L’adhésion à l’ACFE et l’adhésion en tant que vérificateur interne certifié sont payées pour les autres, mais pas pour moi.

     

    • 2) Les titres professionnels ne figurent pas sur mes cartes d’affaires, contrairement aux autres employés.

     

    • 3) La formation continue en langue française m’a été refusée (trois fois), alors que d’autres collègues ont eu l’autorisation de suivre cette formation. J’ai reçu un courriel du gestionnaire me disant de poser ma candidature, mais j’ai essuyé un refus. Le cours consistait en une journée par semaine, sans frais pour le secteur, et la direction continuait à recourir à des services d’aide temporaire. Ce n’étaient pas les ressources qui manquaient.

     

    • 4) Sylvie a promis d’examiner mon dossier d’accident en milieu de travail en avril 2011; à ce jour, la DGSEE n’a rien fait. J’ai dû m’adresser moi-même aux SST en mai 2012.

     

    • 5) Cours sur les négociations à l’intention du personnel de la DGSEE (obligatoire) – j’ai demandé à assister au cours du 20 mars 2012, mais ma demande a été refusée. Je l’ai demandé une nouvelle fois dans mon plan d’apprentissage, et ma demande a été refusée encore une fois. On m’a dit que le fait de ne pas avoir suivi le cours serait apparemment utilisé pour m’évincer lors du réaménagement des effectifs.

     

    • 6) Intimidation : j’ai cru que j’allais perdre mon travail dans le cadre du nouveau réaménagement des effectifs, en raison des menaces proférées lors de réunions du personnel envers les personnes qui ne signaient pas la charte d’équipe, et parce qu’on m’avait refusé les cours obligatoires auxquels mes collègues assistaient (cours qui allaient figurer dans l’Énoncé des critères de mérite), ce qui devait être utilisé contre moi si je recevais effectivement une lettre.

     

    • 7) Un courriel a été envoyé aux directeurs d’autres secteurs afin que mon nom soit supprimé de leur liste de contacts (le 29 mars 2011). Aucune explication n’a été jointe ou fournie, ni eux ni à moi.

     

    • 8) Depuis septembre 2011, elle veut que mon gestionnaire l’informe de mes demandes de congé. On m’a dit que j’étais, parmi les personnes relevant de mon gestionnaire, la seule employée pour qui elle demandait ces renseignements, même lorsque le congé était approuvé par mon gestionnaire.

     

    • 9) Séparation des tâches – NACC (2 mai 2012) : j’ai offert mon aide à l’occasion d’une réunion du personnel; elle m’a ignorée pendant la réunion, ce qui a été très embarrassant puisque mes collègues étaient présents.

     

    • 10) Isolement par rapport aux autres employés, y compris mon gestionnaire; la directrice remet en question la loyauté de mes collègues et de mon gestionnaire lorsqu’elle voit qu’ils me parlent.

     

    Intimidation : tous mes collègues rendent des comptes à leurs gestionnaires, alors que je dois rendre des comptes à mon gestionnaire et à Sylvie Lecompte.

     

    • 11) Confidentialité : tous les directeurs, les consultants et les services d’aide temporaire, de même que certains gestionnaires et d’autres collègues des différentes directions au sein de la Direction générale de la vérification sont au courant de ma plainte auprès du

    Commissariat. Ils me rejettent, alors qu’auparavant ils me parlaient.

     

    • 12) Menace de sanction disciplinaire si je m’associe à d’autres collègues ayant déposé des plaintes relatives à des représailles : mon gestionnaire m’a conseillé à deux reprises de ne pas être vue avec d’autres personnes ayant déposé des plaintes relatives à des représailles, car je dois me mettre à la place de ma directrice (Sylvie Lecompte).

     

    • 13) Menace de sanction disciplinaire : le dernier incident en date (le 6 septembre 2012) est le simple fait que je me suis contentée de hocher la tête pour saluer ma directrice, plutôt que de lui dire bonjour. Elle a dit à mon gestionnaire qu’elle ne m’aimait pas.

     

    14)  De nombreuses demandes ont été faites pour prolonger mon affectation afin de me sortir de cette situation; toutes les demandes ont été refusées. Mme Lévesque m’a dit que j’avais besoin de la permission de Sylvie et d’Anne afin de prolonger mon affectation. Je suis revenue à la DGSEE le 2 mai 2012. Je crois qu’il est possible que cela ait été fait de bonne foi, puisque Sylvie et Anne continuent de recourir à des services d’aide temporaire (quatre personnes) au niveau AS07. Mon retour au sein de la DGSEE n’était pas requis en raison de préoccupations quant aux ressources, tel qu’il a été mentionné précédemment.

     

    • 15) Menaces d’autres représailles à mon égard. Mon gestionnaire s’en ira le 19 octobre 2012; Anne Scotton a accepté de payer son affectation jusqu’à ce que son autre poste au sein d’un autre organisme gouvernemental commence. Ensuite, je relèverai directement de Sylvie Lecompte. Il m’a dit qu’il s’inquiétait pour moi, puisqu’il ne pourra plus agir comme intermédiaire entre elle et moi. Il m’a suggéré d’essayer d’obtenir une autre affectation.

    Appendice B

    Dispositions pertinentes de la Loi

    représailles L’une ou l’autre des mesures ci-après prises à l’encontre d’un fonctionnaire pour le motif qu’il a fait une divulgation protégée ou pour le motif qu’il a collabo- de bonne foi à une enquête menée sur une divulgation ou commencée au titre de l’article 33 :

    a)  toute sanction disciplinaire;

    b)  la rétrogradation du fonctionnaire;

    c)  son licenciement et, s’agissant d’un membre de la Gendarmerie royale du Canada, son renvoi ou congédiement;

    d)  toute mesure portant atteinte à son emploi ou à ses conditions de travail;

    e)  toute menace à cet égard

     

    reprisal means any of the following measures taken against a public servant because the public servant has made a protected disclosure or has, in good faith, cooperated in an investigation into a disclosure or an investigation commenced under section 33:

    (a)  a disciplinary measure;

    (b)  the demotion of the public servant;

    (c)  the termination of employment of the public servant, including, in the case of a member of the Royal Canadian Mounted Police, a discharge or dismissal;

    (d)  any measure that adversely affects the employment or working conditions of the public servant; and

    (e)  a threat to take any of the measures referred to in any of paragraphs (a) to (d).

     

    divulgation protégée Divulgation qui est faite de bonne foi par un fonctionnaire, selon le
    cas :

    (a)  en vertu de la présente loi;

    (b)  dans le cadre d’une procédure parlementaire;

    (c)  sous le régime d’une autre loi fédérale;

    (d)  lorsque la loi l’y oblige.

    protected disclosure means a disclosure that is made in good faith and that is made by a public servant

    a)  in accordance with this Act;

    b)  in the course of a parliamentary proceeding;

    c)  in the course of a procedure established under any other Act of Parliament; or

    d)  when lawfully required to do so. in accordance with this Act;

    8 La présente loi s’applique aux actes répréhensibles ci-après commis au sein du secteur public ou le concernant :

    la contravention d’une loi fédérale ou provinciale ou d’un règlement pris sous leur régime, à l’exception de la contravention de l’article 19 de la présente loi;

    a)  l’usage abusif des fonds ou des biens publics;

    b)  les cas graves de mauvaise gestion dans le secteur public;

    c)  le fait de causer par action ou omission un risque grave et précis pour la vie, la santé ou la sécurité humaines ou pour l’environnement, à l’exception du risque inhérent à l’exercice des attributions d’un fonctionnaire;

    d)  la contravention grave d’un code de conduite établi en vertu des articles 5 ou 6;

    e)  le fait de sciemment ordonner ou conseiller à une personne de commettre l’un des actes répréhensibles visés aux alinéas a) à e).

    [Abrogé, 2006, ch. 9, art. 197]

    8 This Act applies in respect of the following wrongdoings in or relating to the public sector:

    a contravention of any Act of Parliament or of the legislature of a province, or of any regulations made under any such Act, other than a contravention of section 19 of this Act;

    (a)  a misuse of public funds or a public asset;

    (b)  a gross mismanagement in the public sector;

    (c)  an act or omission that creates a substantial and specific danger to the life, health or safety of persons, or to the environment, other than a danger that is inherent in the performance of the duties or functions of a public servant;

    (d)  a serious breach of a code of conduct established under section 5 or 6; and

    (e)  knowingly directing or counselling a person to commit a wrongdoing set out in any of paragraphs (a) to (e).

    [Repealed, 2006, c. 9, s. 197]

    12 Le fonctionnaire peut faire une divulgation en communiquant à son supérieur hiérarchique ou à l’agent supérieur désigné par l’administrateur général de l’élément du secteur public dont il fait partie tout renseignement qui, selon lui, peut démontrer qu’un acte répréhensible a été commis ou est sur le point de l’être, ou qu’il lui a été demandé de commettre un tel acte.

    12 A public servant may disclose to his or her supervisor or to the senior officer designated for the purpose by the chief executive of the portion of the public sector in which the public servant is employed any information that the public servant believes could show that a wrongdoing has been committed or is about to be committed, or that could show that the public servant has been asked to commit a wrongdoing.

    19 Il est interdit d’exercer des représailles contre un fonctionnaire, ou d’en ordonner l’exercice.

    19 No person shall take any reprisal against a public servant or direct that one be taken against a public servant.

    20.4(1) Si, après réception du rapport d’enquête, le commissaire est d’avis que l’instruction de la plainte par le Tribunal est justifiée, il peut lui demander de décider si des représailles ont été exercées à l’égard du plaignant et, le cas échéant :

    a)  soit d’ordonner la prise des mesures de réparation à l’égard du plaignant;

    b)  soit d’ordonner la prise des mesures de réparation à l’égard du plaignant et la prise de sanctions disciplinaires à l’encontre de la personne ou des personnes identifiées dans la demande comme étant celles qui ont exercé les représailles.

    20.4 (1) If, after receipt of the report, the Commissioner is of the opinion that an application to the Tribunal in relation to the complaint is warranted, the Commissioner may apply to the Tribunal for a determination of whether or not a reprisal was taken against the complainant and, if the Tribunal determines that a reprisal was taken, for

    (a)  an order respecting a remedy in favour of the complainant; or

    (b)  an order respecting a remedy in favour of the complainant and an order respecting disciplinary action against any person or persons identified by the Commissioner in the application as being the person or persons who took the reprisal.

     

    21.5(1) S’agissant d’une demande visant la prise des ordonnances prévues à l’alinéa 20.4(1)b), le Tribunal décide si des représailles ont été exercées à l’égard du plaignant et si la personne ou les personnes identifiées dans la demande comme étant celles qui les auraient exercées les ont effectivement exercées. S’il décide que des représailles ont été exercées, le Tribunal peut ordonner  in dépendamment de la question de savoir si ces personnes ont exercé les représailles la prise de mesures de réparation à l’égard du plaignant.

    21.5(1) On application made by the Commissioner for the orders referred to in paragraph 20.4(1)(b) the Tribunal must determine whether the complainant has been subject to a reprisal and whether the person or persons identified by the Commissioner in the application as having taken the alleged reprisal actually took it. If it determines that a reprisal was taken, the Tribunal may, regardless of whether or not it has determined that the reprisal was taken by the person or persons named in the application, make an order granting a remedy to the complainant.

    21.5 (4) Après avoir motivé par écrit sa décision en conformité avec le paragraphe (3), le Tribunal peut rendre une ordonnance concernant les sanctions disciplinaires à infliger à toute personne qui, selon lui, a exercé les représailles.

    21.5 (4) After issuing the reasons under subsection (3), the Tribunal may make an order respecting the disciplinary action to be taken against any person who was deter- mined by it to have taken the reprisal.

    21.5 (5) Outre le commissaire, sont parties à la procédure pour l’application du paragraphe (4) chaque personne à l’égard de laquelle il entend demander qu’elle fasse l’objet de sanctions disciplinaires et la personne désignée par le Tribunal en vue de présenter des observations en matière disciplinaire pour le compte de la personne ou de l’entité à qui le Tribunal enjoindrait d’exécuter l’ordonnance.

    21.5 (5) The parties in respect of proceedings held for the purpose of subsection (4) are the Commissioner, the per- son against whom the disciplinary action would be taken and, for the purpose of making submissions regarding disciplinary action on behalf of the person or entity who would be required to implement the order if it were made, any person designated by the Tribunal.

    21.7 (1) Afin que soient prises les mesures de réparation indiquées, le Tribunal peut, par ordonnance, en- joindre à l’employeur, à l’administrateur général compétent ou à toute personne agissant en leur nom de prendre toutes les mesures nécessaires pour :

    a)  permettre au plaignant de reprendre son travail;

    b)  le réintégrer ou lui verser une indemnité, s’il estime que le lien de confiance qui existait entre les parties ne peut être rétabli;

    c)  lui verser une indemnité équivalant au plus, à son avis, à la rémunération qui lui aurait été payée s’il n’y avait pas eu de représailles;

    d)  annuler toute sanction disciplinaire ou autre prise à son endroit et lui payer une indemnité équivalant au plus, à son avis, à la sanction pécuniaire ou autre qui lui a été imposée;

    e)  lui accorder le remboursement des dépenses et des pertes financières qui découlent directement des représailles;

    f)  l’indemniser, jusqu’à concurrence de
    10 000 $, pour les souffrances et douleurs découlant des représailles dont il a été victime.

    21.7 (1) To provide an appropriate remedy to the complainant, the Tribunal may, by order, require the employer or the appropriate chief executive, or any person acting on their behalf, to take all necessary measures to

    (a)  permit the complainant to return to his or her duties;

    (b)  reinstate the complainant or pay compensation to the complainant in lieu of reinstatement if, in the Tribunal’s opinion, the relationship of trust between the parties cannot be restored;

    (c)  pay to the complainant compensation in an amount not greater than the amount that, in the Tribunal’s opinion, is equivalent to the remuneration that would, but for the reprisal, have been paid to the complainant;

    (d)  rescind any measure or action, including any disciplinary action, and pay compensation to the complainant in an amount not greater than the amount that, in the Tribunal’s opinion, is equivalent to any financial or other penalty imposed on the complainant;

    (e)  pay to the complainant an amount equal to any expenses and any other financial losses incurred by the complainant as a direct result of the reprisal; or

    (f)  compensate the complainant, by an amount of not more than $10,000, for any pain and suffering that the complainant experienced as a result of the reprisal.

    33 (1) Si, dans le cadre d’une enquête ou  après avoir pris connaissance de renseignements lui ayant été communiqués par une personne autre qu’un fonctionnaire, le commissaire a des motifs de croire qu’un acte répréhensible ou, dans le cas d’une enquête déjà en cours, un autre acte répréhensible a été commis, il peut, s’il est d’avis sur le fondement de motifs raisonnables, que l’intérêt public le commande, faire enquête sur celui-ci, sous réserve des articles 23 et 24; les dispositions de la pré- sente loi applicables aux enquêtes qui font suite à une divulgation s’appliquent aux enquêtes menées en vertu du présent article.

    33 (2) Lorsqu’il fait enquête aux termes du paragraphe (1), le commissaire ne peut utiliser des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada visés par le paragraphe 39(1) de la Loi sur la preuve au Canada ou des renseignements protégés par le secret professionnel liant l’avocat à son client en cas de communication de tels renseignements.

    33 (1) If, during the course of an investigation or as a result of any information provided to the Commissioner by a person who is not a public servant, the Commissioner has reason to believe that another wrongdoing, or a wrongdoing, as the case may be, has been committed, he or she may, subject to sections 23 and 24, commence an investigation into the wrongdoing if he or she believes on reasonable grounds that the public interest requires an investigation. The provisions of this Act applicable to investigations commenced as the result of a disclosure apply to investigations commenced under this section.

    33 (2) The Commissioner may not, in the course of an investigation commenced under subsection (1), use a confidence of the Queen’s Privy Council for Canada in respect of which subsection 39(1) of the Canada Evidence Act applies, or information that is subject to solicitor-client privilege, if the confidence or information is disclosed to the Commissioner.

    51.1(1) L’administrateur général peut assigner temporairement de nouvelles attributions à un fonctionnaire s’il est d’avis, sur le fondement de motifs raisonnables, que la mise en cause du fonctionnaire dans une divulgation ou une plainte relative à des représailles est généralement connue dans l’élément du secteur public auquel il appartient ou que l’assignation temporaire est nécessaire pour le bon déroulement des opérations sur les lieux de travail.

    51.1 (5) Le paragraphe (1) ne s’applique pas au fonctionnaire, autre que celui qui est visé par la divulgation ou celui qui aurait exercé des représailles, à moins qu’il n’y consente par écrit. Le cas échéant, l’assignation temporaire d’attributions ne constitue pas des représailles.

    51.1 (1) A chief executive may temporarily assign other duties to a public servant who is involved in a disclosure or a complaint in respect of a reprisal if the chief executive believes on reasonable grounds that the public servant’s involvement has become known in the public servant’s workplace or that the temporary assignment is necessary to maintain the effective operation of the workplace.

    51.1 (5) Subsection (1) applies to a public servant, other than a public servant who is the subject of the disclosure or who is alleged to have taken the reprisal, as the case may be, only if the public servant consents in writing to the assignment. The assignment is deemed not to be a reprisal if the public servant’s consent is given.


    TRIBUNAL DE LA PROTECTION DES FONCTIONNAIRES DIVULGATEURS

    PARTIES INSCRITES AU DOSSIER

    NUMÉRO DE DÉCISION :

    2017 TPFD 3

    DOSSIER DU TRIBUNAL :

    T-2016-01

    INTITULÉ :

    Dunn c. Affaires autochtones et du Nord Canada et Sylvie Lecompte

    DEVANT :

    L’honorable Juge Peter Annis

    DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL :

    3 octobre 2017

    LIEU DE L’AUDIENCE :

    Ottawa, Ontario, Canada

    DATE DE L’AUDIENCE :

    3,4,5,6,7,12,18 avril 2017

    COMPARUTIONS :

    David Yazbeck

    Avocat

    Raven, Cameron, Ballantyne, Yazbeck

    Ottawa, Ontario

    Pour Chantal Dunn

    Sonia Virc

    Avocate

    Ottawa, Ontario

    Pour le Commissaire

    Michel Girard

    Avocat

    Ministère de la Justice

    Ottawa, Ontario

    Pour Affaires autochtones et du Nord Canada

    Sylvie Lecompte

    Gatineau, Québec

    Pour elle-même

     

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